Jazz live
Publié le 24 Juil 2021

Jazz à Sete – Edition 2021

FESTIVAL JAZZ A SETE

13 / 21 JUILLET 2021

Après une édition 2020 annulée et réduite au seul « Marathon Jazz », « Jazz à Sète » a décidé de maintenir sa 26 ème édition malgré une demi-jauge imposée. Le lieu magique du Théâtre de la Mer qui peut contenir 2000 places n’a donc pu accueillir chaque soir que 1000 personnes. Louis Martinez, qui dirige ce Festival depuis le début, m’a confié qu’avec cette demi-jauge, il allait perdre de l’argent, mais qu’il était hors de question qu’il annule une nouvelle fois ce rendez-vous annuel exceptionnel qui réussit l’exploit de fusionner l’exigence musicale et l’esprit festif.

Tout a commencé par le « Marathon Jazz », fer de lance du Festival Off programmée par Jade Martinez, où des concerts gratuits ont eu lieu dans toute la ville de 8h30 du matin à minuit. On a été séduit par la belle énergie et la ferveur de l’ensemble de gospel « Rachel Ratsizafy’s Gospel Movement » avec la présence du pianiste Rémi Ploton. Le violoniste Thomas Kretzschmar nous a proposé un jazz manouche brillant et inspiré, en trio, en compagnie des incontournables Steve Laffont (guitare) et William Brunard (contrebasse). Puis sous l’intitulé « Reflets Quartet », c’est Louis Martinez lui-même, qui a mis de côté son statut de directeur du festival pour s’exprimer en tant que guitariste et compositeur au sein d’un quartette où l’on trouve un deuxième guitariste et compositeur au  jeu particulièrement bluesy : Jean-Marc Floury. On a pu apprécier aussi la fanfare « The Gombo Variation » qui a déambulé dans la ville autour d’une musique imprégnée des grooves funky de la Nouvelle-Orléans. Puis l’accent a été mis sur des jeunes groupes actuels comme « Bada-Bada » qui mêle avec bonheur sons électroniques et jazz acoustique ainsi que le groupe du guitariste Tom Ibarra qui propose un jazz aux accents funk et fusion.

La clôture de ce marathon (en nocturne) a été confiée au groupe Limousine en très grande forme, qui nous a fait voyager dans leur univers ambiant et organique. Une musique fortement architecturée par les riffs de guitare tranchants de Maxime Delpierre, mais aussi empreinte de lyrisme, grâce au saxophone ténor, chaleureux et sensuel, de Laurent Bardainne, les synthétiseurs pertinents de Frédéric Soulard et le jeu de batterie touffu et efficace de David Aknin.

 

A noter que le Festival Off proposait aussi des Conférences Musicales (Charles Mingus et Miles Davis), des Rencontres avec la plupart des artistes programmés, ainsi que des « Before » tous les soirs de 18h30 à 20 h au Rio.

Les concerts au Théâtre de la Mer on démarré en beauté le jeudi 15 juillet avec la présence du quartette de la trompettiste Airelle Besson autour de son nouveau projet « Try ». Beaucoup de poésie et de lyrisme et un beau travail sur l’espace et le silence dans la musique de ce quartette singulier où l’on trouve la présence du sorcier des claviers : Benjamin Moussay, de la stupéfiante chanteuse suédoise Isabel Sörling, et du batteur coloriste, fin et subtil, Fabrice Moreau.

© Pierre Nocca

Le lendemain, la poésie était toujours au rendez-vous avec la musique aérienne et atmosphérique du flûtiste Jî Drû autour de son projet « Western » en compagnie de la chanteuse Sandra Nkaké, du claviériste Arnaud Forestier et de l’excellent batteur Mathieu Penot.

© Pierre Nocca

Puis vint le tour du contrebassiste Kyle Eastwood, qui grâce à son père Clint, est passionné à la fois par le jazz et le cinéma. Avec son projet « Cinématic », il réussit à fusionner ses deux passions à travers une très belle relecture de célèbres musiques de films, spécialement arrangées pour son quintette. Il avait invité pour l’occasion le chanteur Hugh Coltman pour interpréter la chanson du film « Gran Torino », ainsi que la chanteuse Camille Bertault pour une très belle version des Moulins de mon Cœur de Michel Legrand. Pour le final, les deux vocalistes ont rejoint le quintette pour une version mémorable du fameux Fine & Mellow de Billie Holiday.

