Jazz live
Publié le 4 Mai 2012

Europa Jazz Festival 2012, le final (1)

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Un sans logis s’était réfugié dans les voitures de première classe, et il y dormait paisiblement. Impossible de le déloger, il connaissait son droit. Il fallut donc faire appel aux forces de police, qui furent d’une certaine lenteur à intervenir. Ajoutez à ce premier retard d’une heure un autre, probablement lié aux « difficultés de circulation » et vous saurez pourquoi je n’ai pas pu assister au solo de Fanny Lasfargues, hier jeudi, en la Collégiale St-Pierre-La-Cour. Déception, puisque j’avais beaucoup aimé sa prestation l’an dernier à Apt (voir sur ce même blog), et aussi, dans un genre un peu différent, ce qu’elle avait fait entendre (toujours en solo) à Cenon, il y a quelques mois.

 

L’Europa fait bon accueil aux jeunes pousses du jazz « made in France », Emile Parisien joue ce soir avec Jean-Paul Céléa et Wolfgang Reisinger, « Actuum » était sur scène hier après-midi, Sylvain Darrifourcq avait accompagné Fanny Lasfargues dans son déplacement. Toute une génération (et Joachim Florent avait présenté son solo la veille) sortie de diverses école – le CNSM, le collège de Marciac, et d’autres – dont il faut reconnaître non seulement les talents, mais aussi en surtout la capacité à former des groupes entre eux, à se projeter dans des musiques qui innovent tout en prolongeant ce qui fait le fond du jazz historique. Tour à tour dans des processus d’identification ou de rejet des enseignants qui les forment, ces jeunes restent au plus près de ce qui les agite et de ce qui les constitue, ils restent à l’écart de toute idée de « plan de carrière » et de ce qui pourrait, de près ou de loin, ressembler aux lois du marché. Du coup la musique est leur seule préoccupation, ils effectuent parfois des virages à 180°, comme Sylvain Darrifourcq qui me confiait qu’un des moments décisifs de son histoire de batteur et de musicien avait été l’écoute stupéfaite d’un version de « Lulu » de Berg, à Toulouse.

 

Tel autre, après avoir pensé un certain temps devenir « bassiste de hard-bop » a finalement tourné casaque pour se lancer dans des formes plus ouvertes. Bref « ça turbine là-dedans » comme le résume Sylvain d’une façon imagée. Les programmateurs en quête de modernité feraient bien d’y prendre garde, et d’y faire leur marché, car il ne faut pas confondre les signes de la modernité (utilisation des technologies actuelles, manipulation des platines, échanges entre les arts, passerelles entre les musiques) et la modernité elle-même, qui ne s’annonce parfois par aucun signe particulier, sinon la qualité de la musique qui s’y invente.

 

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« El Indio » (trompette), au second plan Reinier Elizarde (contrebasse) © P. Méziat

 

Je n’avais jamais entendu le trio, désormais fameux, que forment Joachim Kühn, Majid Bekkas et Ramon Lopez, et je n’ai pas été déçu même si la musique de Kühn, pour moi, se suffit à elle-même, tant elle contient rythmes et couleurs dans sa conception même, et son exécution en solo. Cela dit, sur la deuxième partie du concert, le chanteur et joueur de guembri marocain a glissé dans le lyrisme fait d’agitation et de palpitation de Kühn une forte dose de douceur arabo-andalouse. Il y avait beaucoup de bonheur dans cette musique, bonheur de la faire exister chez tous, et bonheur de l’entendre du côté public.

 

Le « Cuban Ensemble » de David Murray, légèrement modifié dans son « line-up », était si peu « ensemble » justement qu’on a craint le pire pendant une bonne vingtaine de minutes. Manque de répétitions ? Fatigue générale ? Va savoir. Toujours est-il que pour remettre le bateau en équilibre David Murray a choisi de jouer une pièce ternaire, ce qui a permis au batteur de retrouver un peu ses marques, puis, comme la section de cuivres refusait obstinément de s’y mettre (même le brillant « El Indio » à la trompette, d’habitude si pétulant, n’en plaçait pas une), il a joué en quartet, une superbe ballade qui emmenait de Coleman Hawkins à Albert Ayler, et puis comme ça commençait à bien tourner comme ça, il a continué. Et pourquoi pas ?

 

A suivre aujourd’hui Vincent Peirani en solo, le très attendu duo de Peter Brotzmann et Hamid Drake, le trio Céléa/Parisien/Reisinger, et les deux héros d’hier soir (Kühn et Murray) pour un duo inédit.

