“Pyromania 40th Anniversary Edition”, la version définitive du grand classique de Def Leppard sera dans les bacs le 26 avril. Julien Ferté s’y est plongé en avant-première pour les fidèles du Salon de Muziq.
Par Julien Ferté

Flashback. En 2009, la réédition Deluxe de “Pyromania”  de Def Leppard était un double CD digipack : le disque original sans bonus tracks sur le CD 1, un concert inédit enregistré au L.A. Forum en septembre 1983 sur le CD 2, un livret avec quelques photos et des liner notes de David Fricke. Quinze ans plus tard, autre temps autres mœurs, “Pyromania”, l’un des meilleurs disques de hard-rock des années 1980, ressort cette fois en mode “40th Anniversary Edition”.
Dans ce magnifique coffret – pour info, format identique à celui de “Live And Dangerous” de Thin Lizzy –, vous retrouverez évidemment l’album original re-remasterisé. Vous découvrirez aussi vingt et une démos, outtakes et autres rough mixes, cinq morceaux live gravés à Dortmund en décembre 1983 – Rock Rock (Till You Drop), Billy’s Got A Gun, Foolin’, Rock Of Ages, Let It Go et Wasted, soit un peu plus de vingt-sept minutes de musique –, le live au L.A. Forum cité plus haut. Le blu-ray contient quant à lui les mixes Dolby Atmos, DST-HD Master Audio 5.1, 2023 PCM Stereo et, ô surprise, une inattendue version 2023 PCM Instrumental Stereo parfaite pour vous prendre pour Joe Elliott lors de vos soirées karaoké entre amis – attention, un chat risque de squatter votre gorge assez vite : en 1983, le gosier du natif de Sheffield rivalisait en terme de puissance avec celui de Brian Johnson d’AC/DC, l’une des influences majeures de Def Leppard avec Thin Lizzy, UFO, Mott The Hoople et Led Zeppelin (ne manquez pas les échos de Kashmir dans Billy’s Got A Gun). Spécial bonus : cinq clips d’époque pour remonter dans le temps, celui où on les voyait passer en boucle à la télévision.
Le livret ? Le livre vous voulez dire ! 56 pages de bonheur. Une longue et passionnante story de Paul Elliott richement illustrée (photos, pochettes, memorabilia…) les “unreleased tracks” commentées par le bassiste du groupe, Ric Savage, et les paroles des chansons, pour essayer, donc, de faire la pige à Joe.
Redécouvrir “Pyromania” avec tout le confort moderne plus de quarante ans après sa sortie est, il faut bien l’avouer, un plaisir rare. Un conseil : installez-vous sur votre canapé, branchez votre home cinéma et mettez le blu-ray dans la platine. Quel que soit le mix que vous allez choisir, vous n’avez de toute façon jamais entendu les dix chansons de “Pyromania” comme ça.

Ce qui frappe aujourd’hui encore, c’est la perfection de la production, son extrême méticulosité, l’attention portée au moindre détail (on songe aux prods’ de la même époque signées Trevor Horn). Petit rappel : Robert “Mutt” Lange était derrière la console, qui avait cosigné toutes les chansons avec les lads de Sheffield et même posé sa voix dans les chœurs. Et l’on sait que comme le Roi Midas, il pouvait à cette époque transformer tout ce qu’il touchait en or : les disques d’AC/DC (“Back In Black”, deuxième meilleur vente d’album de tous les temps) et de Foreigner par exemple (“4” en 1981 : carton planétaire aussi) et, donc, ceux de Def Leppard.
Car deux ans après “High’n”Dry”, “Pyromania” s’est écoulé à plus de dix millions d’exemplaires aux États-Unis et douze millions dans le reste du monde ! En 1983, quand Michael Jackson et Quincy Jones jetaient un œil sur les charts, ils devaient se demander qui étaient ces kids britons dont les ventes talonnaient celle de “Thriller”…

Les ventes, c’est bien, mais la musique, c’est encore mieux n’est-ce pas ? Et, donc, grâce au travail d’orfèvre de Robert “Mutt” Lange, “Pyromania” sonne toujours aussi bien. Le son d’ensemble est certes “daté” – ce qui ne veut pas dire qu’il a vieilli… – mais, on l’a dit plus haut, unique. Cet album bien plus radio friendly que les deux premiers Def Lep’ – et alors, c’est un défaut ? – brille par la force du chant et des chœurs (ceux de Photograph m’ont toujours évoqué More Than A Feeling de Boston), ces intros légendaires – celle de Rock Rock (Till You Drop), subtile, puissante et inventive –, tous ces petits détails sonores qui vous titillent le tympan (l’intro de Photograph, avec ce petit “ping” de guitare avant le riff, le fameux « Gunter gleiben glausen globen » de Rock Of Ages…), la contribution exceptionnelle de Thomas Dolby aux synthétiseurs, “caché”, secret de polichinelle, sous le pseudo de Booker T. Boffin – Dolby avait déjà contribué de manière décisive au “4” de Foreigner… –, les solos de guitare de Phil Collen, grand fan de Michael Schenker et d’Al Di Meola, qui avait remplacé au pied levé le pauvre Pete Willis, viré à cause de son comportement erratique au beau milieu des intenses séances d’enregistrement : Willis était plus métro goulot dodo que métro boulot dodo…
Bref, on n’a pas fini d’aimer “Pyromania”, et ce coffret qui l’édition risque d’être fort limitée s’impose.

COFFRET Def Leppard : “Pyromania 40th Anniversary Edition” (Universal Music Recordings, dans les bacs le 26 avril). Également disponible en double CD.

En 1986, Keith Emerson et Greg Lake s’étaient retrouvés pour former un nouveau trio avec… Carl Palmer ? Non, Cozy Powell ! Leur seul et unique album ressort en coffret : “Emerson, Lake & Powell The Complete Collection”.
Par Julien Ferté

Huit ans après le mal aimé “Love Beach”, dernier album d’Emerson, Lake & Palmer avant leur reformation de 1992, le claviériste et organiste virtuose Keith Emerson et du chanteur et bassiste Greg Lake de mettre entre parenthèse leurs aventures en solo : le premier composait principalement des musiques de film, dont celles d’Inferno de Dario Argento et de Nighthawks (Les Faucons de la nuit) de Bruce Malmuth, pas inintéressantes ; le second avait enchaîné deux excellents albums, “Greg Lake” en 1981 et “Manœuvres” en 1983 (avec Gary Moore, Ted McKenna, Jeff Porcaro, Steve Lukather…). Mais c’est surtout Carl Palmer qui, avec le super group Asia, avait de nouveau atteint les cimes artistiques et commerciales, notamment avec les deux premiers albums du groupe, “Asia” en 1982 et “Alpha” en 1983.
Ainsi, en 1986, Emerson et Lake décident de retravailler ensemble. Palmer est partant, mais les délais imposés par ses deux camarades l’empêchent in fine de les rejoindre. À l’époque, quand le nouveau line up du trio fut annoncé et que l’on apprit que Cozy Powell avait eu le gig à la place de Carl Palmer, les blagues s’étaient mises à fuser : « Et Ringo Parr, tu crois qu’il a passé une audition ? Non, mais Phil Pollins si… » Reste que l’on aurait tout à fait pu imaginer Simon Phillips, Neil Peart ou même Jeff Porcaro derrière les fûts, mais ces messieurs étaient très occupés, tandis que Cozy Powell, lui, venait de quitter Whitesnake – faut-il rappeler que dans les années précédentes il avait marqué de son empreinte le Jeff Beck Group, Rainbow, le Michael Schenker Group, et publié trois albums solos très réussis ?


