Jazz live
Publié le 24 Mar 2023

Les aventures de Jazzmag au Bergamo Jazz Festival

La rédaction s’exporte parfois loin des clubs de la région parisienne, vers des contrées fabuleuses, en France ou ailleurs. Jusqu'au 27 mars, l'envoyé spécial de la rédaction vous raconte ses aventures transalpines au festival de Bergame.

Cloué au sol

Ce premier épisode de nos aventures internationales de l’année 2023 commence par un douloureux rappel des réalités du voyage moderne : l’avion qui devait décoller en fin de matinée est cloué au sol quelque part en Angleterre, pour une raison obscure. Le prochain n’arrivera pas à temps pour les deux premiers concerts, le premier en piano solo avec Amaro Freitas et l’autre avec le claviériste Camille-Alban Spreng, le banjoïste Marco Giongrandi et le guitariste Benjamin Sauzereau, alias Dear Uncle Lennie.

Au diable la prise de contact avec la ville où on aurait aimé se perdre quelques minutes, car aussitôt arrivé il est déjà l’heure de se précipiter au Teatro Sociale, pour assister aux deux concerts de la soirée. Mais tous les problèmes de moteurs, de carburant et de compagnies aériennes sont oubliés lorsqu’apparaît sur scène un trio pas comme les autres.

Joey Baron se marre

Il y a là deux musiciens belges, le saxophoniste Robin Verheyen (vous l’avez peut-être entendu sur le dernier album de Marc Copland, Choc Jazz Magazine !), et le jeune pianiste Bram de Looze. Les deux hommes ont été repérés par le batteur Joey Baron tandis qu’ils se produisaient en duo autour du répertoire de Thelonious Monk. Ni une ni deux, il leur propose de former le trio MiXMONK qui ouvrait cette soirée, entre reprises du grand pianiste et compositions originales. Plutôt que la rudesse et la fantaisie du jeu de Monk, c’est le côté mélodique de sa musique qui ressort, porté par trois personnalités fortes parfaitement soudées, jusque dans la disposition des instruments : les fûts à quelques centimètres du piano (Joey Baron pose même parfois ses baguettes sur un bout du siège de Bram de Looze !), et le tabouret du saxophoniste qu’on croirait intégré aux éclisses du Steinway.

Robin Verheyen est très en verve au ténor et au soprano, mais on ne sait pas très bien qui de Bram de Looze ou de Joey Baron s’occupe le plus des percussions ou des mélodies : aux 88 touches du piano, le batteur répond avec autant de façon de frapper chaque cymbale et chaque tom, et d’un kit pourtant plutôt modeste tire mille et unes nuances. Tel est son contrôle des sonorités qu’on jurerait qu’il a un sampleur électronique au bout des baguettes, et c’est désarmant de le voir éclater de rire tout en gardant le tempo d’un main, rajustant un pied de cymbale d’une autre, jouant la mélodie sur sa caisse claire ou citant quelque standard du bout des doigts. Prodigieux !

De l’Italie aux Etats-Unis

La soirée est conclue par un orchestre formé à l’initiative du Théâtre Donizetti, du festival de Bergame et de la Fondation du Théâtre Grande de la ville de Brescia, qui avec Bergame a été désigné comme l’une des capitales de la culture italienne pour 2023.

BERGAMO JAZZ 2023

Sur scène, le Panorchestra est une constellation de dix étoiles montantes du jazz transalpin à laquelle s’ajoute le trompettiste Jonathan Finlayson. Ce tentette parvient à un effet de masse orchestral saisissant grâce au travail de répartition des mélodies entre les sept soufflants, au premier rang desquels le vétéran Tino Tracanna (sax ténor et soprano), Massimiliano Milesi (ténor), Gianluca Zanello (alto), Federico Calcagno (clarinettes), le trompettiste Paolo Malacarne, et le tromboniste Andrea Andreoli, chacun participant aux de concert a ses phases collectives à l’écriture soigneusement élaborée ou exprimant tour à tour toute la singularité de leur langage personnel.

Ils sont soutenus par une fabuleuse section rythmique, où le pianiste Alfonso Santimone, soliste inspiré qui signe aussi les arrangements, le contrebassiste Giulio Corini et le batteur Filippo Sala sont exemplaires d’interaction et de sens de l’écoute. De l’ensemble émerge un son entre urgence maîtrisée, échos de blues, tempêtes free, le tout lié par une écriture très précise aux arrangements exigeants.

Photos : MiXMONK trio © Gamba Phocus

Panorchestra ©

La superbe programmation du Festival Bergamo Jazz 2023 se poursuit jusqu’au 26 mars, rendez-vous demain pour de nouveaux live report !