© Pierre Nocca

La soirée du samedi 17 juillet était construite autour d’une carte blanche consacrée au guitariste Sylvain Luc où il a investi la scène pendant près de trois heures. Il a tout d’abord joué en solo son projet « Sylvain Luc By Renaud Letang » dont la version scénique est tout aussi passionnante que la version studio. Puis nous l’avons retrouvé avec son vieux complice Bireli Lagrène pour un duo magique, inspiré et entièrement improvisé (sans set-list)  où ils ont multipliés les clins d’œil et les citations (des Bee-Gees à Stevie Wonder en passant par Wes Montgomery et Grant Green). Enfin, Sylvain Luc a terminé en trio en compagnie de Thomas Bramerie à la contrebasse et d’André Ceccarelli à la batterie pour une belle relecture de standards.

© Pierre Nocca

La soirée du 18 juillet fût particulièrement festive et explosive avec une programmation centrée sur les métissages entre jazz et musiques du monde. Tout d’abord ce fût le claviériste malien Cheick Tidiane Seck avec son hommage à Randy Weston, doublé d’un deuxième hommage à son ami Manu Dibango. Une musique basée sur d’obsédants ostinatos et un feu d’artifice rythmique, emmenée avec ferveur par son quintette où l’on distingue le saxophoniste Jean-Jacques Elangué.

© Pierre Nocca

Puis ce fût au tour des jeunes cubains du groupe « El Comité » emmené par le saxophoniste Irving Acao de mettre le feu au Théâtre de la Mer. Six virtuoses incontestables (dont le pianiste Rolando Luna, le trompettiste Carlos Saduy, le contrebassiste Gaston Joya et le batteur Rodney Baretto) qui maitrisent parfaitement l’énergie dansante du latin jazz tout en pratiquant un jazz élégant au swing raffiné avec une douceur sensuelle et une légèreté rayonnante.

© Pierre Nocca

La soirée du 19 juillet mettait l’accent sur un jazz actuel qui aime fusionner la musique acoustique avec des grooves électriques ou électroniques. Le quintette du saxophoniste Léon Phal avec le claviériste Guillaume Toux a ouvert le bal avec une belle énergie, tandis que le trompettiste Avishaï Cohen a donné avec son groupe Big Vicious un concert particulièrement mémorable et poignant avec ses reprises singulières de la Sonate au Clair de Lune de Beethoven ou du phénoménal Teardrops de Massive Attack. Un groupe où la trompette d’Avishaï Cohen est propulsé par deux guitares électriques et deux batteries (il manquait un batteur à l’appel retenu aux Etats-Unis et Ziv Ravitz a fait le boulot de deux batteurs à lui tout seul !) pour un mix original entre les univers  de Jimi Hendrix et de Miles Davis !

© Pierre Nocca

Le festival s’est terminé en beauté avec un concert particulièrement intense du trio de Brad Mehldau avec Larry Greadier et Jeff Ballard. Un moment magique et inoubliable, où Brad Mehldau, très inspiré, a enchaîné des compositions personnelles avec de savoureux standards, où l’on a reconnu Samba E Amor de Chico Buarque, And I Love Her des Beatles, In The Still of the Night de Cole Porter, ou Here’s That Rainy Day de Jimmy Van Heusen.

Ce fût particulièrement difficile pour le Quintette des Frères Belmondo d’enchaîner derrière Brad Mehldau, tant une grande vague d’émotion s’était projetée sur le public du Théâtre de la Mer. Mais ils s’en sont parfaitement bien tirés, car leur projet « Brotherhood » est empreint lui aussi d’émotion, de sensibilité et de spiritualité, enregistré peu de temps après le décès de leur papa Yvan Belmondo, à qui ils doivent tout. Ce nouveau quintette particulièrement flamboyant, était composé du pianiste Eric Legnini, du contrebassiste Sylvain Romano et du batteur Tony Rabeson.

© Pierre Nocca

On espère de tout cœur que Louis et Jade Martinez pourront nous concocter l’année prochaine une 27 ème édition d’aussi bonne tenue avec bien sûr une jauge 100 % pleine !

Lionel Eskenazi.