Jazz live
Publié le 5 Oct 2025

Pégaz Festival 2ème jour : un quartette, un mini big band et un tirage au sort.

C’était hier 4 octobre, à l’Espace Gérard Philippe de Fontenay-sous-Bois, avec le nouveau quartette Tilia de Paul Jarret et le nonette The Other Side Orchestra de Delphine Deau et Julien Soro.

Rock attitude. Punk attitude. Trash attitude. Progressive attitude. Pop attitude. Folk Attitude. Il y a un peu de tout ça dans le jazz de Paul Jarret et qu’il n’a peut-être jamais mieux incarné que dans ce nouveau quartette, Tilia. Et dans ces apparences de chaos, d’effritement, d’effondrement hors ou in tempo, se manifeste une authentique écriture orchestrale selon des visions soniques kaléidoscopiques que griffe et lacère la guitare de Jarret (souvent un peu trop sonorisée par rapport à l’ensemble… ce n’est pas une invitation à monter le son de l’ensemble, mais à équilibrer par le bas) et le saxophone ébouriffé de Philipp Gropper (déjà apprécié au sein des ébouriffants Killing Popes du batteur Oli Steidel à Jazzdor, à Malguénac, aux Plages Magnétiques de Brest). La contrebasse d’Étienne Renard procure tout à la fois assise et mobilité à ces aperçus foisonnants qu’habite intensément la batteuse Sun-Mi Hong dans un mélange saisissant d’élégante décontraction et d’intensité.

La seconde partie mérite d’emblée l’énoncé du personnel musical de The Other Side Orchestra, à commencer par les deux co-leaders qui présentent ici une version orchestrale de leur duo “The Other Side of Water” (disque publié sous le label Pégaz et l’hélicon) : Delphine Deau (piano) et Julien Soro (saxophone alto) entourés de Heidi Bayer (trompette), Daniel Zimmerman en remplacement de Christiane Bopp (deux puissantes conceptions néanmoins distinctes du trombone, également épatantes, qu’on avait aimé voir sympathiser dans le programme “Ex Machina” de Steve Lehman et Frédéric Maurin à la tête de l’ONJ), Fabien Debellefontaine (tuba), Catherine Delaunay (clarinette), Stephan Caracci (vibraphone, percussions), Raphaël Schwab (contrebasse) et Rafaël Koerner (batterie).

Le premier morceau reprend l’un des titres clé (mais ne le sont-ils pas tous ?) du duo, The Other Side of M. M? Entendez Messiaen, compositeur, Olivier de son prénom, dont s’est profondément imprégnée Delphine Deau, aspect de son art qu’elle met en lumière dans une ardente introduction dont elle déploie les couleurs harmoniques sur toute la largeur du clavier. La suite ? L’arrangement orchestral de Frédéric Maurin qui signe également le suivant de la même compositrice, Mambo Jambo. Je me suis laissé embarquer, sans résistance, avec le bonheur d’une famille retrouvée, épanouie, agrandie tout en se présentant ici dans un effectif resserré : Ping Machine, que j’ai vu naître sous la direction et sur les partitions de Frédéric Maurin, il y a vingt ans avec éjà Rafaël Koerner déjà très apprécié, aujourd’hui magistral d’élégance ; Ping que j’ai vu grandir, mûrir, se métamorphoser, s’épanouir pleinement, avant de se fondre partiellement dans l’ONJ, et dont les phalanges prennent ici leur autonomie sans rien oublier de leur héritage tout en l’agrandissant avec ces nouveaux venus que sont désormais Delphine Deau, Heidi Bayer (originaire de Cologne, mœlleux du timbre et angularité du phrasé, quintette à retrouver sur internet avec le même Oli Steidle) et Catherine Delaunay que l’on ne présente plus. Il y aura encore une reprise orchestrale du féérique Renata de Soro qui ouvre le disque du duo, un autre arrangement de Maurin, une partition (peut-être deux) signée(s) Raphaël Schwab, un rassemblement des vents en fanfare autour de piano pour faire résonner “en sympathie” les harmoniques du piano (exercice qui concourt à la complicité du duo sur “The Other Side of Water”)… mais tout à mon bonheur j’avoue avoir laissé tomber mes notes.

À l’issue de ce concert, sorti prendre l’air en bonne compagnie (Daniel Zimmermann et Frédéric Maurin que je n’avais plus vu depuis la fin de l’ONJ), je ne dirai rien ici de la drolatique et féconde loterie qui clôt traditionnellement le festival Pégaz, animée par Arnaud Merlin, au cours de laquelle une roue de la fortune permet de désigner un format orchestral, le tirage au sort d’une main innocente plongée dans un bac rempli de balles de ping pong attribuées permettant d’en constituer le personnel. Mais à en rejoindre le public sur le tard, j’ai cru deviner qu’il venait de passer d’excellents moments.

Cette après-midi 5 octobre, le Pégaz Festival jouera les prolongations au Théâtre Jean-François Voguet, à 15h avec un ciné-concert sur les dessins animés tchèques de Zdenēk Miller accompagnés de la musique prodiguée par Marc Benham, Stephan Caracci et Raphaël Schwab. À 17h, rendez-vous avec les étudiants du Conservatoire à rayonnement régional et du Pôle supérieur d’enseignement artistique de Paris pour restitution d’une masterclass avec Jozef Dumoulin. De réaliser que je pourrai pas y être, j’en ai avalé de travers mon petit déjeuner.

Franck Bergerot