À la grande surprise de ceux qui voyaient dans cet assemblage inattendu de trois poids lourds du prog et du heavy rock rien d’autre qu’une idée farfelue, “Emerson, Lake & Powell” se révéla être une grande réussite, paru à une époque où le prog rock n’était pourtant plus en odeur de sainteté – quoique : via des groupes comme Marillion, il revenait malgré tout en grâce.
Du pétéradant The Score en ouverture au délirant Mars, The Bringer Of War en conclusion en passant par les très mélodiques Learning To Fly et Love Blind, le puissant Touch And Go et le jazzy Step Aside, les trois musiciens sont aussi inspirés que complémentaires. Emerson déploie sa science des claviers, la voix de Lake porte loin et fort, et Powell n’a peut-être jamais aussi bien joué : ça frappe dur, très dur, mais avec cette inimitable élégance virile.
Comme on pouvait le craindre, l’association de ces trois fortes personnalités ne survivra pas à leur seule et unique tourée américaine, et Carl Palmer retrouvera donc sa place six ans plus tard…

En plus de l’album original superbement remasterisé et augmenté de trois bonus tracks – une reprise instrumentale dantesque de The Loco-Motion de Carole King (!), Vacant Possession et le single edit de The Score –, le coffret trois CD “Emerson, Lake & Powell : The Complete Collection” contient le CD “The Sprocket Sessions” (de passionnantes répétitions) et un CD “Live In Concert”, déjà parus il y a une quinzaine d’années mais difficiles à trouver. On soulignera aussi la qualité des liner notes de Jerry Ewing, collaborateur de Prog Magazine.

Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, voilà que sort aussi le coffret “Fanfare For The Common Man” (superbe design) de Carl Palmer : trois CD truffés de titres starring le batteur virtuose (avec Emerson, Lake & Palmer, The Craig, Atomic Rooster, Mike Oldfield, Asia, 3, Carl Palmer Band…), un blu-ray avec un documentaire foutraque (non sous-titré…) et, surtout, l’autobiographie du batteur, 200 pages d’anecdotes livrées sans fard dans un style direct.


Enfin, les complétistes pourront aussi se procurer le coffret “Variations”, qui réunit en vingt CD la totale de aventures solos de Keith Emerson qui, hélas, s’est suicidé le 11 mars 2016 – le 7 décembre de la même année, Greg Lake succombait d’un cancer du pancréas, tandis que Cozy Powell avait le premier tiré sa révérence le 5 avril 1998 en se tuant au volant de sa Saab 9000. Fin d’une époque.

COFFRETS
Emerson, Lake & Powell : “The Complete Collection” (Manticore Records / Spirit Of Unicorn / Cherry Red).
Carl Palmer : “Fanfare For The Common Man” (BMG).
Keith Emerson : “Variations” (Spirit Of Unicorn).

Douze ans après le premier coffret consacré au chef-d’œuvre de 1972 de Deep Purple, voici qu’un second fait son apparition ! Le Salon de Muziq lui a ouvert ses portes.
Par Fred Goaty

C’est donc en 2012 que sortit la réédition que l’on pensait “définitive” de “Machine Head” de Deep Purple, un superbe coffret “40th Anniversary Deluxe Edition” de quatre CD (le “2012 Remaster” de l’album original, les “1997 Mixes” de Roger Glover, le “Quad SQ Stereo” et “In Concert ’72”, qui reprenait les faces 2 et 3 du double album “In Concert” paru en 1980 et augmentée de deux inédits, Maybe I’m A Leo et Smoke On The Water) plus un DVD “audio only” contenant l’album original en “96/24 LPCM Stereo”, le “Quad Mix” et trois chansons en 5.1 (When A Blind Man Cries, Maybe I’m A Leo et Lazy).
L’époque n’était pas encore aux rééditions vinyles, mais qu’importe puisqu’on avait toujours notre pressage de 1978, Purple Records / Pathé Marconi / EMI… Le livret de 68 pages signé par le rédac’ chef de Mojo Phil Alexander était tout à fait sérieux, avec son lot de photos rares et de témoignages d’affection inattendus, tel celui de Peter Hook de Joy Division et New Order. Bref, nous étions ravis, comblés même de pouvoir ainsi redécouvrir sous toutes les coutures un album que l’on connaissait certes par cœur depuis des lustres, mais qui, décidément, faisait toujours son petit effet sur nos tympans.

J’imagine que celui qui vient de parvenir à la rédaction du Salon de Muziq aurait dû normalement sortir en 2022 pour le 50ème anniversaire, mais chacun sait que le Covid et les troubles mondiaux ont quelque peu ralenti le rythme de parution des coffrets (plus ou moins) mirifiques qui ornent toujours plus régulièrement les facings des disquaires. Voilà pourquoi la nouvelle réréréédition de “Machine Head” s’intitule tout simplement “5-Disc Deluxe Anniversary Edition”, et qu’une fois (soigneusement) décollé le sticker “Deep Purple 50”, plus rien n’indique que ce classic album a désormais plus d’un demi-siècle.
Il faut cependant bien avouer que quand le sympathique coursier nous a remis la grosse enveloppe marron en carton contenant l’objet du désir, le plaisir de se replonger une fois de plus dans les méandres de cet album parfait de bout en bout fut aussi grand.
Mais avant de livrer notre verdict sur ce nouveau coffret, souvenons-nous des circonstances de l’enregistrement de “Machine Head”. Flashback.

