Jazz live
Publié le 17 Nov 2017

D'JAZZ NEVERS 6 : LIONEL MARTIN-MARIO STANTCHEV, BANDES ORIGINALES, BUGGE WESSELTOFT, FRANÇOIS COUTURIER TARKÓVSKY QUARTET

Encore une journée transversale au festival de Nevers, où la jazz croise le cinéma et l’histoire confidentielle de la musique

Mario Stantchev-Lionel Martin©Maxim François     Photo©Maxim François

LIONEL MARTIN & MARIO STANTCHEV « Jazz Before Jazz »

Lionel Martin (saxophones ténor & soprano), Mario Stantchev (piano)

Maison de la Culture, salle Lauberty, 16 novembre 2017, 12h15

Ce concert prolonge la gageure inaugurée avec le disque éponyme paru l’an dernier : donner, en jazzmen d’aujourd’hui, une vision de celui qui peut incarner les frémissements du jazz avant le jazz : le pianiste virtuose, et compositeur, Louis Moreau Gottschalk, né à la Nouvelle Orléans peu d’années après la mort de Beethoven, et mort au Brésil en 1869 après avoir parcouru l’Europe (où il a rencontré Chopin, dont il a joué un concerto), la Caraïbe et l’Amérique du Sud où il a puisé son inspiration musicale dans les danses populaires. On donne ce compositeur pour un ancêtre du ragtime, et les musiciens sont partis de leur goût pour ces mélodies légères, et pour le destin singulier de leur auteur, pour traiter cette matière musicale comme on le ferait d’un standard de Broadway…. ou d’un standard du jazz. Après que le charme mélodique a été énoncé, ils prennent le large vers les libertés qu’autorise le jazz, en s’appropriant cette musique pour la faire vivre à leur manière. Expositions très nuancées des thèmes, mais aussi foucades imprévue quand il s’agit de donner libre court à l’expression personnelle. Bien des moments de grâce dans ce concert, par exemple quand le saxophoniste, au ténor, tourne autour du piano en jouant des sons très dynamiques, tandis que le pianiste, en appuyant la pédale forte de l’instrument (bien harmonisé et de très belle qualité) offre une réverbération harmonique très riche ; puis le jeu se poursuit avec le soprano près des cordes, avant de repartir dans des improvisations libres et colorées, lesquelles nous offrent d’autres bonheurs, furtifs ou persistants. Et la fin du concert nous trouve comme des enfants émerveillés, qui auraient assisté à la métamorphose d’une citrouille en carrosse, ou l’inverse : quelle importance !

Bandes Originales V. Courtois©Maxim François      Photo©Maxim François

«BANDES ORIGINALES»

Vincent Courtois (violoncelle, effets électroniques), Daniel Erdmannn (saxophone ténor), Robin Fincker (clarinette, saxophone ténor)

Espace Stéphane Hessel, 16 novembre 2017, 18h30

Le concert reprend le fil conducteur du disque éponyme récemment paru, et qui offrait des relectures très personnelle de musique de films dont le plus récent remonte aux années 80. Qu’il s’agisse de la bande originale de Plein Soleil (Nino Rota pour le film de René Clément), de Ballon Rouge, Hiroshima mon amour, L’ Affaire Thomas Crown ou E.T., le mélodie est cultivée avec soin avant d’être joyeusement transgressée par l’écriture, et plus encore par l’improvisation. Chacun, à tour de rôle, assure le soubassement rythmico-mélodique, tandis que les autres s’égaillent en territoire de liberté. Le projet avait pris racine dans une plage du disque précédent («West») qui reprenait qui se penchait sur le film Freaks. Les trois musiciens, comme le public, s’en donnent à cœur joie, et en rappel ce sera une ode au violoncelle (version gambiste), à la littérature et au cinéma, avec Tous les matins du monde. Soit, encore une fois, un beau moment de musique.

