Jazz live
Publié le 19 Juil 2019

Jazz à Luz 2019 (3)

Depuis quelques années, il est presque devenu de tradition que la troisième journée de Jazz à Luz soit dédiée à une promenade agrémentée/augmentée de moments musicaux.

Dimanche 14 juillet 2019, festival Jazz à Luz, de 11h à 17h

Excursions artistiques en pays Toy « Jazz en marche »

Par suite d’une maladie persistante, votre rapporteur n’a pas pu se rendre sur le plateau de Bernazaou pour la ballade « musicalisée ». C’est bien dommage, car les retours sur le duo électro-acoustique Noorg (Eric Brochard et Loïc Guénin aux électroniques et objets) furent tous unanimes. Installés autour d’un dispositif à plusieurs enceintes de diffusion, les spectateurs se retrouvèrent plongés au cœur d’un nuage de sons tournant sans cesse ce qui, au milieu des montagnes, prit une dimension proche du sublime, m’a-t-on rapporté.

 

Dimanche 14 juillet 2019, festival Jazz à Luz, chapiteau, 20h00

Sidsel Endresen & Stian Westerhus

Sidsel Endresen (vx), Stian Westerhus (elg)

Au vu du public, nombreux, le concert de Sidsel Endresen et Stian Westerhus était très attendu. Il obtint une standing ovation. Totalement improvisé en dehors de quelques mélodies sans doute d’origine scandinave, le concert emporta l’adhésion. Les musiciens créérent une atmosphère globalement assez sombre, portée par la présence assez chamanique de la vocaliste qui lançait des sentences incompréhensibles en syllabes inventées (ou empruntées quelques langues nordiques inconnues de moi), avec forces gestes et mimiques. Pour ce qui me concerne, ce fut surtout le guitariste Stian Westerhus qui me fit forte impression, par l’usage de ses multiples effets, par ses brusques éclats, par le jeu de maîtrise/perte-de-contrôle-volontaire entre lui et ses effets. Son solo de guitare lors de la première partie fut un moment étonnant, éclatant, quoique ténébreux. C’est d’ailleurs ce côté la plupart du temps inquiétant qui m’empêcha d’adhérer totalement à la proposition du duo. J’y perçus même une dimension quelque peu morbide, à tort semble-t-il vu le retour chaleureux du public, une sensation résultant peut-être d’un malade qui aspire à retrouver son dynamisme vital, celui du corps le plus souvent évacué dans la prestation du duo nordique.

En attendant le Coax Mashup, pendant le changement de plateau, le public put non seulement se restaurer, mais également participer à une discussion avec Jean-Paul Ricard, devant le stand des Allumés du jazz, pour discuter de l’avenir de l’enregistrement physique, de son intérêt, de sa vivacité.

 

Dimanche 14 juillet 2019, festival Jazz à Luz, chapiteau, 23h30

Coax Mashup + Mette Rasmussen + Luis Vicente

Romain Allard (vidéo), Mette Rasmussen (as), Antoine Viard (bs), Luis Vicente (tp), Julien Desprez (elg), Simon Henocq (machines), Julien Chamla, Yann Joussein (dr).

 

Vient enfin la partie de la soirée orchestrée par Coax Mashup. Le public se retrouve plongé au cœur d’un dispositif multimédia. Trois scènes entourant un écran géant partage l’espace : en arrière à gauche en regardant l’écran, Simon Henocq et Julien Chamla ; un peu caché non loin d’eux, Romain Allard manipule une commande vidéo ; à côté d’eux, plus proche de l’écran, les trois vents ; tout à fait à l’opposé, le duo Julien Desprez/Yann Joussein. La vidéo d’un homme réalisant une cérémonie dans le désert ouvre la performance. Les musiciens commentent, et alors qu’ils réalisent des sortes de graffitis musicaux, le vidéaste modifie les images qui deviennent éléments géométrique. Bientôt, cela déborde de l’écran, le chapiteau entier se transformant en écran géant. De nouvelles séquences rythment le déroulement, chaque petit ensemble illustrant musicalement chacune d’elles. Le vidéaste zappe, et les musiciens suivent le mouvement. Une nouvelle séquence, plus longue et stable, s’installe : une femme noire chante/rappe dans un bâtiment désaffecté ou en construction. Julien Desprez suit sa mélodie, lui confère une aura supplémentaire. Après une telle émotion, un bon petit cocktail s’impose. Ayant quitté sa guitare, Julien Desprez rejoint Simon Henocq. Les deux s’emparent de shakers dotés de micros amplifiés. Une fois les ingrédients préparés, ils se mettent à secouer les shakers desquels se dégagent des sons très distordus. Les deux barmen servent enfin le public. Les vents s’improvisent ensuite fanfare, les harmonies lancées par Simon Henocq se voient comme combattues par les instrumentistes, etc. Soudain, une mélodie émerge, qui trouve des accents assez ayleriens, moins par son profil même que par le contexte dans laquelle elle se trouve exposée. Surimposée, une chanson de Madonna finit par imposer sa présence, avant d’être détruite par les musiciens.

Multimédia, la performance recèle une multitude d’interprétation. Pour ma part, j’y ai perçu des questionnements portant sur le sens du rituel (de la pratique sacrée jusqu’à la pratique sacralisante hors du sacré), sur le rapport entre image et son (quel équilibre ? comment ne pas tomber dans le simple illustratif ?, etc.), l’adieu aux terribles années 1980 symbolisées par Madonna (qui pourtant sera « vainqueur » puisque sa chanson restera dans la tête de tout le monde après la fin de la performance). Quel que soit les sens, la performance de Coax aura permis à tous de s’interroger, les émotions fortes ressenties incitant, par leur puissance même, chacun des spectateurs à une introspection. Soit une performance qui touche à son but !

Ludovic Florin