L’été dernier, au mois d’août, un(e) fidèle de la Pépite du jour nous avait parlé chaque matin d’un disque incompris, mésestimé ou oublié qui lui tenait à cœur. Retrouvez jusqu’au 3 janvier cette sélection d’un réjouissant éclectisme.
Léo Kotic (de Bruxelles) avait choisi :
With Strings : The Master Takes
Charlie Parker
Verve
1947-1950
« C’est ce CD paru en 1995 qui m’a définitivement fait aimer les séances “With Strings” du génial Charlie Parker. Car je dois avouer que longtemps, trop longtemps, ces faces devenues peu à peu légendaires m’étaient passées au-dessus de la tête. Sans doute étais-je influencé par les commentaires peu amènes, parfois, de certains spécialistes un brin puristes taxant cette musique de “commerciale”… Fadaises ! Comment résister à tant de bonheur distillé par un saxophone qui de son art et de sa maestria suprêmes, même dans ce contexte, ne renie absolument rien ? Certes, si dans quelque monde dystopique des arrangeurs du calibre de Claus Ogerman ou de Johnny Mandel avaient pu s’atteler à la tâche de mettre en forme ces Strings, sans doute l’écrin eut été encore plus somptueux, et les arabesques cuivrées de The Bird encore mieux mises en valeur. Mais c’est justement le contraste entre le génie à l’œuvre et la joliesse des cordes qui, moi, me réjouit et, pour tout dire, m’émeut beaucoup. Bref, j’aime ce disque autant que les disques “commerciaux” que Wes Montgomery avait enregistré à la fin des années 1960, tel “Road Song”. »
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Pour compléter la vaste sélection amoureusement subjective de notre numéro 777 daté décembre 2024-janvier 2025, voici quelques disques de plus sans lesquels l’histoire du jazz n’aurait pas été la même, de 1963 à 1970, par les fines plumes d’hier et d’aujourd’hui de Jazz Magazine.

The Mahavishnu Orchestra
The Inner Mounting Flame
Columbia
1971
Entre 1969 et 1970, John McLaughlin est le guitariste incontournable d’un jazz électrique naissant et fédérateur, grâce à sa participation à trois albums de Miles Davis (“In a Silent Way”, “Bitches Brew” et “A Tribute To Jack Johnson”), aux deux premiers disques du Lifetime de Tony Williams, ainsi qu’à deux enregistrements en leader : “Extrapolation” et “Devotion”. Fort de cette dynamique, McLaughlin décide de former le Mahavishnu Orchestra, un quintette explosif avec le claviériste Jan Hammer, le violoniste Jerry Goodman, le bassiste Rick Laird et l’impressionnant batteur Billy Cobham. Ce premier album démarre sur les chapeaux de roues (Meeting Of The Spirits) inaugurant une musique extrêmement puissante et inclassable.

Cette déflagration sonique est d’autant plus intéressante qu’elle est empreinte d’un grand lyrisme et d’une force expressive peu commune. Les trois solistes s’en donnent à cœur joie, développent une interaction électrisante et galvanisante autour d’une rythmique sans égal. Il règne entre McLaughlin et Billy Cobham une entente télépathique sidérante qui atteint son summum sur Noonward Race. Le groupe est capable aussi de changement de climats comme le montre la pièce acoustique poétique A Lotus On Irish Streams ou l’obsédant You Know, You Know. Lionel Eskenazi

André Hodeir
Anna Livia Plurabelle
EPIC-CBS
1971
Enregistré en 1966, produit une première fois aux États-Unis en 1970 par John Lewis sur Philips. C’est la lecture d’Alain Gerber dans Jazz Magazine qui attira mon attention sur l’édition de 1971 par Henri Renaud sous label Epic pour CBS France. Quoique jamais réédité en CD, c’est devenu un disque de chevet, surtout la face A que je remettais toujours à son début de peur d’en avoir manqué quelque détail. Et des détails nouveaux il y avait à chaque écoute. Bien des années plus tard, éperdu d’émotion au bord de cet Océan où la rivière Liffey qui parcourt l’œuvre de bout en bout vient se perdre en face B, j’en revins à la face A, et vice-versa. Aussi ai-je fini par lui consacrer un essai publié ces jours-ci par l’ONJ Records en accompagnement d’une nouvelle version de l’œuvre telle que recréée par l’Orchestre National en 2021. De quoi s’agit-il donc ? D’une “jazz cantata” pour deux voix imaginée par André Hodeir, adepte de l’improvisation simulée, sur un texte ébouriffant de James Joyce, qualifié de “jazz verbal” par l’un de ses commentateurs. Soit un double flux vocal et orchestral, continu sans retour ni redite, selon un processus d’auto-génération inépuisé. Ça vous fait peur ? Alors je vous renvoie à Alain Gerber qui, découvrant cette œuvre, désarmé par un tel souffle, parla de « chef-d’œuvre de sensualité ». Franck Bergerot

Rolling Stones
Exile On Main Street
Rolling Stones Records / Wea Filipacchi
1972
Extrait de Jazz Magazine n° 205, novembre 1972
Pour qui connaît un peu la production passée des Rolling Stones, ce double recueil constitue un résumé de leur parcours autant qu’une longueur nouvelle. Malgré leurs écarts périodiques vis-à-vis de la musique négro-américaine sans laquelle ils n’auraient sans doute pu prononcer de premier discours, et malgré leur adhésion incontestable à l’emphase sonore du rock blanc, ils demeurent proches des sources choisies d’un commun accord à l’aube des années 1960. Ces sources, qui englobent le blues urbain et rural dans ses formes les plus nettement typées, le rock and roll et une soul music à peine dégagée du gospel (dans ses climats plus que dans ses aspects vocaux), on les pressent en effet à chaque étape différente de leur carrière ; quand l’une d’elles semble perdre de l’ascendant sur le groupe – le R & R, par exemple, dans les albums “Let It Bleed” et “Sticky Fingers” –, on la retrouve plus loin de manière infaillible. Ce qui est le signe d’un attachement que n’ont entamé ni le temps (si ce n’est en de courtes périodes), ni la part croissante des morceaux écrits par le tandem Jagger-Richard.