Bugge Wesseltoft©Maxim François     Photo©Maxim François

BUGGE WESSELTOFT (piano solo, électronique)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 16 novembre 2017, 20h30

Celui qui fut à un moment de sa carrière un pilier de l’électro-jazz européen revient, en solo, vers d’autres territoires. Le voici, au piano acoustique, pour une série de mélodies jouées avec une simple douceur et force nuances, mais dans un dépouillement qui lasse un peu : l’absence de tensions harmoniques entre la mélodie et l’accompagnement, ou à l’intérieur des accords, arpèges et autres activités de la sénestre (la main gauche quoi !) finissent par assoupir notre intérêt. Vers la trentième minute, une dissonance appuyée nous informe que le pianiste ne s’est pas assoupi (ou qu’il souhaite nous tirer d’une certaine torpeur). Vient ensuite la partie électronique : après un long réglage (lequel, me semble-t-il, fait partie de la performance), et dès qu’il a trouvé les sons idoines, Bugge Wesseltoft se lance dans une sorte de blues d’influence extrême-orientale, bien envoyé, puis s’aventure autour des harmonies de What Is This Thing Called Love avant de s’égarer un brin dans des boucles électro. Retour ensuite au tout acoustique, où l’on croise une évocation lointaine de Blowin’ in the wind (Bob Dylan), puis un retour à une certaine invention harmonique autour de Let It Be (de qui vous savez) et Moon River (composé par Henry Mancini). Le fin du concert m’a réconcilié avec ce pianiste que j’avais maintes fois écouté, dans toutes les configurations, y compris en 2000, au Norske Festivaler de Bergen en Norvège, à la tête de l’Orchestre de jazz de l’UER (EBU Jazz Orchestra), l’ancêtre de l’Euroradio Jazz Orchestra que le festival accueillait 3 jours plus tôt.

Tarkovsky Quartet©Maxim François     Photo©Maxim François

FRANÇOIS COUTURIER TARKÓVSKY QUARTET

François Couturier (piano), Anja Lechner (violoncelle), Jean-Marc Larché (saxophone soprano), Jean-Louis Matinier (accordéon)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 16 novembre 2017, 22h15

Plaisir anticipé, déjà, de retrouver ce groupe si singulier, pour l’essentiel dans le programme du disque qu’il a publié au printemps dernier («Nuit blanche», ECM). Le groupe a été programmé en seconde partie au cours de l’été : à l’origine, il devait assurer la première partie de John Abercrombie, décédé en août dernier. C’est ce qu’expliquera François Couturier, en cours de concert, non sans une certaine émotion. On est frappé, dès l’abord, par la concentration de chacun et l’attention maximale portée à l’écoute du groupe, ou du soliste du moment. Quand l’un ou l’une prend un solo, individuellement, les autres sont à l’écoute d’une manière telle qu’ils paraissent porter le(la) soliste dans son entreprise créative. Au début du premier morceau, on pourrait croire que c’est un hommage profond à la mélancolie extrême. Mais très vite surgit une sorte de joie tellurique, secrète et pourtant évidente. Jouer une musique, ce n’est pas seulement utiliser indissolublement son corps et son esprit pour produire des sons riches en charge concrète autant qu’abstraite, c’est aussi participer de l’équilibre du monde, au sens le plus large, de la culture à la biosphère. Porté par les sens autant que par l’intellect, l’auditeur va goûter ces inextricables mélanges d’élément empruntés à la musique baroque comme à la contemporaine, au jazz ou aux musiques populaires. Tout fait sens et musique : que le pianiste se concentre sur le poids de chaque note, que la violoncelliste cultive l’expressivité jusqu’au vertige, que l’accordéoniste travaille la nuance jusqu’à l’indicible, ou que le saxophoniste, après avoir sculpté les phrases avec une attention amoureuse, se saisisse d’un instrument de son invention (dépourvu encore de nom, en qui associe un bec de saxophone à un tube en PVC) pour des sons inouïs qui nous embarquent à nouveau vers l’ailleurs. Grand moment de musique, à retrouver très vite sur France Musique, ce samedi 18 novembre à 19h dans le ‘Jazz Club’ d’Yvan Amar.

