San Sebastian: Jazzeñe, jeunes pousses ibériques

Jazzene est un programme spécial mis en place par la Fondation espagnole SGAE qui gère les intérêts et les droits d’auteurs des musiciens espagnols, l’équivalent de la SACEM en France en quelque sorte. Depuis onze ans maintenant cette initiative vise à aider à la diffusion du jazz créé par les musiciens espagnols, favoriser leur participation dans les festivals de la péninsule ibérique et faire connaître ces derniers hors de leurs frontières. À San Sebastian en particulier à l’occasion de Jazzaldia, le grand festival de jazz de l’été au Pays Basque, Jazzeñe entreprend depuis cinq ans une double action. Permettre à de jeunes musiciens de se produire devant un large public (show cases). Et leur faire rencontrer des programmateurs ou directeurs de festivals étrangers (speed dating) A ce titre un jury de professionnels a fait une sélection de groupes et musiciens venus d’Espagne. Huit orchestres ont ainsi été choisis pour passer, deux par deux quatre jours durant, sur la scène du Teatro Victoria Eugenio. Avec la possibilité de rencontrer ensuite les organisateurs et programmateurs de festivals étrangers (Londres, Saint Louis du Sénégal, Stockholm, Suisse, , Munich, Ljublijana, Jazzebre à Perpignan etc…)
Teatro Victoria Eugenio
Quel plaisir de retrouver le décor confort de ce magnifique théâtre à l’italienne …
24 juillet
J Fox
Juamma Urriza (dm), Fredi Pelaez (clav), Oskar Lakunza (ts, ss), Xabier Barrenetxea (elb)

Un son avec pas mal de grain au ténor, de la présence aussi au soprano. Les compositions sont très (trop) carrées. La batterie paraît lourde en support permanent. Les claviers ressortent en nappes successives. Musique un peu mono-colore. Jazz de facture classique bien interprété. Mais sans réelle surprise.
Juanfe Perez
Juanfe Perez (elb), Kike Terrón (perc), David Sancho (clav), Alicia Norales (voc)

Dès l’intro avec un son de basse percutant, tendu on se trouve dans l’univers du flamenco. La résonance du cajon et les jets de cris gutturaux viennent étoffer le tableau. Seuls les flamboiements du synthé dénotent au départ. Pourtant pour les longues pièces livrées en évolution lente le bassiste originaire de la province de Huelva insiste: il veut offrir un flamenco couleurs très électriques. Il revendique pour ce un esprit d’ouverture « J’ajoute des teintes de jazz, pop rock etc…»
Juanfe Perez utilise sa basse comme une guitare en farandoles de notes. De quoi créer un climat dans lequel s’engouffre le synthé, le clavier du phénomène Antonio Lizana, saxophoniste et chanteur flamenco. Mais lui c’est une autre histoire. Ici on vit simplement un « flamenco fusion » comme il a existé un « jazz fusion »…
25 juillet
Maité Akustik Quintet
Maite Ruiz de Erentxun (acc), Aura mauri (voc), Christopher Perez (ts, ss)

Elle fait ses premières annonces en basque Mais avec dans le public des programmateurs internationaux penser à des explications aussi en anglais…A priori une Instrumentation riche, beaucoup de sources sonore. On note la prise de risque sur le contenu, un solo de sax soprano puis lui succède une guitare acoustique. L’accordéon fait le lien…Tentative d’Improvisation collective encore un peu timide. Final en duo féminin, vocal et accordéon, forte présence de la voix ( quelque choses de Mercedes Sosa) unissons qui marquent la complicité. Morceaux explicités aussi en anglais in fine…
Román Filiu (as), Javier Filiu (vln), Zaloa Gorostidi (vln), Oswaldo castro (vln al), Cary Rosa varonan (cello)

Un quatuor classique genre format musique de chambre avec sax alto en soliste. Soit une base de cordes pour exposer les thèmes et exploiter les contre-chants. Le projet semble ambitieux, la sonorité globale est originale. L’intensité mise dans l’apport rythmique du quartet peut surprendre. Le discours musclé de l’alto reste en phase avec l’intention affichée.
« Je viens de de Santiago de Cuba. j’ai composé cette Suite Orientale en souvenir d’un de mes maîtres, violoniste. Les genres populaires dans l’île défilent : tumba francesa, son, boléro etc…De la finesse, manifestement dans le boléro; le sax alto, lui, fait le boulot, Y compris lorsqu’il fait appel à la danse. Le danzon – titré « Pour la paix »- vient justement de la tradition de la contredanse française. Il y a bien une Influence jazz dans toutes ces musiques. Simplement un plus de percussions cubaines seraient un bonus appréciable.
26 juillet
Eme Eme Project
María Mansilla (fl, voc) David Sancho (piano, clavier, Nord Stage, synthé), Antonio Tomás Sepúlveda (voix), Jesús Caparrós (elb), Rodrigo Ballesteros (dm, octapad)