“Exile On Main Street” a été enregistré durant trois mois dans la propriété de Keith Richard, située dans le Midi de la France. Bien que celle-ci soit partiellement aménagée en studio, quinze jours ont été nécessaires selon Mick Taylor pour que l’on puisse capter le son de manière satisfaisante. Ce qui explique à la fois les imperfections qui persistent sur ce plan et la remise à l’honneur des effets “sales”, “grinçants”, qui fascinaient les Rolling Stones dans les disques de Muddy Waters ou Slim Harpo voici une dizaine d’années. L’adjonction des chœurs s’est faite après coup à Los Angeles, où l’on a procédé au mixage.
Pris individuellement, les cinq partenaires sont de compétences dissemblables : Keith Richard, soliste limité, montre en revanche des qualités majeures de guitariste rythmique ; Mick Taylor est pour sa part un perfectionniste au phrasé exceptionnellement sûr, ce qui a fait de lui, lorsqu’il a quitté John Mayall pour prendre la place de Brian Jones parmi les Stones, l’agent d’une réadaptation instrumentale de tout le groupe (dans la mesure où chez les R.S., l’intervention individuelle s’efface toujours au profit de la « matière commune », qu’il s’agisse de la structuration des morceaux ou du sound à mettre en œuvre) ; Watts et Wyman, par le biais d’une approche rythmique sommaire et massive, donnent à l’expression de l’orchestre une arrogance qui détermine souvent les jugements qu’on porte sur lui ; c’est néanmoins cette arrogance, corroborée par la dureté perverse du style de Jagger, qui fait des Stones l’orchestre le plus puissant du rock blanc depuis que les Anglais y ont la parole. Loin d’être le chanteur « essayant de sonner noir » qu’Illinois Jacquet a cru pouvoir démasquer, Jagger est en effet d’une rare lucidité sur ce point, lui qui, à l’image de son groupe, s’embarrasse aussi peu d’imiter qu’il évite de parfaire inutilement. La perfection formelle, qui garde tout de même un sens aux yeux des Stones, consisterait davantage en une maîtrise de la négligence qu’en un polissage de la forme. Ce en quoi on aurait tort de penser qu’ils s’apparentent à Jimi Hendrix, dont la négligence parfois splendide de tout esthétisme a parfois abouti au dégoût, à la négation des vertus de l’effort.
Dès le temps de leurs premiers enregistrements, les Rolling Stones ont fait appel à quelques instrumentistes extérieurs (comme le pianiste Ian Stewart, qu’on retrouve ici au hasard des morceaux). Mais ces derniers n’avaient alors qu’un rôle de second plan, et ce n’est qu’à partir de la fin des années 60 que ce procédé s’est vu systématisé au point que certains de leurs auxiliaires, s’il fallait en juger strictement d’après les disques, pouvaient faire figure de membres à part entière de la formation. Dans “Exile”, c’est le cas de Bobby Keys (saxe) et de Jim Price (trompette), qu’on a déjà pu entendre avec Joe Cocker, et de l’excellent pianiste Nicky Hopkins, qui s’est associé à Jeff Beck et au groupe californien Quicksilver Messenger Service. Leur présence est sans doute décisive dans la parenté de certaines pièces avec des styles de rhythm and blues modestement célébrés (Sweet Virginia, sorte de pastiche du traditionnel Carry Me Back To Old Virginia qui revêt insensiblement, avec l’intervention du saxophone sur tempo moyen, le caractère doux-amer du R & B néo-orléanais). Les choristes, enregistrés en over-dubbing à Los Angeles, font très nettement pencher d’autres morceaux vers la dramatisation lancinante de la ballade “soul” et du gospel, sans éclipser cependant une dimension spécifiquement “pop” : dans Shine A Light, en particulier, qui s’amorce à la manière des ballades de Percy Sledge en reposant sur le piano et l’orgue de Billy Preston, la voix nasale et éraillée de Jagger semble repousser l’intervention des choristes qui lui donneront pourtant sa véritable assise, et un solo de guitare au lyrisme hendrixien (cf. All Along The Watchtower) vient libérer l’atmosphère comme il n’est admis de le faire qu’en pop music.