Le 4 décembre 1971, au beau milieu du concert des Mothers Of Invention de Frank Zappa, le toit du Casino de Montreux prend subitement feu. Les membres de Deep Purple, venus prendre leurs marques dans cette salle afin d’y enregistrer leur nouvel album dans les conditions du live, comprennent rapidement qu’il va falloir trouver une autre solution. Mais ce qu’ils ne savent pas encore, c’est que cet incendie va leur inspirer l’une des hymnes du rock seventies, Smoke On The Water. Comment Ritchie Blackmore a-t-il trouvé le riff de Smoke On The Water ? L’aurait-il plus ou moins calqué sur l’introduction de Maria Quiet, comme aiment à le penser les musicologues à la petite semaine qui passent trop de temps sur YouTube ? Sachant que cette charmante chanson d’Astrud Gilberto arrangée par Gil Evans figure dans l’album “Look To The Rainbow”, pourquoi ne pas soupçonner, pndant qu’on y est, l’ombrageux guitar hero de Deep Purple d’y avoir trouvé le nom du groupe qu’il fondera en 1975, Rainbow ?
Plus sérieusement, on sait que les riffs historiques naissent souvent par accident – l’inspiration, ça ne se commande pas –, et que ceux qui les gravent dans le marbre, ou plutôt in rock, se sont forcément inspirés, consciemment ou inconsciemment,d’une mélodie, d’une suite d’accords ou d’un autre riff, “emprunté” avec plus ou moins de malice. Comme celui de Whole Lotta Love de Led Zeppelin ou d’All Right Now de Free, le riff de Smoke On The Water est d’une telle simplicité qu’il semble avoir toujours existé. Impossible de l’oublier, même après une seule écoute : Tatata, tata-tadaa, tatataaa-dadaaa…Tatata, tata-tadaa, tatataaadadaaa… (Etc., etc.)
Qui ne s’est pas amusé au moins une fois à essayer de le jouer sur une guitare, même avec un doigt ? Mais Smoke On The Water, ce n’est pas seulement un riff, aussi inoubliable soit-il. Smoke On The Water, c’est aussi, et c’est même surtout une chanson. Bien écrite, superbement enregistrée, inventive, spontanée : quasi-parfaite. Elle résume à elle seule les péripéties montreusiennes de Deep Purple qui, malgré des circonstances pour le moins défavorables, réussit à enregistrer fin 1971 dans la douce commune suisse de canton de Vaud l’album aujourd’hui culte dont Smoke On The Water est le tube-locomotive : “Machine Head”.
« Deep Purple avait déjà joué deux soirs à Montreux, en avril 1971, dans une petite salle, se souvenait Claude Nobs en 2006 dans Muziq. Comme ils avaient bien aimé, ils sont revenus en novembre avec l’intention d’enregistrer leur nouvel album au Casino. Mais lors du concert de Frank Zappa et de ses Mothers Of Invention, un type a tiré une fusée éclairante, comme ça, et un incendie s’est aussitôt déclaré. Tout le plafond était en paillotte, et le feu a pris très vite. Les gars de Deep Purple étaient là, et ils ont tout vu. Ils ont quand même voulu rester à Montreux pour faire leur disque. C’était fichu pour le Casino, et le Mountain Studio n’existait pas encore…» Alors, Claude Nobs, qui ne sait évidemment pas encore que son nom sera cité dans Smoke On The Water, propose aux « gars de Deep Purple »Ian Gillan, le chanteur, Ritchie Blackmore, le guitariste, Jon Lord, l’organiste, Roger Glover, le bassiste et Ian Paice, le batteur – de prendre leurs aises au Pavillon, une grandesalle très sonore, située juste en face du Montreux Palace. La teneur en décibels du hard-rock de Deep Purple importuna rapidement les clients fortunés du palace. Les plaintes commencèrent d’affluer, et la marée-chaussée locale ne tarda pas à aller frapper à la porte principale du Pavillon : « Police ! Ouvrez ! Messieurs, veuillez immédiatement cesser ce vacarme ! »

Déterminé à aider les musiciens du groupe à graver le successeur de “Fireball” dans sa bonne ville, “Funky Claude” va chercher immédiatement une autre idée. Et la trouver : ses bureaux étaient situés juste à côté du Grand Hotel, fermé hors saison. La voilà la solution de repli ! Il constata tout de suite que le couloir principal faisait huit mètres de large sur trente de long. « Pour avoir un bon son », Nobs disposa sur place avec l’ingénieurdu son du Rolling Stone Mobile (le camion-studio qui fut utilisé pour l’enregistrement de “Exile On Main Street” des Rolling Stones et “Led Zeppelin IV”, entre autres) une cinquantaine de matelas. Une paroi en bois fut également construite pour l’isolation, ce qui obligeait tout le monde à passer par un balcon, une chambre et une salle de bain (!) pour venir écouter les prises dans le “studio”… Claude Nobs raconte même que le groupe jouait tellement fort que « le camion s’est mis à trembler ! ». Résultat : il fallu aussi mettre des matelas sur le camion…

La façon dont “Machine Head” a été enregistré paraît presque surréelle. Cet album aujourd’hui considéré comme un classique du rock des années 1970 était le troisième enregistré par le Deep Purple “Mark II”, la seconde mouture du groupe créé en 1968, et sans doute la plus vénérée par les fans, même si le Deep Purple “Mark III”, avec David Coverdale et Glenn Hughes en lieu et place de Ian Gillan et Roger Glover, a aussi ses inconditionnels.
En quatre ans d’existence, de 1969 à 1973, Deep Purple Mark II va successivement enregistrer “In Rock”, “Fireball”, “Machine Head”, “Made In Japan” et “Who Do You Think You Are”. Des tensions internes, et notamment une singulière animosité entre Ian Gillan et Ritchie Blackmore, eurent raison de cette formation pourtant idéale.

Highway Star, Maybe I’m A Leo, Pictures Of Home, Never Before, Smoke On The Water, Lazy, Space Truckin’… Au GrandHotel, la majeure partie des chansonsde “Machine Head” furent créées surl’instant. Une, deux ou trois prises seulement,presque comme un disque dejazz. Tous les solos de Ritchie Blackmore,au sommet de son art, sont gravésspontanément, sauf celui, légendaire,d’Highway Star, mûrement réfléchi avecJon Lord. L’idée du riff de Pictures Of Home, Ritchie Blackmore l’a trouvée une nuit, en écoutant dans sa chambre des radios d’Europe de l’Est sur ondes courtes – aujourd’hui encore, il feint de craindre qu’un Turc ou un Moldave énervé vienne lui réclamer des royalties… Le riff de Space Truckin’, volontairement simple, voire simpliste, est lui inspiré par le fameux thème de Batman composé par Neal Hefti.
Lors des mêmes séances, Deep Purple enregistre une superbe ballade mélancolique, When A Bind Man Cries. La durée d’un 33-tours n’excédant pas une quarantaine de minutes, elle ne fut pas retenue dans le track listing final. Mais elle devint cependant une face b de 45-tours très recherchée. Aujourd’hui, elle figure au rang des standards du groupe, qui la joue toujours sur scène.
Quant à Never Before et son refrain très beatlessien, elle était si séduisante que le groupe l’avait d’emblée choisie comme premier 45-tours à extraire de l’album. Mais cette pop song somme toute assez funky ne devint jamais un classique du calibre de Smoke On The Water.
Ian Gillan avait écrit les paroles du futur hymne du groupe sur un coin de nappe du restaurant de l’Europe Hotel. Elles sont aussi savoureuses et limpides qu’une rédaction d’écolier – une rédaction très, très bien écrite, qui mériterait au mois 18 sur 20. Cla de Nobs y est donc cité (« Funky Claude was running in and out / Pulling kids out the ground »), Frank Zappa et ses Mothers aussi, forcément.
« Les musiciens du groupe étaient adorables, et ils ne se sont jamais plaints, se souvient encore “Funky Claude”. Tous les soirs, ils venaient manger chez moi. Il n’y a presque pas de photos de tout ça, quel dommage ! Roger Glover a fini par me parler d’une chanson, mais ils n’avaient pas encore décidé si elle allait être dans le disque. Ils me l’ont jouée, et moi je leur ai dit que ça allait être un méga succès ce truc-là ! En écoutant les paroles de Smoke On The Water, j’ai trouvé ça non seulement très sympathique – mon nom était cité –, mais surtout extrêmement précis. Tout ce qui était raconté était juste. Et quand le disque est sorti, le succès a effectivement été planétaire. »