Xavier Prévost

https://www.francemusique.fr/emissions/jazz-club/francois-couturier-tarkovski-quartet-nuit-blanche-nevers-38029 |Encore une journée transversale au festival de Nevers, où la jazz croise le cinéma et l’histoire confidentielle de la musique

Mario Stantchev-Lionel Martin©Maxim François     Photo©Maxim François

LIONEL MARTIN & MARIO STANTCHEV « Jazz Before Jazz »

Lionel Martin (saxophones ténor & soprano), Mario Stantchev (piano)

Maison de la Culture, salle Lauberty, 16 novembre 2017, 12h15

Ce concert prolonge la gageure inaugurée avec le disque éponyme paru l’an dernier : donner, en jazzmen d’aujourd’hui, une vision de celui qui peut incarner les frémissements du jazz avant le jazz : le pianiste virtuose, et compositeur, Louis Moreau Gottschalk, né à la Nouvelle Orléans peu d’années après la mort de Beethoven, et mort au Brésil en 1869 après avoir parcouru l’Europe (où il a rencontré Chopin, dont il a joué un concerto), la Caraïbe et l’Amérique du Sud où il a puisé son inspiration musicale dans les danses populaires. On donne ce compositeur pour un ancêtre du ragtime, et les musiciens sont partis de leur goût pour ces mélodies légères, et pour le destin singulier de leur auteur, pour traiter cette matière musicale comme on le ferait d’un standard de Broadway…. ou d’un standard du jazz. Après que le charme mélodique a été énoncé, ils prennent le large vers les libertés qu’autorise le jazz, en s’appropriant cette musique pour la faire vivre à leur manière. Expositions très nuancées des thèmes, mais aussi foucades imprévue quand il s’agit de donner libre court à l’expression personnelle. Bien des moments de grâce dans ce concert, par exemple quand le saxophoniste, au ténor, tourne autour du piano en jouant des sons très dynamiques, tandis que le pianiste, en appuyant la pédale forte de l’instrument (bien harmonisé et de très belle qualité) offre une réverbération harmonique très riche ; puis le jeu se poursuit avec le soprano près des cordes, avant de repartir dans des improvisations libres et colorées, lesquelles nous offrent d’autres bonheurs, furtifs ou persistants. Et la fin du concert nous trouve comme des enfants émerveillés, qui auraient assisté à la métamorphose d’une citrouille en carrosse, ou l’inverse : quelle importance !

Bandes Originales V. Courtois©Maxim François      Photo©Maxim François

«BANDES ORIGINALES»

Vincent Courtois (violoncelle, effets électroniques), Daniel Erdmannn (saxophone ténor), Robin Fincker (clarinette, saxophone ténor)

Espace Stéphane Hessel, 16 novembre 2017, 18h30

Le concert reprend le fil conducteur du disque éponyme récemment paru, et qui offrait des relectures très personnelle de musique de films dont le plus récent remonte aux années 80. Qu’il s’agisse de la bande originale de Plein Soleil (Nino Rota pour le film de René Clément), de Ballon Rouge, Hiroshima mon amour, L’ Affaire Thomas Crown ou E.T., le mélodie est cultivée avec soin avant d’être joyeusement transgressée par l’écriture, et plus encore par l’improvisation. Chacun, à tour de rôle, assure le soubassement rythmico-mélodique, tandis que les autres s’égaillent en territoire de liberté. Le projet avait pris racine dans une plage du disque précédent («West») qui reprenait qui se penchait sur le film Freaks. Les trois musiciens, comme le public, s’en donnent à cœur joie, et en rappel ce sera une ode au violoncelle (version gambiste), à la littérature et au cinéma, avec Tous les matins du monde. Soit, encore une fois, un beau moment de musique.