Trois plages relèvent d’un retour lucide au blues : Hip Shake, de Slim Harpo, où, bien qu’on ait recouru à une contrebasse pour réserver une certaine légèreté de facture, saxophone et guitares stylisent les riffs d’origine et relèvent l’accent cockney de Jagger. Ventilator Blues suggère un moment l’influence de Howlin’ Wolf mais s’achève comme le Searchin’ des Coasters, et Stop Breaking Down, arrangement d’un blues d’avant-guerre dont l’inclusion fait ici pendant au You Got To Move de l’album “Sticky Fingers”, témoignent d’une assimilation idiomatique qui évite l’aspect fâcheux des reconstitutions. Dans Rip This Joint et Habby, forme et style d’exécution proviennent en droite ligne de chez Chuck Berry, dont on retrouve certains traits de guitare, plus furtivement toutefois, au cours de Tumblina Dice. Le sens de la simplicité et de l’achèvement dans la structuration, caractéristique des meilleures compositions de Jagger et Richard (Heart Of Stone, Satisfaction, 19th Nervous Breakdown, Out Of Time, Sister Morphine) n’est pas l’aspect le plus frappant de cette dernière production, où semblent avoir été tentées diverses élaborations collectives – sur la base de ce qu’ont écrit les deux partenaires. Mais durant l’audition entière. On reste face à l’une des plus superbes tribus d’Occident. Philippe Bas-Rabérin

Pat Metheny
Bright Size Life
ECM
1975
Pour un coup d’essai, c’était un coup de maître que ce premier album du guitariste de 21 ans, au répertoire rôdé au fil d’une série de concerts dans les clubs de la région de Boston. Conseillé par le vibraphoniste Gary Burton, qui lui a sans doute ouvertes en grand les portes du label münichois, Pat Metheny trouve en Jaco Pastorius – rencontré à l’université de Miami – et Bob Moses, l’un de ses professeurs et premiers partenaires, la formule sonore chimiquement parfaite pour exprimer le bouquet de mélodies et de rythmes tapis dans ses compositions, à l’image du titre éponyme en ouverture. Loin des distorsions comme des tentations musculeuses qui conduisent alors plus d’un guitariste vers le jazz fusion, Pat Metheny impose son lyrisme si personnel teinté d’une nostalgie qui jamais ne verse dans la mièvrerie (Unity Village). La délicatesse de sa sonorité lui permet toutes les audaces (dont sont truffées ses compositions pourtant simples en apparence) pour faire fructifier sans hermétisme les acquis de la modernité post-coltranienne (Missouri Uncompromised). Comme un présage du futur trio avec Charlie Haden et Billy Higgins puis de sa collaboration avec le saxophoniste dans “Song X” (1985), ce premier opus se clôt par la reprise combinée de Round Trip et Broadway Blues d’Ornette Coleman. Souples et tendus à la fois, les unissons et contrepoints des deux génies mélodistes ne seraient rien sans leur écrin percussif, empathique et toujours aéré. Vincent Cotro

Michael Brecker
Michael Brecker
Impulse
1987
A 38 ans, le saxophoniste ténor Michael Brecker très demandé dans les studios avait déjà participé à plus de 700 albums jazz, pop et rock. Approché par le mythique label Impulse, il décide de faire un album de jazz a l’instar de ses glorieux ainés John Coltrane et Sonny Rollins. Pour cette première réalisation personnelle, produite par son ami fidèle, le claviériste Don Grolnick, Brecker a l’idée géniale de faire appel à trois monstrueux musiciens qui avaient participé avec lui à l’aventure jazzistique “80/81” du guitariste Pat Metheny. Il retrouve donc ce dernier ainsi que le solide et mélodieux contrebassiste Charlie Haden et l’impétueux batteur Jack DeJohnette. Il complète cette dream team avec le foisonnant pianiste et claviériste Kenny Kirkland.

Ces quatre fantastiques transcendent les limites de leurs instruments et enrichissent généreusement l’univers musical breckerien. Tout au long de cet enregistrement Brecker déroule au saxophone ténor de longues lignes legato et construit de magnifiques spirales ascensionnelles vertigineuses qui culminent dans l’aigu. Il explore à la perfection le potentiel futuriste et fascinant de son EWI. Il y a aussi de beaux moments de douceur notamment sur la ballade My One And Only Love immortalisée en 1963 par John Coltrane et Johnny Hartman. Ce premier album impressionnant à tous points de vue est resté dix semaines en tête du Top Jazz Album Bilboard ! Paul Jaillet

Ornette Coleman
In All Languages
Caravan of Dreams
1987
A partir de 1975, le saxophoniste Ornette Coleman électrifie son “free jazz harmolodique” et fonde le groupe Prime Time. Ce septette atypique (deux guitares, deux basses, deux batteries et le sax alto d’Ornette) enregistre plusieurs albums importants et donne des concerts démentiels (quoique difficile à sonoriser). En 1987, Coleman décide de se ressourcer en réalisant un double album avec un disque électrique du Prime Time et un disque acoustique du quartette historique des années 1959-1960 (avec Don Cherry, Charlie Haden et Billy Higgins). Pour les nombreux fans, c’est un évènement considérable que de retrouver intact, près de trente ans plus tard, ce fabuleux quartette autour d’un nouveau répertoire, d’autant que les compositions sont particulièrement inspirées. L’idée géniale d’Ornette est de proposer une relecture du répertoire acoustique (à trois exceptions près) sur l’album électrique du Prime Time en se permettant d’y ajouter six morceaux inédits. Au plaisir de prendre de plein fouet les deux groupes phares du saxophoniste sur un même disque s’ajoute celui des variations entre les différentes versions des titres communs aux deux groupes, tels Peace Warriors, Feet Music et Latin Genetics. Lionel Eskenazi

Wynton Marsalis Quartet
Live At Blues Alley
Columbia
1986
Il y avait quelque chose d’inconvenant dans la façon dont ce jeune trompettiste était venu s’imposer sur le devant de la scène au tournant des années 1980. La virtuosité était certaine comme le complet-veston était impeccable et lui garantissait ce titre de rénovateur de la vraie tradition du jazz, après une décennie de jazz-rock et fusion, au moment où la “Loft Generation” promettait un second souffle aux avant-gardes. Mais le personnage était horripilant et sa technique pouvait sembler superficielle. Néanmoins, la parution de “Black Codes (From The Underground)” en 1985 eut raison de bien des réticences. La publication en 1988 de cette captation dans un club de Washington, acheva de convaincre les autres. J’en étais et ce live est resté mon Marsalis préféré. En quartette, entouré de Marcus Roberts, Robert Hurst et Jeff “Tain” Watts, il navigue d’originaux en standards, remontant à sa façon, d’ailleurs assez “sixties davisiennes”, d’Au Privave de Charlie Parker au traditionnel Do You Know What It Means To Leave New Orleans. Plus encore que pour le morceau de bravoure Chambers Of Tain signé Kenny Kirkland, j’avoue un faible tout particulier pour les 2’51 de Cherokee sur lesquelles Marcus Roberts se livre à un jeu d’illusions rythmiques ébouriffant. Franck Bergerot
L’été dernier, au mois d’août, un(e) fidèle de la Pépite du jour nous avait parlé chaque matin d’un disque incompris, mésestimé ou oublié qui lui tenait à cœur. Retrouvez jusqu’au 3 janvier cette sélection d’un réjouissant éclectisme.