Alors, ce nouveau coffret, approuvé par la rédaction ? Oui ! Car le livret en format 33-tours est encore plus réussi que celui de la version 2012, ne serait-ce que par sa richesse iconographique. Mention, aussi, au texte de Kory Grow. Comme nombre de coffrets récents, il contient un vinyle, avec une pochette qui s’ouvre dans laquelle ont été glissés les trois CD et le blu-ray.
Le vinyle est-il la version de 1972 du disque ? Non, le “Remix 2024”, effectué, drôle d’idée marketing, par Dweezil Zappa, le fils du génial moustachu cité dans Smoke On The Water… Pas sûr que les fans qui ont grandi avec le mix original se retrouvent dans les options soniques de Zappa Junior… Car outre la musique, quasiment sacrée, le mix original de Martin Birch ne souffrait d’aucun défaut rédhibitoire, et frôlait lui aussi la perfection. Qu’un mix Atmos soit effectué, pourquoi pas, mais qu’un musicien ne faisant pas partie du groupe réinterprète ainsi le mix de 1972 laisse songeur. D’autant plus que seul Jon Lord, hélas, n’est plus de ce monde – il aurait sans doute refusé, mais cela aurait bien plus amusant de demander à Ritchie Blackmore de le faire, ce remix ! Cela dit, les nouvelles générations ne verront sans doute rien de choquant dans le travail de Dweezil Zappa, qui a dû être le premier surpris qu’on lui demande de s’acquitter de cette tâche. Le voici qui s’explique :

https://www.youtube.com/watch?v=kkeppS4UZOg

Il faut cependant avouer que sur le blu-ray la version Atmos ne laisse pas de marbre, tout comme le Quad Mix, et que le concert inédit enregistré à Montreux en 1971 – attention, qualité bootleg ! – est un vrai plus. Et, rassurez-vous, l’excellent concert de 1972 enregistré par la BBC est toujours là, avec un petit bonus : Maybe I’m A Leo en version “soundcheck”.
Si vous aviez loupé le coffret 2012 (assez côté aujourd’hui…), la version 2024 s’impose. Si vous aviez déjà le coffret 2012, il faudra réfléchir à deux fois…
PS. Message aux décideurs d’Universal : on attend désormais les rééditions Super Deluxe d”In Rock” et de “Burn”, ok ?

COFFRET Deep Purple : “Machine Head 5-Disc Deluxe Anniversary Edition” (Universal Music).

Vingt-trois ans après la première réédition CD Deluxe du classique de 1973 d’Alice Cooper, “Billion Dollar Babies”, le revoici cette fois, toujours en CD mais aussi en LP. Dans les bacs le 8 mars !
Par Julien Ferté

Pour tout vous dire, quand le coursier nous a apporté le pli en provenance de la bonne maison Warner Music et qu’on l’a ouvert fébrilement, on a cru que le double CD de “Billion Dollar Babies” d’Alice Cooper qui y avait été glissé par l’attachée de presse était celui de la réédition de 2001 ! Mais non, c’était bien la version 2024, identique en apparence, mais avec tout de même quelques différences. [“Billion Dollar Babies” est aussi réédité en somptueux triple LP – à plus de 70 € tout de même, mais nul doute qu’il deviendra très rapidement collector, et donc trois fois plus cher –, et si en plus d’être fétichiste vous êtes un très sérieux audiophile, sachez qu’il existe un blu-ray paru en juin 2023.]

Alors, voyons ça, mais avant de nous pencher sur la réédition 2024, souvenons-nous de celle de 2001, âge d’or des rééditions CD siglées Rhino. Le digipack trois panneaux s’ouvrait comme une sorte d’origami ; le livret de vingt-quatre pages, richement illustré, s’enorgueillait d’une préface du boss de Rhino, David McLees – est-il toujours en poste ? aucune idée ! –, d’un essai finement troussé de Brian Smith qui m’en avait appris de belles, des paroles – importantes les paroles, très importantes – et bien sûr des indispensables renseignements discographiques. Le track listing ? L’album original impeccablement remasterisé sur le premier CD, et quatorze morceaux sur le second : onze inédits live captés à Houston et à Dallas les 28 et 29 avril 1973, plus deux outtakesCoal Black Model T et Son Of Billion Dollar Babies (Generation Landslide) – et une rareté seulement parue en Angleterre, Slick Black Limousine (formidable morceau soit dit en passant). Notez qu’en 2001 “Billion Dollar Babies” n’avait pas eu les honneurs d’une réédition “vinyle” (comme on dit aujourd’hui) puisque ce support n’était pas encore revenu en grâce.

Auscultons maintenant la réédition 2024. Le digipack trois panneaux s’ouvre de façon plus classique, un panneau vers la gauche, l’autre vers la droite. L’iconographie du livret est nettement moins riche, mais il fait cette fois vingt-huit pages, car à la place des liner notes, The Billion Dollar Babies Story est racontée (à Jaan Uhelszki) par rien moins qu’Alice Cooper himself, le producteur Bob Ezrin, le batteur Neal Smith, le bassiste Dennis Dunaway et le guitariste Michael Bruce – l’autre guitariste du groupe original, Glen Buxton, est mort en 1997. C’est fort passionnant, chaque chanson est analysée-décortiquée, les anecdotes fusent, et aucune fine plume n’aurait fait mieux pour nous replonger dans cette époque assez folle, celle de ce rock qu’on labélise désormais classic. (Certes, il faut savoir lire l’anglais dans le texte, mais on vous fait confiance.) Seule frustration : exit les paroles ! (Quel dommage…) Le track listing ? Comme la version 2001, le disque original sur le premier CD (et re-remasterisé !) et, cette fois, non plus quatorze mais vingt morceaux : les onze titres live du CD de 2001 (qui ne sont donc plus inédits…) avec School’s Out et Under My Wheels en plus ; les deux outtakes citées plus haut et cinq single versions (Hello Hooray, Billion Dollar Babies, Elected, Mary Ann et Slick Black Limousine).

Alice Cooper en action

On l’aura compris : les différences sont minimes entre les deux rééditions. Si vous n’aviez pas la version 2001, la 2024 s’impose (en CD à un prix doux, en LP à un prix dur). Mais si vous aviez déjà la version 2001, trois solutions s’imposent : la revendre chez un soldeur pour financer en partie l’acquisition de la version 2024 ; garder la version 2001, déjà magnifique, et zapper la 2024 (ou alors la prendre en LP) ; opter pour la version 2024 tout en gardant la version 2001 (j’en connais qui, etc.).
Sinon, on rappelera au passage que “Billion Dollar Babies” concluait la quadrilogie majeure du groupe Alice Cooper, qui avait démarré avec “Love It To Death” et “Killer” en 1971 et s’était prolongée l’année suivante avec “School’s Out” – on ne chômait pas à cette époque. (Ensuite, Alice Cooper le groupe sortit le décevant “Muscle Of Love”, puis Alice Cooper tout seul revint en force avec “Welcome To My Nightmare”, mais c’est une autre histoire.)

Réécouter aujourd’hui “Billion Dollar Babies” nous rappelle à quel point les cinq rockeurs d’Alice Cooper formaient non seulement un sacré groupe de hard-rock’n’roll, touche glam en gothique en prime, que leur chanteur était un sacré showman, un sacré gosier, mais aussi un sacré parolier (John Lennon adorait Elected et Bob Dylan Generation Landslide : ça vaut tous les Grammies, non ?), que leur producteur était un grand metteur en scène / metteur en sons, et qu’absolument toutes les chansons de “Billion Dollar Babies” avaient quelque chose de fort, d’original, voire de visionnaire, de la pas politically correct pour un sou Raped And Freezin’ (qui raconte l’histoire d’un homme violé par une femme et se retrouve tout nu dans le désert !) à la troublante Mary Ann, qui questionnait déjà le genre, en passant par No More Mr. Nice Guy (qui faisait peur à Paul McCartney !) ou encore Unfinished Sweet et ses délires chez le dentiste (brrr, le bruit de la fraiseuse…). Bref, un grand disque indispensable.