Bugge Wesseltoft©Maxim François     Photo©Maxim François

BUGGE WESSELTOFT (piano solo, électronique)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 16 novembre 2017, 20h30

Celui qui fut à un moment de sa carrière un pilier de l’électro-jazz européen revient, en solo, vers d’autres territoires. Le voici, au piano acoustique, pour une série de mélodies jouées avec une simple douceur et force nuances, mais dans un dépouillement qui lasse un peu : l’absence de tensions harmoniques entre la mélodie et l’accompagnement, ou à l’intérieur des accords, arpèges et autres activités de la sénestre (la main gauche quoi !) finissent par assoupir notre intérêt. Vers la trentième minute, une dissonance appuyée nous informe que le pianiste ne s’est pas assoupi (ou qu’il souhaite nous tirer d’une certaine torpeur). Vient ensuite la partie électronique : après un long réglage (lequel, me semble-t-il, fait partie de la performance), et dès qu’il a trouvé les sons idoines, Bugge Wesseltoft se lance dans une sorte de blues d’influence extrême-orientale, bien envoyé, puis s’aventure autour des harmonies de What Is This Thing Called Love avant de s’égarer un brin dans des boucles électro. Retour ensuite au tout acoustique, où l’on croise une évocation lointaine de Blowin’ in the wind (Bob Dylan), puis un retour à une certaine invention harmonique autour de Let It Be (de qui vous savez) et Moon River (composé par Henry Mancini). Le fin du concert m’a réconcilié avec ce pianiste que j’avais maintes fois écouté, dans toutes les configurations, y compris en 2000, au Norske Festivaler de Bergen en Norvège, à la tête de l’Orchestre de jazz de l’UER (EBU Jazz Orchestra), l’ancêtre de l’Euroradio Jazz Orchestra que le festival accueillait 3 jours plus tôt.

Tarkovsky Quartet©Maxim François     Photo©Maxim François

FRANÇOIS COUTURIER TARKÓVSKY QUARTET

François Couturier (piano), Anja Lechner (violoncelle), Jean-Marc Larché (saxophone soprano), Jean-Louis Matinier (accordéon)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 16 novembre 2017, 22h15

Plaisir anticipé, déjà, de retrouver ce groupe si singulier, pour l’essentiel dans le programme du disque qu’il a publié au printemps dernier («Nuit blanche», ECM). Le groupe a été programmé en seconde partie au cours de l’été : à l’origine, il devait assurer la première partie de John Abercrombie, décédé en août dernier. C’est ce qu’expliquera François Couturier, en cours de concert, non sans une certaine émotion. On est frappé, dès l’abord, par la concentration de chacun et l’attention maximale portée à l’écoute du groupe, ou du soliste du moment. Quand l’un ou l’une prend un solo, individuellement, les autres sont à l’écoute d’une manière telle qu’ils paraissent porter le(la) soliste dans son entreprise créative. Au début du premier morceau, on pourrait croire que c’est un hommage profond à la mélancolie extrême. Mais très vite surgit une sorte de joie tellurique, secrète et pourtant évidente. Jouer une musique, ce n’est pas seulement utiliser indissolublement son corps et son esprit pour produire des sons riches en charge concrète autant qu’abstraite, c’est aussi participer de l’équilibre du monde, au sens le plus large, de la culture à la biosphère. Porté par les sens autant que par l’intellect, l’auditeur va goûter ces inextricables mélanges d’élément empruntés à la musique baroque comme à la contemporaine, au jazz ou aux musiques populaires. Tout fait sens et musique : que le pianiste se concentre sur le poids de chaque note, que la violoncelliste cultive l’expressivité jusqu’au vertige, que l’accordéoniste travaille la nuance jusqu’à l’indicible, ou que le saxophoniste, après avoir sculpté les phrases avec une attention amoureuse, se saisisse d’un instrument de son invention (dépourvu encore de nom, en qui associe un bec de saxophone à un tube en PVC) pour des sons inouïs qui nous embarquent à nouveau vers l’ailleurs. Grand moment de musique, à retrouver très vite sur France Musique, ce samedi 18 novembre à 19h dans le ‘Jazz Club’ d’Yvan Amar.