Jean-Louis Tonnesse (de Bordeaux) avait choisi :
Yellowjackets
Yellowjackets
Warner Bros. Records
1981
« Les années 1980 commençaient bien. On découvrait ce nouveau groupe qui incarnait ce que la fusion mélodique, soft ET funky avait de meilleur. Russell Ferrante, Jimmy Haslip (vous souvenez-vous de son solo dans le légendaire Brother To Brother de Gino Vannelli ?) et Ricky Lawson (qui tournera plus tard avec Steely Dan), on les connaissait déjà pour avoir souvent lu leurs noms sur les pochettes de nos disques préférés, mais les entendre jouer ensemble avait quelque chose d’extrêmement agréable, tant leur musique était lumineuse et nous faisait voyager pour pas cher – le prix d’un 33-tours – sur la West Coast. Et puis il y avait leur arme, le grand, l’immense Robben Ford à la guitare, qui signait là l’une de ses plus mémorables performances phonographiques, riche de sa culture blues, fort de son jeu fluide et élégant. J’ai toujours aimé la touche soul et gospel du jeu du claviériste Russell Ferrante, grand admirateur de Stuff et de Richard Tee (cela s’entend). Coté claviers, on notera aussi la présence de Bobby Lyle, qui grave un chouette sur solo Sittin’ In It, qu’il avait composé avec le batteur Ricky Lawson. Et que dire de The Hornet, qui me rappelle le style des Brecker Brothers qui, eux, venaient de sortir “Straphangin’”, un grand cru aussi. Dans sa version CD, ce premier opus éponyme est augmenté de trois bonus tracks, trois démos inédites d’une étonnante qualité. Vivement que ce premier opus soit enfin reconnu à sa juste valeur ! »
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L’été dernier, au mois d’août, un(e) fidèle de la Pépite du jour nous avait parlé chaque matin d’un disque incompris, mésestimé ou oublié qui lui tenait à cœur. Retrouvez jusqu’au 3 janvier cette sélection d’un réjouissant éclectisme.
Zuria Missen (de Paris) avait choisi :
Holy Diver
Dio
Vertigo
1983
« C’est peu dire que ce disque est un classique du genre heavy rock, genre dont si peu chantent – et surtout écrivent – les louanges ici bas (hormis dans la presse spécialisée). Un an après son départ précipité de Black Sabbath – tout avait pourtant si bien commencé avec deux classiques d’affilé, “Heaven And Hell” et “The Mob Rules” –, il n’y avait pas grand monde pour croire au succès en solo de Ronnie James Dio. Mais une puissante force spirituelle le poussa à livrer ce brûlot dont, il faut l’avouer, il n’approchera plus jamais, par la suite, la perfection, même si le suivant, “The Last In Line”, se défend très bien aussi, ainsi que “The Devil You Kow”, son unique album avec Heaven & Hell, reformation “masquée” de Black Sabbath. Ce que j’aime depuis plus de quarante ans dans “Holy Diver”, c’est la rage canalisée de Dio, qui chante avec une énergie contagieuse et sens mélodique rare, sans parler de son phrasé opératique à nul autre pareil. Avec lui, un trio de choc : Vivain Campbell à la six-cordes, Jimmy Bain à la basse et Vinnie Appice, rescapé du Sab’ des années Dio. Ces riffs crépitants, ces lignes de basse roulantes, ces breaks de batterie renversants… : les neuf chansons d’“Holy Diver” incarnaient la tradition héritée de Rainbow et de Black Sabbath et la plus vive actualité, à une époque où les jeunes concurrents de la New Wave Of Britsh Heavy Metal étaient prêts à en découdre avec les “anciens”. Oui, je sais, la pochette peut faire sourire, voire ricaner, mais croyez-moi, au temps du 33-tours, elle attirait l’œil ! »
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L’été dernier, au mois d’août, un(e) fidèle de la Pépite du jour nous avait parlé chaque matin d’un disque incompris, mésestimé ou oublié qui lui tenait à cœur. Retrouvez jusqu’au 3 janvier cette sélection d’un réjouissant éclectisme.
