Jazz live
Publié le 25 Jan 2023

La Cigale : Carmen Souza fil de voix Cap Vert

« Faire rimer le retour à la normale avec un renouveau musical » Fort d’une telle philosophie d’action autant que de réaction le Festival Au Fil des Voix entend faire résonner à l’occasion de sa 16e édition les sonorités les plus actuelles qui peuplent les cinq continents. Comme le chant cathartique célébrant une libération musicale nécessaire et définitive post confinement.

Lancé dans le monde nanti d’un nombre invraisemblable de syllabes comme en rémission prononcée de la période de la pandémie, son dixième album, « Interconnectedness» veut porter le message d’un lien indispensable   « à une vie partagée de l’humanité entière » La voix pleinement timbrée
de Carmen Souza lance les trois coups le festival sur cette ligne.

Carmen Souza, voix et guitare

Carmen Souza (chant, piano, guitare
) Theo Pascal (basse
) Elias Kacomanolis (batterie
) Marcos Alves (percussions, piano)

Festival Au fil des voix, La Cigale , Paris (75018),24 janvier

Le concert s’ouvre sur le premier titre de ce nouvel album (Kuadru pintade) en appui sur une basse qui roule occasion pour Carmen Souza de pointer « Théo Pascal, notre music master, et super arrangeur » Principe d’un lancement en nuance, la voix
sort encore en dedans, un peu voilée.

Théo Pascal, basse, maître de musique

Ça ne peut pas durer pour autant « Da Txiga » dévoile cette particularité des syncopes dans le discours propulsé en mode parlé/ chanté, à la limite du rap, piqué de petites onomatopées caractéristiques. La rythmique -la batterie du percussionniste blanc mozambicain, systémique donc singulière elle aussi, marque tous les temps- offre le confort d’un moule.

Elias Kacomanolis, percussions

À l’occasion du titre éponyme trop long pour être épelé, Carmen Souza prend sa guitare. Dans un tel cadre cette chanson la replace en héritière légitime de Césaria Evora dans la lignée d’une « morna » re-visitée. Réactualisée.
On le sait pourtant la chanteuse cap-verdienne aime à se risquer depuis longtemps à l’abordage d’autres caps : celui du son notes bleues d’un « Silver jazz » par exemple pétri d’ un swing brut sur fond de percussions façon tambour frappé peau nature. Le chorus de piano perché dans les aigues non sans accroches rythmiques placées en renfort ressusciterait qui sait un Horace Silver -lui aussi natif de cette île de l’Atlantique sud- ainsi transporté au XXI e siècle. Le funk originel n’est jamais loin non plus.

Marcos Alves, piano

La balade teintée d’une touche de blues vient aussi naturellement : sur « My baby just cafés for me » chantée en hommage à Nina Simone le phrasé se métamorphose, les inflexions passent, se pressent plus souples, jaillissent alors aussi de petites citations, les accents sur le texte portent sur le temps fort. Pour cette chanson mythique le climat imprégné sur la version du disque, avec écho et autres traits d’électroniques n’y est pas présent en copié/collé. Le feeling bluesy l’emporte toujours pour autant..
La conclusion doit intervenir au bout d’une heure seulement pour cause de trois concerts enchaînés ce jour d’ouverture du festival Au fil des voix dans l’écrin fauteuils rouge pourpre de la Cigale plantée ici en plein Pigalle.
Ce point d’orgue du concert pris en sandwich en cette soirée « Tout Cao Vert » (Lucibela avant et Mario Lucio & Los Kriiols après) se clôt sur l’air chaud montant du « Pata pata » de Myriam Makeba, chant de coeur de chauffe africaine pour la voix, incantation à la danse pour les rythmes. Ces airs pulsés, ces pas chaloupés, la cause est entendue, à Carmen Souza lui vont comme un gant. De velours chamarré.

Robert Latxague