Xavier Prévost

https://www.francemusique.fr/emissions/jazz-club/francois-couturier-tarkovski-quartet-nuit-blanche-nevers-38029 |Encore une journée transversale au festival de Nevers, où la jazz croise le cinéma et l’histoire confidentielle de la musique

Mario Stantchev-Lionel Martin©Maxim François     Photo©Maxim François

LIONEL MARTIN & MARIO STANTCHEV « Jazz Before Jazz »

Lionel Martin (saxophones ténor & soprano), Mario Stantchev (piano)

Maison de la Culture, salle Lauberty, 16 novembre 2017, 12h15

Ce concert prolonge la gageure inaugurée avec le disque éponyme paru l’an dernier : donner, en jazzmen d’aujourd’hui, une vision de celui qui peut incarner les frémissements du jazz avant le jazz : le pianiste virtuose, et compositeur, Louis Moreau Gottschalk, né à la Nouvelle Orléans peu d’années après la mort de Beethoven, et mort au Brésil en 1869 après avoir parcouru l’Europe (où il a rencontré Chopin, dont il a joué un concerto), la Caraïbe et l’Amérique du Sud où il a puisé son inspiration musicale dans les danses populaires. On donne ce compositeur pour un ancêtre du ragtime, et les musiciens sont partis de leur goût pour ces mélodies légères, et pour le destin singulier de leur auteur, pour traiter cette matière musicale comme on le ferait d’un standard de Broadway…. ou d’un standard du jazz. Après que le charme mélodique a été énoncé, ils prennent le large vers les libertés qu’autorise le jazz, en s’appropriant cette musique pour la faire vivre à leur manière. Expositions très nuancées des thèmes, mais aussi foucades imprévue quand il s’agit de donner libre court à l’expression personnelle. Bien des moments de grâce dans ce concert, par exemple quand le saxophoniste, au ténor, tourne autour du piano en jouant des sons très dynamiques, tandis que le pianiste, en appuyant la pédale forte de l’instrument (bien harmonisé et de très belle qualité) offre une réverbération harmonique très riche ; puis le jeu se poursuit avec le soprano près des cordes, avant de repartir dans des improvisations libres et colorées, lesquelles nous offrent d’autres bonheurs, furtifs ou persistants. Et la fin du concert nous trouve comme des enfants émerveillés, qui auraient assisté à la métamorphose d’une citrouille en carrosse, ou l’inverse : quelle importance !

Bandes Originales V. Courtois©Maxim François      Photo©Maxim François

«BANDES ORIGINALES»

Vincent Courtois (violoncelle, effets électroniques), Daniel Erdmannn (saxophone ténor), Robin Fincker (clarinette, saxophone ténor)

Espace Stéphane Hessel, 16 novembre 2017, 18h30

Le concert reprend le fil conducteur du disque éponyme récemment paru, et qui offrait des relectures très personnelle de musique de films dont le plus récent remonte aux années 80. Qu’il s’agisse de la bande originale de Plein Soleil (Nino Rota pour le film de René Clément), de Ballon Rouge, Hiroshima mon amour, L’ Affaire Thomas Crown ou E.T., le mélodie est cultivée avec soin avant d’être joyeusement transgressée par l’écriture, et plus encore par l’improvisation. Chacun, à tour de rôle, assure le soubassement rythmico-mélodique, tandis que les autres s’égaillent en territoire de liberté. Le projet avait pris racine dans une plage du disque précédent («West») qui reprenait qui se penchait sur le film Freaks. Les trois musiciens, comme le public, s’en donnent à cœur joie, et en rappel ce sera une ode au violoncelle (version gambiste), à la littérature et au cinéma, avec Tous les matins du monde. Soit, encore une fois, un beau moment de musique.