CD / LP Alice Cooper : “Billion Dollar Babies” (Warner Records / Rhino, dans les bacs le 8 mars).
Photos : © Peter Sherman (Warner Records / Rhino).

Le pianiste et chanteur nous a quittés le 29 décembre. Hommage.
Par Fred Goaty

J’apprends ce matin avec tristesse la mort du pianiste et chanteur Leslie Coleman “Les” McCann. Le premier disque qui me vient à l’esprit et que je réécoute en écrivant ces quelques lignes, c’est évidemment “Swiss Movement”, le légendaire live enregistré le 21 juin 1969 au Montreux Jazz Festival avec Eddie Harris.
Il commence par cette sublime chanson d’Eugene McDaniels, Compared To What, que McCann avait d’abord enregistrée pour “Les McCann Plays The Hits” en 1966. Elle figure aussi en ouverture du premier album de celle qu’il avait découverte dans un club de Washington, DC, et contribué à faire signer sur Atlantic : Roberta Flack. (L’album en question, “First Time”, était sorti le 20 juin 1969, la veille du concert montreusien !)


De Les McCann, outre “Swiss Movement”, j’aime non moins passionnément “Live At Montreux” (pochette illustrée par une photo de Giuseppe Pino), gravé en 1972 cette fois. Que de grands moments dans ce disque : Price You Gotta Pay To Be Free, le super funky North Carolina, Home Again (avec Roland Kirk en invité)… Le natif de Lexington était revenu sur les rives du Lac Léman avec son nouveau 33-tours Atlantic sous le bras, “Talk To The People”, un must qui débutait par une reprise lente, sensuelle, et pour tout dire somptueuse de What’s Going On de Marvin Gaye, ma préférée avec celle de Donny Hathaway. McCann excelle au piano électrique, et sa voix grave, granuleuse et chaleureuse fait merveille. La longue chanson titre est aussi un grand moment, dont l’intro parlée m’évoque celle du fameux medley Southside Blues / Tobacco Road de Lou Rawls.
Trois disques à apprendre par cœur, auxquels on ajoutera un plus ancien, le magnifique “Jazz Waltz”, enregistré en 1963 avec les Jazz Crusaders, et un plus récent, “Pump It Up” (2002), avec un sacré casting : Ricky Peterson, Marcus Miller, John Robinson, Maceo Parker, Billy Preston, Paulinho Da Costa, Bonnie Raitt, Dianne Reeves…
Photo : © Giuseppe Pino

Dévoilé au compte-goutte chaque nuit de pleine lune depuis janvier, “i/o”, le nouveau Peter Gabriel, partage avec “The Omnichord Real Book” de Meshell Ndegeocello le titre de chef-d’œuvre de l’année. Nous lui avons écrit pour lui dire toute notre admiration.
Par Fred Goaty

Cher Peter Gabriel,
Vous ne me connaissez pas mais moi, je vous connais très bien. J’ai pris le train en marche un beau jour de 1982 en sautant pieds joints et oreilles grandes ouvertes dans votre quatrième album, celui avec The Rhythm Of The Heat et Shock The Monkey. Rassurez-vous, j’ai vite rattrapé mon retard et rapidement appris par cœur “Peter Gabriel”, “Peter Gabriel” et “Peter Gabriel” – à l’époque, je n’avais même pas réalisé que vos disques n’avaient pas de titre, pensez, les pochettes étaient si puissamment expressives que d’une certaine manière, cela suffisait à les “nommer” : cette force de l’image, vous la cultivez aujourd’hui encore en demandant à moult artistes de “répondre” à vos chansons, et rien que pour ça, je vous tire une première fois mon chapeau.
Oserais-je l’avouer – oui, sinon ma missive n’aurait rien d’une lettre ouverte… –, je vous ai un petit peu négligé au début du XXIe siècle ; mais nostalgie oblige, nous nous sommes retrouvés en octobre 2013 pour fêter les 25 ans de “So”, et c’était absolument magnifique. Encore plus fort, peut-être, qu’en 1987 au même endroit, le P.O.P. de Bercy.
“So” : parlons-en rapidement. Longtemps, j’ai cru que vous n’arriveriez jamais à retrouver cet état de grâce, à nous offrir un chef-d’œuvre du même acabit.
Quel sot.
Il aura certes fallu attendre trente-sept ans, période certes marquée par quelques grandes réussites (“Us”, “Secret World Live”…), avant d’éprouver un choc artistique aussi fort que celui de grand cru classé de 1986.
Mais voici donc “i/o”.
Bon, le coup des chansons révélées l’une après l’autre les nuits de pleine lune, j’ai joué le jeu au début, mais dès que le soleil a recommencé de briller, j’ai mis le holà, préférant attendre la sortie du disque. J’ai beau admirer votre capacité à être toujours en phase avec les nouveaux médiums, mais rien, pour moi, ne vaut la découverte d’un album sur disque (CD ou 33-tours, peu importe), deux mots qui disparaissent peu à peu du vocabulaire courant, mais auxquels vous venez de (re)donner une vive, une très vive actualité : un véritable sens artistique.
Autant vous le dire tout de suite – d’autant plus que j’ai attendu trois semaines avant de vous écrire, car je voulais vraiment écouter “i/o”, essayer d’en percer tous les secrets –, grâce à ce disque somptueux d’un bout à l’autre, j’estime que vous les avez atteints à nouveau, les sommets de “So”, sans vous répéter tout en restant vous-même, plus fascinant et habité que jamais. Tel qu’en vous-même enfin l’éternité vous change, disait (à peu près) le poète. Et c’est un doux miracle que voilà. Et pour ça, je vous tire une deuxième fois mon chapeau.


D’abord, il y a votre idée un peu folle de proposer deux mixages différents des mêmes chansons, le “Bright Side Mix” et le “Dark Side Mix”. Mon premier réalisé par Mark “Spike” Stent, mon second par Tchad Blake, deux ingénieurs du son et producteurs aux c.v. longs comme le bras. Elles sont à la fois évidentes, extrêmement subtiles et comme un défi posé à nos ouïe ces différences de traitement sonore, elles révèlent chaque chanson autrement, leur donnant des reliefs insoupçonnés selon la version à laquelle on s’est de prime abord attaché.
Passées ces trois premières semaines de cohabitation quasi quotidienne avec votre disque, le “Bright Side Mix” est mon préféré, mais ces derniers jours, le “Dark Side Mix” commence à me titille de plus en plus sérieusement le nerf auditif. Pas sûr qu’il dépasse au bout du compte le mix côté brillant, mais son mérite est grand que de questionner ainsi la perception des douze chansons de l’album. Ne pas prendre vos fans pours de banals consommateurs de musique nous rappelle, si besoin était, l’intelligence suprême qui est la vôtre et tout le respect que vous avez pour nous.
Et non, je n’oublie pas le “In-Side Mix” (en Dolby Atmos) mitonné par Hans-Martin Buff pour le blu-ray : je l’écoute moins souvent car il me faut pour cela quitter mon Salon de Muziq pour mon salon tout court et allumer les amplies ; les platines et les écrans qui d’habitude me permettent de regarder des films. Mais là encore, le jeu en vaut la chandelle, et le sonic trip différent des deux autres.
Il va sans dire que ces douze chansons défilent du côté brillant ou sombre dans un ordre que, j’imagine, vous avez longuement travaillé. Bravo : elles forment un véritable film audio, les scènes s’enchaînent à la perfection, entre moments enjoués, méditatifs ou émouvants.
“i/o” forme un tout où chaque chanson finit peu à peu par coaguler dans notre esprit, telle une Pangée musicale, un continent familier et mystérieux à la fois, où l’on aime se perdre pour mieux se retrouver. Et quel bonheur que de croiser ces grands musiciens, vos compagnons de roots, certains vous accompagnent depuis plus de quarante ans, de David Rhodes à Tony Levin en passant par Manu Katché et Brian Eno.
Voilà cher Peter Gabriel, je livrerai bientôt d’autres impressions concernant votre chef-d’œuvre, mais je tenais à vous dire tout ça sans trop attendre non plus.
Respectueusement.