Isabelle Gueritz (de Valence) avait choisi :
Lite Me Up
Herbie Hancock
Columbia
1982
« Pianiste, je joue aussi des claviers, et suis une grande admiratrice d’Herbie Hancock, que j’ai découvert avec deux albums empruntés le même jour à la Médiathèque François Mitterand de ma ville, “Maiden Voyage”, son chef-d’œuvre Blue Note de 1965, et… celui dont j’aimerais vous parler aujourd’hui, “Lite Me Up”. Je ne savais pas du tout quelle était la réputation de “Lite Me Up”, s’il était considéré comme un classique, méconnu, mal aimé, etc. En en parlant autour de moi, j’ai assez vite réalisé qu’il ne figurait pas souvent au Panthéon des amoureux d’Herbie Hancock, même si ses plus fervents admirateurs, dont je fais donc partie, ont certaine affection pour ce recueil de chansons pop et funky – certaines chantées par H.H. lui-même – dont la majeure partie était (co)signée par le pianiste et, carrément, Rod Temperton ! Monsieur Thriller, Give Me The Night et Boogie Nights ! Certes, aucune des huit chansons de “Lite Me Up” n’a été un tube planétaire, mais j’adore quand même ce disque, plus créatif que son côté “facile d’accès” ne laisse d’emblée deviner. Et quels musiciens aux côtés du pianiste : David Foster, Abe Laboriel, Jeff Porcaro… Si je devais y extraire un Pépite du jour, ce serait Give It All Your Heart, un duo absolument craquant entre Herbie Hancock et Patrice Rushen.»
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Chaque matin du lundi au vendredi, un(e) fidèle de la Pépite du jour nous parle L’été dernier, au mois d’août, un(e) fidèle de la Pépite du jour nous avait parlé chaque matin d’un disque incompris, mésestimé ou oublié qui lui tenait à cœur. Retrouvez jusqu’au 3 janvier cette sélection d’un réjouissant éclectisme.
Solène Martin (de Juvisy-sur-Orge) avait choisi :
Trance
Steve Kuhn
ECM
1975
« Ce disque, je l’ai récupéré dans la collection de mon oncle, et je dois avouer que je ne savais alors pas du tout qui était Steve Kuhn. Ce qui ne m’a pas empêchée de tomber instantanément “amoureuse” de ces huit morceaux, tous composés par ce pianiste aujourd’hui âgé de 86 ans qui ne me semble pas – mais peut-être ai-je tort – reconnu à sa juste valeur. Il en avait 36 quand fut enregistré “Trance”, à New York, avec trois musiciens que j’ai appris à mieux connaître depuis : le bassiste Steve Swallow, le batteur Jack DeJohnette et la percussionniste Sue Evans. Je sais c’est un peu facile, mais le premier morceau qui donne son titre au disqueme met en transe à chaque fois que je l’écoute. Une transe douce, rythmée par la ligne de basse et les cymbales pointillistes. Cette mélodie mélancolique me hante, cette ambiance “cinéma” me transporte. Et j’adore l’idée que Trance soir repris à la fin sous le titre de Life’s Backward Transe, avec un bref spoken word de Steve Kuhn, qui souligne plus encore le coté cinématographique. (Depuis, j’ai trouvé dans un vide-grenier un autre 33-tours de Steve Kuhn, en piano solo, “Ecstasy”, où il interprète un morceau intitulé Life’s Backward Glance, que j’adore aussi.) Dans le deuxième morceau, Squirt, Steve Kuhn joue du piano électrique, et c’était la première que la sonorité unique et chaleureuse de cet instrument s’imposait à moi. Je n’oublierai jamais ça, et je n’oublierai jamais ce disque qui aura toujours un côté magique pour moi. »
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L’été dernier, au mois d’août, un(e) fidèle de la Pépite du jour nous avait parlé chaque matin d’un disque incompris, mésestimé ou oublié qui lui tenait à cœur. Retrouvez jusqu’au 3 janvier cette sélection d’un réjouissant éclectisme. Nordine Amalou (de Roubaix) avait choisi :
Frontiers
Journey
Columbia
1983
« “Incompris” ? Par les rock critics du monde entier sans doute. “Mésestimé” ? Pas par Prince ! “Oublié” ? Jamais ! (Pas par moi en tout cas.) “Frontiers” de Journey, c’est ma madeleine à moi. Mon “plaisir coupable” dites-vous ? Mais pourquoi dites-vous ça ? En quoi devrait-on se sentir “coupable” d’aimer ce disque qui, accessoirement, est l’un des meilleurs de Journey ? Et puis de toute façon, il y a plaisir ou pas, la notion de culpabilité n’a pas lieu d’être. Si je cite Prince, c’est bien sûr parce que Faithfully, la “power ballad” de la fin de la première face, a influencé Purple Rain – oui, je sais, tout le monde connaît et raconte cette histoire pour faire le malin depuis que messieurs Jonathan Cain et Neal Schon l’ont faite fuiter après la mort de Prince : le natif de Minneapolis qui appelle pour signaler aux Journey boys qu’une ballade qu’il venait d’enregistrer était fort influencée par la leur, les Journey boys, flattés par la qualité de Purple Rain, lui répondant quelque chose comme « Go on man, your song is great… Good luck with it ». Mais ce n’est pas tout : “Frontiers” contient aussi l’irrésistible Separate Ways (Worlds Apart), qui passait en boucle sur mon Walkman quand j’allais à la fac, la puissantes Chain Reaction et Edge Of The Blade, l’incroyable Back Talk (avec Steve Smith en feu derrière ses fûts) et la trippante chanson titre. Bref, un album parfait dont le verso était un remake du recto du premier album Journey, un autre album culte pour moi, mais pour d’autres raisons (musicales). PS : Le jour où j’ai lu une chronique positive de “Frontiers” dans Muziq, je me suis abonné ! »
#fredgoatylapepitedujour #lapepitedujour #comingaoût #25disquessortentdubois #journey
L’été dernier, au mois d’août, un(e) fidèle de la Pépite du jour nous avait parlé chaque matin d’un disque incompris, mésestimé ou oublié qui lui tenait à cœur. Retrouvez jusqu’au 3 janvier cette sélection d’un réjouissant éclectisme.
