Années 1980 : Choses vues sur la scène du jazz français et alentours… / Film #2-1 - Jazz Magazine
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Publié le 8 Déc 2025

Années 1980 : Choses vues sur la scène du jazz français et alentours… / Film #2-1

Le 17 janvier au Cim, deux orchestres à l’affiche : le quartette de Jean-Claude Fohrenbach et le trio de Gianluigi Trovesi. Commençons par le premier et par présenter des lieux où nous reviendrons souvent.

La grande salle du Cim, ses boiseries, la verrière latérale où trône un bar dans un coin côté cour, deux ouvertures vers des locaux administratifs sur le mur opposé, l’un deux qui aura différentes fonctions au fil des années, du secrétariat au bar. Les musiciens jouent adossés à une cheminée dont, si mes souvenirs sont bons, n’avait d’autre fonction que décorative. Lumière médiocre, profondeur de champ nulle… je prendrai vite l’habitude, ou plus exactement, je me résoudrai vite à la médiocrité des images. Mais ça restera l’un de mes lieux de photographie favoris, habitant à quelques centaines de mètres et m’y trouvant comme chez moi. Aussi ne manquai-je que rarement les concerts du samedi après-midi.

Le 17 janvier, c’est Jean-Claude Fohrenbach qui officie. C’est mon professeur de saxophone depuis la rentrée 1979, je crois bien. Peu assidu, dispersé parmi mille sollicitations, j’y arpègerai pendant de long mois l’anatole de façon élémentaire en évitant la quarte sur l’accord majeur et la sixte sur l’accord mineur, selon les consignes du professeur Fohrenbach. Ça n’avance pas, mais j’adore Fofo, ses cours qui s’éternisent ponctués de mille anecdotes et autant d’informations de toute nature. Vous avez un cours d’une demi-heure à 19h, vous arrivez une peu en avance et vous trouvez trois ou quatre étudiants devant vous. Alors vous assistez à leurs cours successifs sans vous ennuyer une minute… On pose des questions. Fofo métaphorise. On écoute. Fofo dérive. On rit beaucoup. Un élève plus avancé s’essaie à la substitution tritonique. Vous vous y êtes déjà essayé, mais ça ne ressemblait à rien. Votre tour arrive vers 21h, mais à 23h vous êtes toujours là et comme vous aviez une bouteille dans votre sac, vous l’avez ouvert, on a trouvé des verres… une porte s’ouvre sur un barbe qui s’élargit bientôt en un grand sourire. C’est Jean-Charles Capon qui vient de finir son cour dans la salle d’à côté et qui propose de trouver des verres supplémentaires. Il va falloir peut-être trouver aussi une deuxième bouteille. Tout le monde adore Fofo, le Docteur Fohrenbach comme ils se nomme sur le disque que vient de produire Alain Guerrini : « Mais qu’avez-vous donc fait de la face cachée de la Lune, Docteur Fohrenbach. » Une face en quartette avec le trio de Georges Arvanitas (Jacky Samson et Charles Saudrais) et l’autre en solo dialoguant avec ses boucles longues réalisées sur bandes magnétiques qui, paraît-il, traversaient son appartement d’une pièce à l’autre.

Ce jour-là, au Cim, il présentait son nouveau quartette impliquant deux enseignants de la maison, le guitariste Michel Valéra (qui reprit la direction du Cim après la mort d’Alain Guerrini) et le contrebassiste Pierrick Sorin, plus Stéphane Grémaud que l’on avait déjà vu en tandem avec Sorin sur le disque “Équilibres” du pianiste Gilles Hekimian, cinquième référence du catalogue phonographique de Guerrini, Open Records. On voit qu’il y avait de la littérature sur les pupitres et que la guitare était mise à sérieuse contribution. Mais on y reviendra. Il y aura d’autres films consacrés à Fofo. (à suivre)

Franck Bergerot