Jazz live
Publié le 16 Fév 2020

FABIEN MARY/DAVID SAUZAY ‘Family’ Quintet à L’Apostrophe

Une réunion de famille, dans le restaurant-club du 10ème arrondissement de Paris, L’Apostrophe, avec des chantres d’un hard bop plein d’énergie et de verve.

FABIEN MARY/DAVID SAUZAY ‘Family’ Quintet

Fabien Mary (trompette), David Sauzay (saxophone ténor), Émilie Calvez (piano), Gabriel Sauzay (contrebasse), Stéphane Chandelier (batterie)

Paris, L’Apostrophe, 15 février 2020, 21h

On est rue de La Grange aux Belles, en face de l’hôpital Saint Louis, au cœur d’un quartier qui, comme le 11ème voisin, s’anime d’effervescence nocturne, surtout en fin de semaine. Le lieu est accueillant, le service souriant, et les tables proches de la scène sont bondées d’amateurs qui savent dîner sans bruit par respect des musiciens, aidés en cela par un service d’une discrétion exemplaire. Un bonheur qui me fait oublier un vieux souvenir cuisant, en 1982, au Sweet Basil de New York, où des dîneurs tonitruants firent grand tort à deux sets du génial Phineas Newborn (compte rendu dans Jazz Magazine N° 314, janvier 1983).

Nous sommes arrivés tôt, pour occuper les tables près de la scène, propices à une écoute attentive. Cuisine plus qu’honorable, avec notamment un bœuf-carottes où le léger croquant des légumes offre un doux contraste au fondant de la viande. Nous en sommes à ce stade du repas quand le quintette entre en scène : groupe familial, car le bassiste est le fils du saxophoniste, et la pianiste est la compagne du trompettiste. Quant au batteur, il appartient manifestement à la famille jazzistique des deux co-leaders avec lesquels il a souvent collaboré. Le trompettiste et le saxophoniste sont de jeunes vétérans d’une scène musicale qui porte en son cœur la mémoire du jazz de la fin des années 50 et des premières années 60.

Le concert commence avec un thème de Sonny Clark, Blue Minor (1958), et les compositions de ce pianiste seront largement mises à contribution au fil du concert (Bootin’ it, 1957 ; Something special, 1961….). Nous aurons aussi un thème de Kenny Dorham, et quelques standards, notamment You’re my everything, et Like someone in love sur lequel un instant l’improvisation du trompettiste me parut effleurer Jitterbug Waltz. Au fil du concert, Fabien Mary conjugua magistralement fluidité aventureuse des phrasés à risque et chaude expressivité du timbre et de l’articulation. David Sauzay développa aussi des phrases de vertige, avec un naturel qui se défie de l’ostentation, et çà et là des citations furtives au seuil de l’inconscient (Laura, à deux reprises, et d’autres, mais c’est peut-être là phantasme d’auditeur….). En l’écoutant je me dis qu’il se souvient de ce que Coltrane devait à Dexter Gordon. Au piano Émilie Calvez donne dans une forme d’élégance à la Teddy Wilson, revue au goût des années 50-60 ; ce qui ne l’empêche nullement de poser, ici ou là, une belle dissonance ‘à la Monk’. Gabriel Sauzay, à la basse, donne de la fondation et du rebond, mais il se régale aussi à l’archet, nous offrant même un épisode ‘à la Slam Stewart’, revu aux langages des temps ultérieurs, doublant à la voix son improvisation. Surprise et ravissement des amateurs présents. Quant à Stéphane Chandelier, vieux briscard qui, comme David Sauzay, a connu les soirées torrides du Petit Opportun, il nous offre, en plus d’un impeccable drumming, des accents inattendus et d’une pertinence folle. Bref, c’est un vrai bon groupe, et nous avons passé une très belle soirée. Il fallut déserter au milieu du second set pour cause de retour en banlieue via les transports en commun. Segment, de Charlie Parker, qui commençait alors, offrait manifestement encore de belles promesses.

Xavier Prévost

Gabriel Sauzay, ainsi que son tout jeune frère trompettiste Gaspard Sauzay , participaient déjà au disque «Playing with David Sauzay» (Black & Blue/Socadisc, 2018) enregistré en 2017, avec Fabien Mary, Michaël Joussein, Alan Jean Marie, Michel Rosciglione et Mourad Benhamou

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