Alain Millis (de Majastres) avait choisi :
Adventures In Radioland
John McLaughlin And Mahavishnu
Day Eight Music
1987

Version 1.0.0
« Trois ans après l’inattendu comeback de Mahavishnu avec un album qui en avait désarçonné plus d’un – pas moi, qui lui trouve quelques défauts mais y reste très attaché –, John McLaughlin revenait avec la même formation, à l’exception notoire du batteur, qui n’était plus Billy Cobham, seul lien le Mahavishnu d’“avant”, mais Danny Gottlieb, ex-membre du Pat Metheny Group – cela m’avait surpris et, je dois dire, amusé, dans la mesure où d’aucuns avaient trouvé que dans l’album de 1984, McLaughlin jouait sur certains morceaux avec une Synclavier Digital Guitar™ dont la sonorité n’était pas sans rappeler celle de Pat Metheny… (En 1985, avec “Soaring Through A Dream”, Al Di Meola aussi avait sorti un disque dont l’esthétique était influencée par celle du Pat Metheny Group…) Mais avec “Adventures In Radioland”, l’affaire était toute autre : le groupe était vraiment soudé cette fois, le boss en forme olympique – shredders metal, prenez garde ! –, les compositions variées, provocantes, funky, modernes, typiques du son “eighties”, mais superbement arrangées. Je trouve qu’“Adventures In Radioland” est vraiment un disque mésestimé de Monsieur McLaughlin. Et pour avoir vu ce groupe sur scène à l’époque, je peux dire que la musique était encore plus forte ! Et si je puis me permettre de vous conseiller deux grands albums – mésestimés aussi je trouve ! – de deux autres membres de Mahavishnu, ce serait “Train Of Thought” du claviériste Mitchel Forman et “The Alternative Man” du saxophoniste Bill Evans. PS : Merci Fred d’avoir retenu mon texte ! »
#fredgoatylapepitedujour #lapepitedujour #comingaoût #25disquessortentdubois
Pour compléter la vaste sélection amoureusement subjective de notre numéro 777 daté décembre 2024-janvier 2025, voici quelques disques de plus sans lesquels l’histoire du jazz n’aurait pas été la même, de 1963 à 1970, par les fines plumes d’hier et d’aujourd’hui de Jazz Magazine.

Miles Davis
Someday My Prince Will Come
C.B.S.
Extrait de Jazz Magazine n° 94, mai 1963
Dès le départ, j’annonce ma couleur : avec Miles Davis, je suis volontairement et lucidement partial. Depuis tant d’années déjà, il appartient à mon domaine le plus intime. Si je devais citer un nom de musicien depuis la mort de Charlie Parker, celui de Miles Davis me viendrait spontanément aux lèvres. C’est peut-être pourquoi je n’en parle qu’avec appréhension : je sais à l’avance que mes efforts pour en dire la grandeur aboutiront à un échec. Pourtant, l’une des plages de cet enregistrement, celle qui donne son titre à l’album, me semble la plus propice à le cerner : on sait la mièvrerie de tout ce qui s’attache au nom de Walt Disney et Un jour mon prince viendra pourrait presque en être l’archétype. Un thème veule, pleurard et visant bas. Et voilà un disque digne, austère et s’adressant à la part la plus noble de l’homme. Tout est affaire d’écriture. Et de noblesse naturelle. Miles évite sans effort l’effusion geignarde qui se dissimulait derrière chaque note, domine le thème puis l’oublie, ne gardant que l’idée directrice. On nous dit que Lester Young lisait toujours très attentivement les paroles des ballades sur lesquelles il devait improviser. Miles n’a lu que le titre et c’est à partir de là qu’il va bâtir son chant d’amour et de solitude, d’une tristesse et d’une pudeur viriles et profondes. Davis est peut-être le seul musicien de jazz, aujourd’hui, qui puisse, sans ridicule, s’affubler du titre de Prince. Car il est Prince par la grâce, la distinction, la qualité. (On aura compris que dans le terme Prince, je ne vois aucune discrimination sociologique : ceux qui, parfois, me lisent, savent que je ne suis précisément pas du côté des princes. Et les seuls princes que je connaisse intimement sont tous des prolétaires. Et des militants.) La qualité, ai-je dit : la note de qualité, l’accord de qualité, la phrase de qualité au prix d’une ascèse poursuivie sans relâche. C’est une musique qui vient de l’intérieur, comme dirait Robert Bresson. Et comme les films de Bresson, l’exacte dimension de la musique de Miles Davis requiert beaucoup d’attention, beaucoup d’abandon et beaucoup d’amour. Il faut savoir entendre entre les notes. C’est le contraire même d’un jazz de digestion ou de divertissement. La place me manque pour parler comme il conviendrait des autres thèmes : du reste, je répugne à détailler les enregistrements. S’il est vrai que, compte tenu des erreurs, Miles est plus à l’aise dans certains morceaux, il n’en reste pas moins vrai que chaque thème est brassé dans le collimateur davisien. Tout est à entendre, et à méditer. D’autant qu’un des sidemen de Miles était à l’époque notre cher John Coltrane, un Coltrane qui sentait déjà poindre en lui l’explosion des années suivantes. C’est là qu’on se rend compte de tout ce que Coltrane a retenu de son séjour chez Miles. Lui aussi est un musicien pudique : son aventure esthétique pourrait s’accompagner d’un exhibitionnisme, d’une logorrhée qu’à aucun moment on ne sent chez lui (alors que chez ses imitateurs…). Chez lui non plus, il n’y a pas rupture entre le passé et le présent : il suit simplement une route logique sous le signe de la beauté. Miles, maître de lui et de son art : la conclusion s’impose d’elle-même. Jean Wagner

John Coltrane
A Love Supreme
Impulse
Extrait de Jazz Magazine n° 132, juillet 1966
Nous l’avons vu à Antibes, le Pascal de la musique de Nègres, trépignant sur l’estrade, flottant entre les deux infinis du lyrisme et de la fureur, hors de lui et d’une certaine musique coltranienne que nous croyions savoir. Ce fut une messe très noire, avec Elvin, l’enfant de cœur dément qui agitait les cymbales de l’apocalypse. Les quatre cavaliers dans la nuit chaude, à cheval sur le tonnerre, couchés sur l’encolure de leurs bêtes, Trane mêlé à son instrument et la mer par derrière, impuissante, oubliée et perdue dans la transe et le suprême amour du jazz. Nous fûmes engloutis. Cette fois, John ne peut nous prendre à l’improviste, et nous donner son Bon Dieu sans confession. Nous avons refait surface, nous avons pris nos distances.