 

Philippe Méziat

 

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Un sans logis s’était réfugié dans les voitures de première classe, et il y dormait paisiblement. Impossible de le déloger, il connaissait son droit. Il fallut donc faire appel aux forces de police, qui furent d’une certaine lenteur à intervenir. Ajoutez à ce premier retard d’une heure un autre, probablement lié aux « difficultés de circulation » et vous saurez pourquoi je n’ai pas pu assister au solo de Fanny Lasfargues, hier jeudi, en la Collégiale St-Pierre-La-Cour. Déception, puisque j’avais beaucoup aimé sa prestation l’an dernier à Apt (voir sur ce même blog), et aussi, dans un genre un peu différent, ce qu’elle avait fait entendre (toujours en solo) à Cenon, il y a quelques mois.

 

L’Europa fait bon accueil aux jeunes pousses du jazz « made in France », Emile Parisien joue ce soir avec Jean-Paul Céléa et Wolfgang Reisinger, « Actuum » était sur scène hier après-midi, Sylvain Darrifourcq avait accompagné Fanny Lasfargues dans son déplacement. Toute une génération (et Joachim Florent avait présenté son solo la veille) sortie de diverses école – le CNSM, le collège de Marciac, et d’autres – dont il faut reconnaître non seulement les talents, mais aussi en surtout la capacité à former des groupes entre eux, à se projeter dans des musiques qui innovent tout en prolongeant ce qui fait le fond du jazz historique. Tour à tour dans des processus d’identification ou de rejet des enseignants qui les forment, ces jeunes restent au plus près de ce qui les agite et de ce qui les constitue, ils restent à l’écart de toute idée de « plan de carrière » et de ce qui pourrait, de près ou de loin, ressembler aux lois du marché. Du coup la musique est leur seule préoccupation, ils effectuent parfois des virages à 180°, comme Sylvain Darrifourcq qui me confiait qu’un des moments décisifs de son histoire de batteur et de musicien avait été l’écoute stupéfaite d’un version de « Lulu » de Berg, à Toulouse.

 

Tel autre, après avoir pensé un certain temps devenir « bassiste de hard-bop » a finalement tourné casaque pour se lancer dans des formes plus ouvertes. Bref « ça turbine là-dedans » comme le résume Sylvain d’une façon imagée. Les programmateurs en quête de modernité feraient bien d’y prendre garde, et d’y faire leur marché, car il ne faut pas confondre les signes de la modernité (utilisation des technologies actuelles, manipulation des platines, échanges entre les arts, passerelles entre les musiques) et la modernité elle-même, qui ne s’annonce parfois par aucun signe particulier, sinon la qualité de la musique qui s’y invente.

 

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« El Indio » (trompette), au second plan Reinier Elizarde (contrebasse) © P. Méziat

 

Je n’avais jamais entendu le trio, désormais fameux, que forment Joachim Kühn, Majid Bekkas et Ramon Lopez, et je n’ai pas été déçu même si la musique de Kühn, pour moi, se suffit à elle-même, tant elle contient rythmes et couleurs dans sa conception même, et son exécution en solo. Cela dit, sur la deuxième partie du concert, le chanteur et joueur de guembri marocain a glissé dans le lyrisme fait d’agitation et de palpitation de Kühn une forte dose de douceur arabo-andalouse. Il y avait beaucoup de bonheur dans cette musique, bonheur de la faire exister chez tous, et bonheur de l’entendre du côté public.

 

Le « Cuban Ensemble » de David Murray, légèrement modifié dans son « line-up », était si peu « ensemble » justement qu’on a craint le pire pendant une bonne vingtaine de minutes. Manque de répétitions ? Fatigue générale ? Va savoir. Toujours est-il que pour remettre le bateau en équilibre David Murray a choisi de jouer une pièce ternaire, ce qui a permis au batteur de retrouver un peu ses marques, puis, comme la section de cuivres refusait obstinément de s’y mettre (même le brillant « El Indio » à la trompette, d’habitude si pétulant, n’en plaçait pas une), il a joué en quartet, une superbe ballade qui emmenait de Coleman Hawkins à Albert Ayler, et puis comme ça commençait à bien tourner comme ça, il a continué. Et pourquoi pas ?

 

A suivre aujourd’hui Vincent Peirani en solo, le très attendu duo de Peter Brotzmann et Hamid Drake, le trio Céléa/Parisien/Reisinger, et les deux héros d’hier soir (Kühn et Murray) pour un duo inédit.