Bugge Wesseltoft©Maxim François     Photo©Maxim François

BUGGE WESSELTOFT (piano solo, électronique)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 16 novembre 2017, 20h30

Celui qui fut à un moment de sa carrière un pilier de l’électro-jazz européen revient, en solo, vers d’autres territoires. Le voici, au piano acoustique, pour une série de mélodies jouées avec une simple douceur et force nuances, mais dans un dépouillement qui lasse un peu : l’absence de tensions harmoniques entre la mélodie et l’accompagnement, ou à l’intérieur des accords, arpèges et autres activités de la sénestre (la main gauche quoi !) finissent par assoupir notre intérêt. Vers la trentième minute, une dissonance appuyée nous informe que le pianiste ne s’est pas assoupi (ou qu’il souhaite nous tirer d’une certaine torpeur). Vient ensuite la partie électronique : après un long réglage (lequel, me semble-t-il, fait partie de la performance), et dès qu’il a trouvé les sons idoines, Bugge Wesseltoft se lance dans une sorte de blues d’influence extrême-orientale, bien envoyé, puis s’aventure autour des harmonies de What Is This Thing Called Love avant de s’égarer un brin dans des boucles électro. Retour ensuite au tout acoustique, où l’on croise une évocation lointaine de Blowin’ in the wind (Bob Dylan), puis un retour à une certaine invention harmonique autour de Let It Be (de qui vous savez) et Moon River (composé par Henry Mancini). Le fin du concert m’a réconcilié avec ce pianiste que j’avais maintes fois écouté, dans toutes les configurations, y compris en 2000, au Norske Festivaler de Bergen en Norvège, à la tête de l’Orchestre de jazz de l’UER (EBU Jazz Orchestra), l’ancêtre de l’Euroradio Jazz Orchestra que le festival accueillait 3 jours plus tôt.

Tarkovsky Quartet©Maxim François     Photo©Maxim François

FRANÇOIS COUTURIER TARKÓVSKY QUARTET

François Couturier (piano), Anja Lechner (violoncelle), Jean-Marc Larché (saxophone soprano), Jean-Louis Matinier (accordéon)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 16 novembre 2017, 22h15

Plaisir anticipé, déjà, de retrouver ce groupe si singulier, pour l’essentiel dans le programme du disque qu’il a publié au printemps dernier («Nuit blanche», ECM). Le groupe a été programmé en seconde partie au cours de l’été : à l’origine, il devait assurer la première partie de John Abercrombie, décédé en août dernier. C’est ce qu’expliquera François Couturier, en cours de concert, non sans une certaine émotion. On est frappé, dès l’abord, par la concentration de chacun et l’attention maximale portée à l’écoute du groupe, ou du soliste du moment. Quand l’un ou l’une prend un solo, individuellement, les autres sont à l’écoute d’une manière telle qu’ils paraissent porter le(la) soliste dans son entreprise créative. Au début du premier morceau, on pourrait croire que c’est un hommage profond à la mélancolie extrême. Mais très vite surgit une sorte de joie tellurique, secrète et pourtant évidente. Jouer une musique, ce n’est pas seulement utiliser indissolublement son corps et son esprit pour produire des sons riches en charge concrète autant qu’abstraite, c’est aussi participer de l’équilibre du monde, au sens le plus large, de la culture à la biosphère. Porté par les sens autant que par l’intellect, l’auditeur va goûter ces inextricables mélanges d’élément empruntés à la musique baroque comme à la contemporaine, au jazz ou aux musiques populaires. Tout fait sens et musique : que le pianiste se concentre sur le poids de chaque note, que la violoncelliste cultive l’expressivité jusqu’au vertige, que l’accordéoniste travaille la nuance jusqu’à l’indicible, ou que le saxophoniste, après avoir sculpté les phrases avec une attention amoureuse, se saisisse d’un instrument de son invention (dépourvu encore de nom, en qui associe un bec de saxophone à un tube en PVC) pour des sons inouïs qui nous embarquent à nouveau vers l’ailleurs. Grand moment de musique, à retrouver très vite sur France Musique, ce samedi 18 novembre à 19h dans le ‘Jazz Club’ d’Yvan Amar.