Il y a ici moins de folie. L’oiseau est dans la cage même si la cage est immense. Équilibre ? Certes, et même stabilisation. La musique s’introspecte avec lucidité, regarde en arrière, se cite elle-même en exemple et décrit dans l’intemporalité un cercle majestueux, parcouru indifféremment dans un sens ou dans l’autre : ainsi Resolution, qui semble éveiller l’écho de quelques thèmes familiers. Coltrane n’a pas osé – ou voulu – se trahir, comme à Antibes. Il a défini lui-même son classicisme, afin que nul n’en ignore : ce disque s’inscrira dans son œuvre comme dans celle du Bird les sessions en quartette (avec Al Haig et Max Roach). Il n’est pas aisé alors de s’avouer insatisfait (d’autant plus que cette insatisfaction-là laisse loin derrière elle la plupart des contentements) et c’est un scrupule seulement – de dire tout mon sentiment – qui me force à parler. J’ai eu du dépit, au milieu du plaisir extrême, à voir cette œuvre se laisser disséquer et comprendre sans défense ; j’ai eu du dépit à voir Trane se refuser à toutes les iconoclasties, la plus belle surtout, celle de sa légende. Tel qu’en lui-même il s’est voulu ici, statue grandiose et marmoréenne… Je préfère qu’il prête le flanc à l’incertitude et s’interroge sur la possible vanité de son art. N’est-ce pas ainsi – déchiré – qu’il nous est apparu naguère, brisant furieusement les conventions, arrachant au jazz ce que jusqu’alors il s’était toujours refusé à dire, empêcheur monstrueux des habitudes de la beauté ?
Comme celle d’Antibes, son exaspération d’alors dépassait la mesure d’un mode d’expression. Elle ne se regardait pas faire et ne prenait pas le temps de surveiller sa mise, au prix, parfois, de l’inquiétude et du chaos. Ce n’était pas payer trop cher le feu sauvage du jazz recommencé. Mais on se consolera, comme moi, dans la vaste et multiple splendeur d’un des plus beaux microsillons que le jazz jusqu’ici nous ait offerts. Il lui sera beaucoup pardonné : Trane vaut bien une messe. Alain Gerber

Miles Davis
Miles Smiles
CBS
Extrait de Jazz Magazine n° 147, octobre 1967
9/10. Le sourire de Miles : il n’est guère présent que sur la pochette, pour justifier un de ces jeux de mots dont l’industrie du disque fait grand cas. En tait, cette musique se déploie dans une région altière qui se situe bien au-delà de l’expressivité du rire ou des larmes. Peut-être même avons-nous ici un des disques les plus austères de Miles, dont le destin a toujours reposé sur cette contradiction féconde : qu’il est, naturellement, un des musiciens les plus lyriques de toute l’histoire du jazz, mais que, par pudeur et par exigence créatrice à la fois, il n’a eu cesse de dépersonnaliser ce lyrisme, d’y rechercher, plutôt que les moyens d’une confidence, les éléments objectifs d’une aventure musicale à laquelle il a toujours su rallier des compagnons de premier plan. Processus constant où l’on peut, toutefois, observer un discret mouvement pendulaire, qui accentue légèrement l’un ou l’autre aspect : à l’expressionisme “bop” succède ainsi, à travers les années “cool”, le rêve d’un jazz plus formalisé ; à la musique, directe et souvent enjouée, du quintette du milieu des années cinquante fait suite, à partir de 1957, une période d’exploration du sortilège sonore.
Cette évolution d’une grande rigueur intérieure, on voit cependant qu’elle demeure extrêmement attentive au mouvement historique du jazz, un mouvement qu’elle n’a pas manqué, au reste, d’accélérer. Mais il est très caractéristique de Miles que sa voie soit toujours demeurée parallèle aux grands courants sans jamais s’y confondre. Sans doute est-il trop secret pour dresser sa tribune aux carrefours de l’histoire ; et surtout, les motivations psychologiques, les exigences esthétiques personnelles et l’art instrumental for-ment-ils, chez lui, un ensemble trop complexe : on joue aux côtés de Miles, on participe, plus ou moins longtemps, à l’entreprise qu’il définit, mais on ne se définit pas à partir de lui. En fin de compte, sa musique, on le voit, s’établit au point de concours d’une double transposition : celle, nous l’avons dit, de son lyrisme naturel, et celle du jazz contemporain du moment où il crée, un jazz où il puise ce qui le concerne et qu’il enrichit, en retour, d’une voix originale et toujours à l’heure. jazz où il puise ce qui le concerne et qu’il enrichit, en retour, d’une voix originale et toujours à l’heure. “Miles Smiles”, c’est le Miles d’aujourd’hui : on dirait qu’il a regardé du côté d’Ornette Coleman et de Don Cherry.