 

Philippe Méziat

 

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Un sans logis s’était réfugié dans les voitures de première classe, et il y dormait paisiblement. Impossible de le déloger, il connaissait son droit. Il fallut donc faire appel aux forces de police, qui furent d’une certaine lenteur à intervenir. Ajoutez à ce premier retard d’une heure un autre, probablement lié aux « difficultés de circulation » et vous saurez pourquoi je n’ai pas pu assister au solo de Fanny Lasfargues, hier jeudi, en la Collégiale St-Pierre-La-Cour. Déception, puisque j’avais beaucoup aimé sa prestation l’an dernier à Apt (voir sur ce même blog), et aussi, dans un genre un peu différent, ce qu’elle avait fait entendre (toujours en solo) à Cenon, il y a quelques mois.

 

L’Europa fait bon accueil aux jeunes pousses du jazz « made in France », Emile Parisien joue ce soir avec Jean-Paul Céléa et Wolfgang Reisinger, « Actuum » était sur scène hier après-midi, Sylvain Darrifourcq avait accompagné Fanny Lasfargues dans son déplacement. Toute une génération (et Joachim Florent avait présenté son solo la veille) sortie de diverses école – le CNSM, le collège de Marciac, et d’autres – dont il faut reconnaître non seulement les talents, mais aussi en surtout la capacité à former des groupes entre eux, à se projeter dans des musiques qui innovent tout en prolongeant ce qui fait le fond du jazz historique. Tour à tour dans des processus d’identification ou de rejet des enseignants qui les forment, ces jeunes restent au plus près de ce qui les agite et de ce qui les constitue, ils restent à l’écart de toute idée de « plan de carrière » et de ce qui pourrait, de près ou de loin, ressembler aux lois du marché. Du coup la musique est leur seule préoccupation, ils effectuent parfois des virages à 180°, comme Sylvain Darrifourcq qui me confiait qu’un des moments décisifs de son histoire de batteur et de musicien avait été l’écoute stupéfaite d’un version de « Lulu » de Berg, à Toulouse.

 

Tel autre, après avoir pensé un certain temps devenir « bassiste de hard-bop » a finalement tourné casaque pour se lancer dans des formes plus ouvertes. Bref « ça turbine là-dedans » comme le résume Sylvain d’une façon imagée. Les programmateurs en quête de modernité feraient bien d’y prendre garde, et d’y faire leur marché, car il ne faut pas confondre les signes de la modernité (utilisation des technologies actuelles, manipulation des platines, échanges entre les arts, passerelles entre les musiques) et la modernité elle-même, qui ne s’annonce parfois par aucun signe particulier, sinon la qualité de la musique qui s’y invente.

 

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« El Indio » (trompette), au second plan Reinier Elizarde (contrebasse) © P. Méziat

 

Je n’avais jamais entendu le trio, désormais fameux, que forment Joachim Kühn, Majid Bekkas et Ramon Lopez, et je n’ai pas été déçu même si la musique de Kühn, pour moi, se suffit à elle-même, tant elle contient rythmes et couleurs dans sa conception même, et son exécution en solo. Cela dit, sur la deuxième partie du concert, le chanteur et joueur de guembri marocain a glissé dans le lyrisme fait d’agitation et de palpitation de Kühn une forte dose de douceur arabo-andalouse. Il y avait beaucoup de bonheur dans cette musique, bonheur de la faire exister chez tous, et bonheur de l’entendre du côté public.

 

Le « Cuban Ensemble » de David Murray, légèrement modifié dans son « line-up », était si peu « ensemble » justement qu’on a craint le pire pendant une bonne vingtaine de minutes. Manque de répétitions ? Fatigue générale ? Va savoir. Toujours est-il que pour remettre le bateau en équilibre David Murray a choisi de jouer une pièce ternaire, ce qui a permis au batteur de retrouver un peu ses marques, puis, comme la section de cuivres refusait obstinément de s’y mettre (même le brillant « El Indio » à la trompette, d’habitude si pétulant, n’en plaçait pas une), il a joué en quartet, une superbe ballade qui emmenait de Coleman Hawkins à Albert Ayler, et puis comme ça commençait à bien tourner comme ça, il a continué. Et pourquoi pas ?

 

A suivre aujourd’hui Vincent Peirani en solo, le très attendu duo de Peter Brotzmann et Hamid Drake, le trio Céléa/Parisien/Reisinger, et les deux héros d’hier soir (Kühn et Murray) pour un duo inédit.