Fin 2006, dans le n° 8 de Muziq, Vincent Votzenlugel avait soumis aux pièges du blindfold test Amp Fiddler, qui vient de nous quitter. Souvenirs.


Sly & The Family Stone
Poet
1971
Une de mes plus grandes influences ! J’ai découvert la musique de Sly à travers les disques de mes frères et sœurs, mais je dois dire qu’au début, ça ne m’a pas frappé plus que ça… Ce n’est qu’à partir du moment où j’ai commencé à jouer des synthétiseurs que je me suis mis à vraiment apprécier sa musique. Depuis, elle ne me quitte plus, j’ai tous ses albums dans mon iPod.

Raphael Saadiq & P-Tip
Get Involved
1999
Ce qui est intéressant, dans ce morceau, c’est que Raphael a utilisé une boucle de I’ll Always Love My Mama des Intruders pour l’intro tout en gardant l’esprit de la chanson originale, à travers ses arrangements rythmiques et la ligne de basse. C’est vraiment bien produit. Je me souviens qu’on jouait ce titre sur la tournée avec Lucy Pearl, en 2000 – j’étais le clavier du groupe. J’ai rencontré Raphael à l’époque de Tony ! Toni ! Toné !, on était chez PolyGram tous les deux. Mais mon groupe, Mr Fiddler, était trop différent, et le label voulait qu’on sonne comme celui de Raphael. Ne voulant pas faire de concessions, j’ai préféré quitter PolyGram. Par la suite, j’ai signé chez Elektra mais eux non plus ne savaient pas trop quoi faire de moi ! Alors j’ai fini par atterrir à Londres, sur Genuine Records : the place to be !

Parliament
Mothership Connection (Star Child)
1976
Un classique ! Je prenais beaucoup de plaisir à jouer ce morceau en tournée. J’ai fait partie du groupe de George Clinton au milieu des années 80, après qu’une amie lui eut donné une cassette de mes démos. George a aimé et m’a fait passer une audition. Une semaine plus tard, il m’a rappelé pour m’annoncer que j’étais dans le groupe. J’étais ravi ! Au début, ce n’était pas facile car il y avait tellement de musiciens sur scène, je ne savais pas trop comment m’intégrer. Eddie Hazel a été mon sauveur. Il m’a montré comment je pouvais me glisser entre les espaces. Je lui dois tout.

Dr. Dre
Let Me Ride
1992
West Coast ! Je n’ai jamais rencontré Dr. Dre, mais j’aimerais bien travailler avec lui. Mes amis de Digital Underground ont été parmi les premiers à mélanger p-funk et rap. J’ai toujours trouvé ce mariage intéressant, et George aussi d’ailleurs. A l’époque, il disait souvent : « Ils ont samplé ma musique, en ont fait un hit, je vais gagner plein de pognon maintenant ! Nos disques se plantent les uns après les autres, mais le rap nous a remis en selle ! ».

Marvin Gaye
Let’s Get It On
1973
Une autre de mes grandes influences. Marvin était un héros pour tous les habitants de Detroit et savait faire passer des messages à travers sa musique. Sur Hustle, la dernière chanson de mon disque, j’essaye d’inciter mes frères à se bouger, car beaucoup ont tendance à se laisser aller…
Plus jeune, avez-vous assisté à beaucoup de concerts à Detroit ?
J’ai deux sœurs. La première était une inconditionnelle de Motown tandis que l’autre était une vraie hippie. Elle écoutait des groupes psychédéliques : Cream, The Moody Blues, les Stooges, Buddy Miles… Du coup, je l’accompagnais à de nombreux concerts de rock : Deep Purple, Iggy Pop, Freddy King… Mais ceux qui m’ont le plus marqué étaient les concerts de Roxy Music avec Brian Ferry, et de David Bowie. Cette façon qu’ils avaient de mélanger rock et funk dans leur musique était vraiment unique. C’est grâce à eux que j’ai découvert le glam rock. En plus, ils étaient toujours tirés à quatre épingles, Bryan Ferry avait une classe folle. Je n’avais jamais rien vu de semblable. Ils m’ont vraiment donné envie de faire ce métier.

Extrait de Muziq n° 8, novembre 2006-janvier 2007.

En septembre 1973, le groupe du regretté Phil Lynott publiait son troisième album, “Vagabonds Of The Western World”, dernier opus de Thin Lizzy en mode power trio. Le coffret “50th Anniversary” 3 CD / Blu-ray nous fait revivre cette période clé avec tout le confort moderne.
Par Doc Sillon

– Alors Doc, il est bien ce box set “Vagabonds In The Western World” du Liz’ ? Parce que bon, entre la première réédition CD de 1991 et ses bonus tracks et le double CD “Deluxe Edition” de 2010 avec les sessions BBC et encore plus de raretés, je me demandais si…
– …je t’arrête tout de suite mon Bébert : ce coffret “efface” les précédentes rééditions de “Vagabonds”, même si je te conseille de garder celle de 2010.
– Je te sens enthousiaste là. Qu’est-ce qu’il a donc de si indispensable ce coffret ?
– D’abord, l’objet est magnifique. J’imagine que les fans de vinyle ont dû se précipiter sur le coffret LP paru pour le Black Friday, mais crois-moi, le coffret CD / blu-ray, au même format que celui de “Live And Dangerous” paru l’an dernier, est aussi réussi. Le livret de 60 pages est richement illustré (pochettes de 45-tours, photos…) et les liner notes de Mark Blake se lisent d’une seule traite.
– Qu’est-ce qu’il y a exactement dans les trois CD ?
– Les huit chansons de l’album original dans le premier, plus sept faces A et B et  des sessions radio BBC dans le second (John Peel, Bob Harris…, seize chansons au total). Quant au troisième CD, on y trouve un concert en enregistré le 26 juillet 1973 au Paris Theatre de Londres, et de nouveau mult raretés, démos et autres outtakes (versions instrumentales, alternatives, acetate…).
– Et dans le blu-ray, y’a quoi comme vidéos ?
– Pas de vidéo. Que du (bon) son.
– Ah bon ?!
– Oui. Ces blu-ray “audiophiles”, on risque d’en voir de plus en plus souvent. Celui-là contient les mix stéréro, 5.1 et, une première pour Thin Lizzy, un mix Atmos.
– Il faut être équipé pour ça non ? C’est le même système que pour regarder les films ?
– Exactement. Et même si tu n’as pas l’Atmos, il y a le 5.1. Bon, c’est une expérience très sympa de redécouvrir un disque en mode “spatial”, mais je dois t’avouer que je reste attaché à la bonne vieille stéréo. Cela dit, quand on passe le blu-ray, il y a un diaporama qui défile, avec les pochettes et les photos extraites du livret, ça fait son petit effet sur un grand écran.


