Lotus Flowers, Garden Of Silences et Bonbon Flamme à la Dynamo de Banlieues Bleues
Le nouveau dispositif de l’Association Jazzé Croisé, baptisé Jazz With et consacré aux groupes franco-européens, réunissait hier les trois lauréats de sa seconde édition pour une soirée qui restera dans les mémoires.
C’est Lotus Flowers, le trio imaginé par Bruno Angelini qui ouvre le bal. Le pianiste a beau en avoir composé le répertoire, on n’aura jamais le sentiment que quinconque est là seulement pour accompagner les autres : la musique circule, ricoche et se prolonge d’un instrument à l’autre avec une fluidité confondante, parfois comme si un seul instrument s’exprimait, alors même que Sakina Abdou explore toute la tessiture de son ténor, du plus grave jusqu’aux harmoniques, avec une autorité impériale, et qu’Angelika Niescier puise pour ses improvisations dans des ressources qui semblent illimitées. Leur façon de développer à fond leur propre discours tout en le reliant constamment à celui des autres est éblouissante, une illustration on ne peut plus limpide du message engagé, d’unité et de lumière, que portent les compositions de Bruno Angelini.
Avant même de jouer une note, le quartette Garden Of Silences formé par Clément Janinet avait déjà retenu l’attention de beaucoup de monde : une formation instrumentale unique, un casting de haute volée (Ambre Vuillermoz à l’accordéon, l’Allemand Robert Lucaciu à la contrebasse et le maître trompettiste et remarquable chanteur norvégien Arve Henriksen) et un nom qui annonce a lui seul tout un programme. On découvre leur univers entre musiques baroques, mélodies traditionnelles, improvisation libre et jazz, une musique d’une infinie délicatesse mais d’une puissance absolue, où chacun trace son sillon dans la même direction pour mieux se retrouver sur des sommets d’émotions indéfinissables, intimes et épiques, où l’on sent que toute la salle retient son souffle.
C’est à un groupe que tout ou presque sépare de celui Clément Janinet que revenait de conclure cette soirée Jazz With : Bonbon Flamme, où s’associent Valentin Ceccaldi (violoncelle), le claviériste néerlandais Fulco Ottervanger, le guitariste portugais Luis Lopes et le batteur français Etienne Ziemniak. Leur musique est celle de tous les extrêmes, dans la douceur comme dans la violence (comment les deux bras d’Etienne Ziemniak peuvent ils produire une telle puissance ?), dans un continuum de style qui n’exclut pratiquement aucune esthétique, ni le jazz et ses ancêtres, qu’ils aiment tant, ni le rock et le punk, des échos de fête d’un Mexique plus ou moins fantasmé, toutes nuances de pop jusqu’à la plus enfantine, ou les atmosphères immobiles. Une révolte contre la notion même de frontières musicales, le monde de Bonbon Flamme n’appartient qu’à eux, mais tout le monde y reconnaîtra pourtant, ne serait-ce qu’un instant, son propre reflet. Yazid Kouloughli