Xavier Prévost

https://www.francemusique.fr/emissions/jazz-club/francois-couturier-tarkovski-quartet-nuit-blanche-nevers-38029 |Encore une journée transversale au festival de Nevers, où la jazz croise le cinéma et l’histoire confidentielle de la musique

Mario Stantchev-Lionel Martin©Maxim François     Photo©Maxim François

LIONEL MARTIN & MARIO STANTCHEV « Jazz Before Jazz »

Lionel Martin (saxophones ténor & soprano), Mario Stantchev (piano)

Maison de la Culture, salle Lauberty, 16 novembre 2017, 12h15

Ce concert prolonge la gageure inaugurée avec le disque éponyme paru l’an dernier : donner, en jazzmen d’aujourd’hui, une vision de celui qui peut incarner les frémissements du jazz avant le jazz : le pianiste virtuose, et compositeur, Louis Moreau Gottschalk, né à la Nouvelle Orléans peu d’années après la mort de Beethoven, et mort au Brésil en 1869 après avoir parcouru l’Europe (où il a rencontré Chopin, dont il a joué un concerto), la Caraïbe et l’Amérique du Sud où il a puisé son inspiration musicale dans les danses populaires. On donne ce compositeur pour un ancêtre du ragtime, et les musiciens sont partis de leur goût pour ces mélodies légères, et pour le destin singulier de leur auteur, pour traiter cette matière musicale comme on le ferait d’un standard de Broadway…. ou d’un standard du jazz. Après que le charme mélodique a été énoncé, ils prennent le large vers les libertés qu’autorise le jazz, en s’appropriant cette musique pour la faire vivre à leur manière. Expositions très nuancées des thèmes, mais aussi foucades imprévue quand il s’agit de donner libre court à l’expression personnelle. Bien des moments de grâce dans ce concert, par exemple quand le saxophoniste, au ténor, tourne autour du piano en jouant des sons très dynamiques, tandis que le pianiste, en appuyant la pédale forte de l’instrument (bien harmonisé et de très belle qualité) offre une réverbération harmonique très riche ; puis le jeu se poursuit avec le soprano près des cordes, avant de repartir dans des improvisations libres et colorées, lesquelles nous offrent d’autres bonheurs, furtifs ou persistants. Et la fin du concert nous trouve comme des enfants émerveillés, qui auraient assisté à la métamorphose d’une citrouille en carrosse, ou l’inverse : quelle importance !

Bandes Originales V. Courtois©Maxim François      Photo©Maxim François

«BANDES ORIGINALES»

Vincent Courtois (violoncelle, effets électroniques), Daniel Erdmannn (saxophone ténor), Robin Fincker (clarinette, saxophone ténor)

Espace Stéphane Hessel, 16 novembre 2017, 18h30

Le concert reprend le fil conducteur du disque éponyme récemment paru, et qui offrait des relectures très personnelle de musique de films dont le plus récent remonte aux années 80. Qu’il s’agisse de la bande originale de Plein Soleil (Nino Rota pour le film de René Clément), de Ballon Rouge, Hiroshima mon amour, L’ Affaire Thomas Crown ou E.T., le mélodie est cultivée avec soin avant d’être joyeusement transgressée par l’écriture, et plus encore par l’improvisation. Chacun, à tour de rôle, assure le soubassement rythmico-mélodique, tandis que les autres s’égaillent en territoire de liberté. Le projet avait pris racine dans une plage du disque précédent («West») qui reprenait qui se penchait sur le film Freaks. Les trois musiciens, comme le public, s’en donnent à cœur joie, et en rappel ce sera une ode au violoncelle (version gambiste), à la littérature et au cinéma, avec Tous les matins du monde. Soit, encore une fois, un beau moment de musique.