– Sinon, tu l’aimes ce Thin Lizzy toi ? Moi je trouve que ce n’est pas un album majeur, mais sacrément attachant…
– Tout à fait d’accord avec toi. Je me souviens qu’à la grande époque de Thin Lizzy, quand ils alignaient des classiques comme à la parade, “Vagabonds Of The Western World” nous semblait un tout petit peu daté, d’une autre époque quoi… Et puis ils n’avaient pas encore leurs “twin guitarists”, Eric Bell faisait tout seul le job à la six-cordes…
– Il y avait quelque chose qui clochait avec Bell ?
– Amusant… Non, pas du tout, mais le “vrai” son Thin Lizzy prendra forme après son départ. Cela dit, quand en septembre 1973 “Vagabonds Of The Western World” sortit, le Liz’ passa tout de même dans une autre dimension. L’album était mieux enregistré, mieux mixé, ils avaient eu un peu plus de temps pour le préparer et le mettre en forme. Et puis il y avait ce qu’on peut considérer comme leur premier grand classique.
The Rocker ?
– Exactement, qui fut d’ailleurs leur premier 45-tours extrait d’un album : leurs singles précédents étaient tous sortis à part, même le fameux Whiskey In The Jar, qui les mit en pleine lumière mais faillit les enfermer dans une esthétique de cover band irlandais nostalgique (c’est quand même grâce à cette chanson sans basse qu’ils sont passés pour la première fois à Top Of The Pops, l’incontournable show télé briton).
– Je trouve que la chanson titre est assez influencée par le folk irlandais malgré tout…
– Tu as raison, on ne se refait pas ! Mais il y a suffisamment de diversité dans cet album pour ne pas s’arrêter à ça. Tiens, réécoute bien Little Girl In Bloom : avec les parties de guitare “multi-trackées”, on entend déjà le Thin Lizzy des années de gloire. J’aime bien, aussi, le côté R&B et écolo de Mama Nature Said (visionnaire notre Phil !), le romantisme de The Hero And The Madman
– Et la pochette illustrée par Jim Fitzpatrick, l’homme qui a redessiné le Che, magnifique !
– C’était sa première collaboration avec le groupe. Phil Lynott et lui s’étaient rencontrés dans un pub (Phil aimait faire croire que Jim et lui étaient des amis d’enfance, mais c’était faux). Dans le coffret, il y a des dessins inédits de Fitzpatrick, j’adore ce mélange savamment dosé de SF et de mythologie celtique. Et quand on sait tout ce qu’il va créer pour le Liz’ par la suite…
– Je reviens à The Rocker : c’est vrai que le 45-tours n’a pas du tout marché ?
– Oui, un bide. Comme quoi… Pourtant, la version de “Live And Dangerous” est entrée dans la légende…
– Oh que oui…
– Tiens, une dernière anecdote pour conclure et revenir sur le Liz’ “d’après” : tu savais que c’était lors d’un concert de Wishbone Ash, groupe connu pour ses twin guitars, que Phil Lynott avait proposé à Eric Bell d’engager un second guitariste ?
– Non… Et alors ?
Il avait refusé sèchement. Un peu plus tard, quand il commença à de plus en plus mal supporter les tournées et le fait de ne pas être auprès des siens, il se mit à boire et perdit les pédales. Exit Eric, welcome Brian Robertson et Scott Gorham. Lynott et Bell sont restés fâchés des années ! Gary Moore a remplacé Bell au pied levé quelques mois, avant de rejoindre Colosseum II.
– Bell revint tout de même jouer sur le dernier double live de Thin Lizzy, “Live Life”…
– Oui, pour de bien beaux adieux.
– J’espère que cette réédition de “Vagabonds Of The Western World” est le début d’une longue série : j’adorerais qu’ils rééditent tous les albums suivants de cette manière, jusqu’à “Thunder And Lightning” !
– Moi aussi. Croisons les doigts… En attendant, welcome back, chers vagabonds.

COFFRET Thin Lizzy : “Vagabonds Of The Western World” (Decca / Universal, sortie le 15 décembre).


En 1994, Bryan Ferry revenait avec son neuvième opus, “Mamouna”, ciselé pendant six ans. Il ressort en coffret Deluxe agrémenté de l’album inédit “Horoscope” et de quelques raretés.
Par Julien Ferté

En 1982, “Avalon” de Roxy Music fut un succès énorme qui, tensions internes (dés)obligent, provoqua la rupture du groupe dont Bryan Ferry était peu à peu devenu la figure centrale. Parallèlement, le chanteur à la voix suave avait toujours vogué en solo – “These Foolish Things”, son premier opus perso, était sorti un an seulement après le premier Roxy Music – mais cette fois un boulevard était ouvert, qu’il emprunta dès 1985 avec le somptueux “Boys And Girls”, auréolé par l’inoubliable Slave To Love.
Suivirent “Bête Noire” en 1987, riche d’un casting de musiciens aussi impressionnant que celui de “Boys And Girls” (David Gilmour, Johnny Marr, Marcus Miller, Courtney Pine, Vinnie Colaiuta, Abraham Laboriel, Andy Newmark…), puis “Taxi” en 1992, quasi exclusivement composé de reprises. 

CLASSE FOLLE
Deux ans plus tard, toujours dans la même esthétique léchée et sophistiquée, “Mamouna” était à nouveau composé de chansons originales, dix au total, portées par cette pulsation singulière, sensuelle et funky, magnifiés par le timbre et le phrasé uniques de Bryan Ferry. Pas de classiques instantanés comme Slave To Love, Don’t Stop The Dance ou Kiss And Tell, mais un album d’une classe folle, tout en retenue, caressant, crépusculaire, qui se love lentement mais sûrement autour des tympans. Là encore, les musiciens font la différence, Nile Rodgers et Maceo Parker (dans l’irrésistible N.Y.C.), Steve Ferrone et Pino Palladino, Robin Trower et Guy Pratt, sans oublier deux “ex” de Roxy Music, Phil Manzanera et Brian Eno (qui cosigne Wildcat Days avec Ferry).

BOÎTIER CHIC
Pour la réédition du presque 30ème anniversaire, Bryan Ferry a mis les petits plats dans les grands : boîtier chic, livret sur papier glacé, l’album original plus l’inédit “Horoscope”, passionnante version de “travail” de “Mamouna”, avec quelques chansons en commun et d’autres inédites, comme Raga et la reprise du classique de Roxy Music, Mother Of Pearl. Spécial bonus, un troisième CD avec pas mal d’instrumentaux.

Coffret Bryan Ferry : “Mamouna 3 CD Deluxe Reissue” (BMG / Warner).
Photos : © Gavin Evans (BMG).

Le coffret Deluxe Who’s Next / Life House retrace en 155 titres, un livre relié et un roman graphique le projet fou mais visionnaire de Pete Townshend.
Par Jacques Trémolin

“Tommy”, l’opéra-rock des Who paru en 1969, est sans conteste l’album le plus populaire du quatuor londonien. Dès sa sortie, l’histoire d’un dieu du flipper sourd, muet et aveugle (le fameux Pinball Wizard) imaginée par Pete Townshend attire les scénaristes hollywoodiens. Lors d’un dîner copieusement arrosé en compagnie de Kit Lambert, le manager du groupe, et de son assistant Chris Stamp, un script suggéré par des pontes d’Universal est soumis à Townshend. Dubitatif, le maître d’œuvre des Who donne néanmoins son feu vert à une entreprise qui n’aboutira que six ans plus tard sous la caméra fantasque de Ken Russell. Pour Townshend, “Tommy” est déjà un chapitre clos relayé par un nouveau projet : un ambitieux nouveau concept-album intitulé “Life House”.