 

Philippe Méziat

 

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Un sans logis s’était réfugié dans les voitures de première classe, et il y dormait paisiblement. Impossible de le déloger, il connaissait son droit. Il fallut donc faire appel aux forces de police, qui furent d’une certaine lenteur à intervenir. Ajoutez à ce premier retard d’une heure un autre, probablement lié aux « difficultés de circulation » et vous saurez pourquoi je n’ai pas pu assister au solo de Fanny Lasfargues, hier jeudi, en la Collégiale St-Pierre-La-Cour. Déception, puisque j’avais beaucoup aimé sa prestation l’an dernier à Apt (voir sur ce même blog), et aussi, dans un genre un peu différent, ce qu’elle avait fait entendre (toujours en solo) à Cenon, il y a quelques mois.

 

L’Europa fait bon accueil aux jeunes pousses du jazz « made in France », Emile Parisien joue ce soir avec Jean-Paul Céléa et Wolfgang Reisinger, « Actuum » était sur scène hier après-midi, Sylvain Darrifourcq avait accompagné Fanny Lasfargues dans son déplacement. Toute une génération (et Joachim Florent avait présenté son solo la veille) sortie de diverses école – le CNSM, le collège de Marciac, et d’autres – dont il faut reconnaître non seulement les talents, mais aussi en surtout la capacité à former des groupes entre eux, à se projeter dans des musiques qui innovent tout en prolongeant ce qui fait le fond du jazz historique. Tour à tour dans des processus d’identification ou de rejet des enseignants qui les forment, ces jeunes restent au plus près de ce qui les agite et de ce qui les constitue, ils restent à l’écart de toute idée de « plan de carrière » et de ce qui pourrait, de près ou de loin, ressembler aux lois du marché. Du coup la musique est leur seule préoccupation, ils effectuent parfois des virages à 180°, comme Sylvain Darrifourcq qui me confiait qu’un des moments décisifs de son histoire de batteur et de musicien avait été l’écoute stupéfaite d’un version de « Lulu » de Berg, à Toulouse.

 

Tel autre, après avoir pensé un certain temps devenir « bassiste de hard-bop » a finalement tourné casaque pour se lancer dans des formes plus ouvertes. Bref « ça turbine là-dedans » comme le résume Sylvain d’une façon imagée. Les programmateurs en quête de modernité feraient bien d’y prendre garde, et d’y faire leur marché, car il ne faut pas confondre les signes de la modernité (utilisation des technologies actuelles, manipulation des platines, échanges entre les arts, passerelles entre les musiques) et la modernité elle-même, qui ne s’annonce parfois par aucun signe particulier, sinon la qualité de la musique qui s’y invente.

 

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« El Indio » (trompette), au second plan Reinier Elizarde (contrebasse) © P. Méziat

 

Je n’avais jamais entendu le trio, désormais fameux, que forment Joachim Kühn, Majid Bekkas et Ramon Lopez, et je n’ai pas été déçu même si la musique de Kühn, pour moi, se suffit à elle-même, tant elle contient rythmes et couleurs dans sa conception même, et son exécution en solo. Cela dit, sur la deuxième partie du concert, le chanteur et joueur de guembri marocain a glissé dans le lyrisme fait d’agitation et de palpitation de Kühn une forte dose de douceur arabo-andalouse. Il y avait beaucoup de bonheur dans cette musique, bonheur de la faire exister chez tous, et bonheur de l’entendre du côté public.

 

Le « Cuban Ensemble » de David Murray, légèrement modifié dans son « line-up », était si peu « ensemble » justement qu’on a craint le pire pendant une bonne vingtaine de minutes. Manque de répétitions ? Fatigue générale ? Va savoir. Toujours est-il que pour remettre le bateau en équilibre David Murray a choisi de jouer une pièce ternaire, ce qui a permis au batteur de retrouver un peu ses marques, puis, comme la section de cuivres refusait obstinément de s’y mettre (même le brillant « El Indio » à la trompette, d’habitude si pétulant, n’en plaçait pas une), il a joué en quartet, une superbe ballade qui emmenait de Coleman Hawkins à Albert Ayler, et puis comme ça commençait à bien tourner comme ça, il a continué. Et pourquoi pas ?

 

A suivre aujourd’hui Vincent Peirani en solo, le très attendu duo de Peter Brotzmann et Hamid Drake, le trio Céléa/Parisien/Reisinger, et les deux héros d’hier soir (Kühn et Murray) pour un duo inédit.

 

Philippe Méziat