Bugge Wesseltoft©Maxim François     Photo©Maxim François

BUGGE WESSELTOFT (piano solo, électronique)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 16 novembre 2017, 20h30

Celui qui fut à un moment de sa carrière un pilier de l’électro-jazz européen revient, en solo, vers d’autres territoires. Le voici, au piano acoustique, pour une série de mélodies jouées avec une simple douceur et force nuances, mais dans un dépouillement qui lasse un peu : l’absence de tensions harmoniques entre la mélodie et l’accompagnement, ou à l’intérieur des accords, arpèges et autres activités de la sénestre (la main gauche quoi !) finissent par assoupir notre intérêt. Vers la trentième minute, une dissonance appuyée nous informe que le pianiste ne s’est pas assoupi (ou qu’il souhaite nous tirer d’une certaine torpeur). Vient ensuite la partie électronique : après un long réglage (lequel, me semble-t-il, fait partie de la performance), et dès qu’il a trouvé les sons idoines, Bugge Wesseltoft se lance dans une sorte de blues d’influence extrême-orientale, bien envoyé, puis s’aventure autour des harmonies de What Is This Thing Called Love avant de s’égarer un brin dans des boucles électro. Retour ensuite au tout acoustique, où l’on croise une évocation lointaine de Blowin’ in the wind (Bob Dylan), puis un retour à une certaine invention harmonique autour de Let It Be (de qui vous savez) et Moon River (composé par Henry Mancini). Le fin du concert m’a réconcilié avec ce pianiste que j’avais maintes fois écouté, dans toutes les configurations, y compris en 2000, au Norske Festivaler de Bergen en Norvège, à la tête de l’Orchestre de jazz de l’UER (EBU Jazz Orchestra), l’ancêtre de l’Euroradio Jazz Orchestra que le festival accueillait 3 jours plus tôt.

Tarkovsky Quartet©Maxim François     Photo©Maxim François

FRANÇOIS COUTURIER TARKÓVSKY QUARTET

François Couturier (piano), Anja Lechner (violoncelle), Jean-Marc Larché (saxophone soprano), Jean-Louis Matinier (accordéon)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 16 novembre 2017, 22h15

Plaisir anticipé, déjà, de retrouver ce groupe si singulier, pour l’essentiel dans le programme du disque qu’il a publié au printemps dernier («Nuit blanche», ECM). Le groupe a été programmé en seconde partie au cours de l’été : à l’origine, il devait assurer la première partie de John Abercrombie, décédé en août dernier. C’est ce qu’expliquera François Couturier, en cours de concert, non sans une certaine émotion. On est frappé, dès l’abord, par la concentration de chacun et l’attention maximale portée à l’écoute du groupe, ou du soliste du moment. Quand l’un ou l’une prend un solo, individuellement, les autres sont à l’écoute d’une manière telle qu’ils paraissent porter le(la) soliste dans son entreprise créative. Au début du premier morceau, on pourrait croire que c’est un hommage profond à la mélancolie extrême. Mais très vite surgit une sorte de joie tellurique, secrète et pourtant évidente. Jouer une musique, ce n’est pas seulement utiliser indissolublement son corps et son esprit pour produire des sons riches en charge concrète autant qu’abstraite, c’est aussi participer de l’équilibre du monde, au sens le plus large, de la culture à la biosphère. Porté par les sens autant que par l’intellect, l’auditeur va goûter ces inextricables mélanges d’élément empruntés à la musique baroque comme à la contemporaine, au jazz ou aux musiques populaires. Tout fait sens et musique : que le pianiste se concentre sur le poids de chaque note, que la violoncelliste cultive l’expressivité jusqu’au vertige, que l’accordéoniste travaille la nuance jusqu’à l’indicible, ou que le saxophoniste, après avoir sculpté les phrases avec une attention amoureuse, se saisisse d’un instrument de son invention (dépourvu encore de nom, en qui associe un bec de saxophone à un tube en PVC) pour des sons inouïs qui nous embarquent à nouveau vers l’ailleurs. Grand moment de musique, à retrouver très vite sur France Musique, ce samedi 18 novembre à 19h dans le ‘Jazz Club’ d’Yvan Amar.

Xavier Prévost

https://www.francemusique.fr/emissions/jazz-club/francois-couturier-tarkovski-quartet-nuit-blanche-nevers-38029