EDEN MUSICAL
Le scénario futuriste de “Life House”mêle préoccupations socio-politiques, technologiques et écologiques au travers du Grid, une combinaison individuelle immersive fournissant des divertissements à volonté contrôlés par un gouvernement autocratique, au moment où la pollution menace de bloquer le soleil, entrainant le refroidissement inéluctable de la planète. Avec plusieurs décennies d’avance, Pete Townshend anticipait l’arrivée de catastrophes climatiques et l’explosion du streaming. Interrogé par Muziq en 2006, Townshend précisait : « J’avais prévu l’arrivée d’Internet, que j’appelais « le Grid », dès 1971 dans mon projet Life House, ainsi que le téléchargement de musique que j’avais évoqué lors d’une conférence au Royal College of Art de Londres en 1985. Ce n’est pas aussi intelligent que ça en a l’air quand on sait qu’en 1961, mes professeurs de l’école d’art d’Ealing nous expliquaient déjà comment les ordinateurs allaient modifier le langage et les outils de création artistiques. » Viennent également se greffer à une intrigue complexe une « note de musique censée représenter le sens de la vie », les préceptes karmiques du gourou Meher Baba et des rebelles déjouant le Grid en se réfugiant dans un Eden musical – l’utopique “Life House”.
Comme c’était le cas avec “Tommy”, le script fumeux proposé par Pete Townshend va rapidement se heurter à l’incompréhension des membres du groupe et de son entourage. Malgré leurs interrogations, les premières répétitions du projet “Life House”ont lieu au Young Vic Theater de Londres, en janvier 1971, avec pour point d’ancrage les maquettes élaborées par Townshend dans son home-studio de Twickenham. Pete Townshend voit les choses en grand, et songe déjà à produire un documentaire montrant les Who sur scène, entouré d’un public invité à se mêler au groupe pendant les répétitions. Townshend a l’intention de filmer l’interaction entre le public et les musiciens, à la manière d’un huis-clos hippie illustrant l’esprit de partage et d’ouverture de la“Life House”. Il déchantera vite, contrarié par la tentative hasardeuse de mêler des bandes pré-enregistrées au son live du groupe et le manque d’intérêt d’une partie de l’auditoire : « dès le premier soir, les invités quittaient le théâtre pour rentrer dîner chez eux », se souviendra John Entwistle. Depuis New York, où il est en train de co-produire le premier album de LaBelle, Kit Lambert suggère alors au groupe de se rendre aux studios Record Plant afin d’enregistrer les titres de Life House.

NEW YORK-LONDRES
Les sessions New-yorkaises débutent dans l’allégresse. Les Who inaugurent le luxueux Studio A du Record Plant, récemment équipé d’un révolutionnaire système quadriphonique. Ils y gravent en mars 1971 les premières versions de Won’t Get Fooled Again, Love Ain’t For Keeping, Getting In Tune et Behind Blue Eyes en compagnie du guitariste Leslie West, venu passer une tête entre deux séances de Mountain dans le studio adjacent. Re-charpentées en compagnie de Roger Daltrey, Keith Moon et John Entwistle, les chansons acquièrent une nouvelle dimension, alors que le chaos règne en coulisses : Kit Lambert, pilier indéfectible du groupe depuis ses débuts, s’enfonce dans l’héroïne, tandis que Townshend calme ses angoisses par de vertigineuses doses de Brandy. Ivre, le guitariste se précipite un soir vers la fenêtre de sa chambre d’hôtel, située 18 étages au-dessus du bitume de Manhattan. Il sera retenu au dernier moment par Anja Butler, l’assistante de Kit Lambert. « Elle m’a sauvé la vie, il n’y a pas de doute là-dessus. J’étais un parfait imbécile à ce moment-là », écrira Townshend en 1995 dans son journal de bord.
Au bout d’une semaine, le groupe plie bagages et rentre à Londres. Townsend fait écouter les maquettes enregistrées à New York et celles de son home-studio à Glyn Johns. Impressionné par la qualité des chansons, le producteur/ingénieur du son ayant collaboré avec les Beatles, Led Zeppelin et les Rolling Stones invite Townshend a ré-enregistrer les titres de Life House, tout en faisant abstraction de son fil thématique. Place à Who’s Next. Sorti le 14 juillet 1971 et co-produit par Glyn Johns, le successeur de Tommy est un disque novateur à plus d’un titre, en particulier grâce à son utilisation pionnière du synthétiseur EMS VCS3. « Won’t Get Fooled Again » en est le meilleur exemple : pour l’enregistrement d’un des monuments de la discographie des Who, le guitariste a passé des heures à explorer les possibilités du synthétiseur, jusqu’à s’en imprégner pour finalement créer des fugues hypnotiques. « Je n’écris pas la musique, je la suis », commente Townshend. Inspiré par Maher Baba, « Baba O’Riley » démarre sur un autre motif hypnotique joué à l’orgue, auquel vient s’ajouter en fin de parcours un acrobatique solo de violon signé Dave Arbus. Le pianiste Nicky Hopkins, vieil ami du groupe et joker incontournable de la période dorée des Rolling Stones, applique ses glissandos virtuoses sur Getting In Tune et Song Is Over.



WHO’S NEXT / LIFE HOUSE, LE COFFRET 2023
Le coffret “Who’s Next / Life House” retrace en dix disques (plus un blu-ray audio, un roman graphique, de la mémorabilia et un livre relié riche en commentaires et informations) l’évolution d’un projet à l’autre ainsi que la création des singles suivants, parmi lesquels The Seeker, Water et Join Together. Des Eel Pie Studios de Twickenham, le laboratoire de Pete Townshend, jusqu’aux cabines d’Olympic en passant par le Record Plant de New York (avec les parties de Leslie West absentes de la version finale de l’album), ses 155 titres circonscrits entre 1970 et 1972 illustrent un récit au long cours. On retrouvera des traces de “Life House” dans “Who Came First”, le premier album solo de Pete Townshend paru en 1972, puis dans la compilation des Who “Odds & Sods” (1974). En 2000, le coffret “Life House Chronicles” compile sur six disques les maquettes de Townshend, à la veille de multiples expériences multimédia (sites Internet, applications, performances…).

Aux côtés de l’intégralité du concert du Young Vic du 26 avril 1971 (les extraits de “Tommy” étaient absents de la réédition Deluxe parue en 2003) et d’un concert inédit enregistré au Civic Center de San Francisco le 12 décembre de la même année, les deux disques passionnants consacrés aux maquettes de Pete Townshend constituent le cœur d’une somme qui, pour un fois, justifie sa taille XXL. On y découvre les prototypes plus qu’aboutis du projet Life House, parmi lesquels un développement instrumental de « Baba O’Riley » de plus de 13 minutes et une version alternative de « Pure and Easy » absents des compilations Scoop et de la discographie parallèle de Townshend. Dans le livret du coffret, l’intéressé commente en évoquant ses démos : « Je pourrais ressayer de faire un disque comme j’avais l’habitude de le faire. J’aurais besoin d’un petit studio avec tout le matériel à portée de main. Je possède encore presque tout mon équipement d’origine. Tout ce qui me manque, c’est une idée folle comme celle de “Life House” pour me guider. »