Un son de groupe -malgré une sono quelque peu défaillante au départ. De l’originalité dans la musique proposée. Bel accord de voix avec, mis en avant naturellement celle d’un chanteur qui manifeste une grosse présence. Donc autour duquel tournent les compositions. On aura même noté une pincée de rap decliné au féminin. De même pour l’apport mélodique de la flûte. Et le métier incontestable du pianiste quelque soit le clavier utilisé. Le tout dans un volume de jeu assez fourni de la part de l’ensemble des membres du groupe.
Cuarteto Federal
Guillem Armedo (dm), Kike perdomo (ts, ss), Javier Galiana (p), Xacobe Martinez (b)

Ils tiennent à le préciser d’entrée: ls viennent de quatre régions d’Espagne différentes: Canaries (sax), Cadiz (oiano), Gallicia (basse), Catalogne (batterie) « Et en Espagne, affirmer être d’un lieu, d’une province, ça veut dire quelque chose… » L’Idée motrice, justement, pour ces musiciens de jazz professionnels, c’est bien « de dépasser ces frontières intérieures pour présenter un jazz nourri de tout cela mais s’affirmant original » D’ou l’expérimentation à partir d’une jota enchainée sur une mélodie des îles canarias. Chacun techniquement tient la route, clairement. son de sax, toucher de piano, jeu de basse à l’archer…Exercice didactique sur sur un paso doble « muté en ternaire » dixit le pianiste, qui aurait ainsi tendance à sortir un peu des lignes. Pourtant au total, sur le temps imparti on reste dans un jazz assez académique.
27 juillet
Pere Bujosa (b), Xavi Torres (p), Joan Terol (dm)

Trio également de facture classique. Les compositions annoncées s’avèrent équilibrées. En place, une batterie de fort tonnage question volume de jeu. Dans ce triangle très habituel dans le monde du jazz l’expressivité se trouve équitablement partagée. D’où un sentiment de cohésion. A titre individuel le pianiste est doté, dans son jeu propre, d’une certaine finesse, toucher, constructions des phrases. Originalité enfin: des sons enregistrés injectés en cours de morceau. À confirmer avec qui sait, un zeste d’audace supplémentaire…
Daniel Román Jazz Quintet Naīma Acuña (dm), Cesar Filiú (ts), Román Filiú (as), Alvaro del Valle (b, electr), Daniel Román (g)

Soit un quintet de jazz composé avec des musiciens cubains, par ailleurs assez nombreux à vivre en Espagne aujourd’hui. Le leader, guitariste lit des textes. Derrière, comme pour l’image en fond d’écran, défilent différentes veines musicales, musique traditionnelle, jazz, accompagnement de chanson… Le sax alto que l’on a déjà entendu au sein d’un autre groupe calque sur le chant, le récit d’une sonorité ronde. On entend ses notes d’intention. Mais dans la cassure volontaire des structures, dans le désordre organisé, les parties solo qui se succèdent sans lien (basse, guitare) le texte qui revient en lecture un peu trop monotone la substance se délite un peu … A travailler, à remettre l’ouvrage sur le métier.
Cette dernière impression, un certain manque de relief sinon de métier au niveau des orchestres invités, certains organisateurs de concerts et festivals venus de l’étranger l’ont noté. Pour séduire ce type de professionnels, il y a nécessité pour le jury comme pour les musiciens en compétition d’une hausse du niveau d’exigence. En tant que responsables de la programmation de festivals internationaux ils en ont parlé à l’occasion de conversations, d’échanges impromptus. Des avis autorisés répercutés tant auprès de Miguel Martin, boss de Jazzaldia qu’à l’intention de Javier Estrella directeur de Jazzeñe. Sans doute, pour plus de pertinence dans le rendu musical des lauréats, faudra-t-il à l’avenir resserrer les mailles du filet de la sélection.
Robert Latxague