Non point qu’il fasse, à proprement parler, du “free jazz”, mais parce que, répudiant toute cette quête d’une architecture temporelle du son, qui semblait avoir été la fin poursuivie ces dernières années, il sacrifie ici, au discours, c’est-à-dire à un ordre qui s’y oppose comme le continu s’oppose au discontinu, et qu’il privilégie au détriment du contexte harmonique, peu déterminant et, pratiquement, presque toujours sous-entendu : Herbie Hancock, ainsi, ne parait avoir aucun jeu de main gauche. Seulement, à la différence de celui de Don Cherry, le discours de Miles ne prétend nullement serrer au plus près une sorte de parole intérieure ; il s’attache, au contraire, à cultiver sa propre organisation, où alternent, notes détachées, courts fragments qui se déploient en imitation et longues lignes en valeurs brèves. La qualité sonore, ici, parvient à une sorte de neutralité qui trahit sa disgrâce : elle ne conserve un rôle original que comme pôle du discours, soit cet aigu éclatant et crispé vers lequel converge presque toujours la succession des phrases, soit, plus rarement, ce grave qui s’exténue comme au terme d’une décompression, sons, notons-le, jamais établis, tout de suite dissipés par leur excès même, car leur rôle unique est de figurer les extrêmes d’un champ dis cursif. Et tel est le pouvoir du jeu de Miles que Wayne Shorter et Herbie Hancock ne savent que le prolonger : jamais, peut-être, n’avons-nous entendu, dans une session en petit groupe, des successions de solos s’emboîtant si exactement, comme si une seule voix parlait, à travers quelques caractéristiques accidentelles – le toucher subtil de Hancock, l’accent coltranien de Shorter.
Cette voix, cependant, dans l’attention extrême qu’elle porte à son propre déploiement, témoigne de soucis formels qu’on ne trouve guère chez les apôtres de la spontanéité. Chacun des musiciens mélodiques est, on le sent, initialement inspiré par le sentiment qu’il a de l’espace de son propre jeu ; et les thèmes apparaissent moins comme des supports de séquence harmonique que comme des jalons plantés à l’origine d’une aventure qui cristallisera à partir d’eux. Ces thèmes sont, en général, du même type : système discontinu de trois segments (Freedom Jazz Dance, Ginger Bread Boy, Dolores) enraciné sur une figure rythmique immuable qu’énonce la basse et plongeant dans une sorte de matière percussive établie par la batterie. Improviser sur ce système, c’est, on le voit, marier la circularité (propulsés par la basse, les solos se déploient autour du thème en couches concentriques) et la périodicité (le discours des improvisateurs se fondant sur des alternances d’extension et de concentration, de style lié et de style détaché, de valeurs brèves et de valeurs longues). Ce souci, les titres, au demeurant, l’attestent : Orbits, Circle – la seule plage, par ailleurs, où Miles, jouant en bouché dans l’esprit de la ballade, rejoint, par instant, sa veine lyrique. En revanche, Freedom Jazz Dance superpose à la circularité une sorte de dynamisme linéaire assez martial, qui tient, essentiellement, à ce que Tony Williams y marque tous les temps : le solo de Miles, étagé par les ponctuations, régulières et violentes, de Herbie Hancock, prend ici un véritable caractère de harangue.
Cette musique, on le voit, qui ne se cherche pas de raison hors de sa propre cérémonie, nous entraîne loin de l’idée d’un jazz expressif et chantant. Elle est comme l’illustration de l’incessante dialectique du même et du divers au sein d’un discours. Mais par une dialectique ultime, qui achève et assoit cette musique, ce discours lui-même est confronté à son contraire : une masse sonore dynamique et en perpétuel mouvance qu’instaure, avec un très subtil génie, Tony Williams. A la pure efflorescence formelle répond, de la sorte, une matière savoureuse qu’anime aux balais et aux baguettes, une exceptionnelle qualité de frappe : cette matière en habite les creux et, par des variations de tempo, en fait contraster les énoncés. Ainsi voit-on, avec ce disque, à Miles le lyrique puis Miles l’enchanteur, succéder Miles le démiurge. Il a, aujourd’hui, dépouillé son jeu de tout ce par quoi il pouvait suggérer un univers à lui seul. Il a, aujourd’hui, dépouillé son jeu de tout ce par quoi il pouvait suggérer un univers à lui seul.
C’est à l’idée de son jeu qu’il se tient, et celle-ci est comme le centre d’un cercle en mouvement à partir duquel tout s’engendre et se hiérarchise, suivant la procession oppositions. Miles est la forme qui féconde et en retour toute cette musique reflue sur lui : toujours plus présent et toujours plus absent. Michel-Claude Jalard

Pharoah Sanders
Tauhid
Impulse
Extrait de Jazz Magazine n° 155, juin 1968, p. 42
10/10. Lorsque Coltrane était là, on eût dit que Sanders assurait près de lui le rôle d’un tentateur en modernité ; aujourd’hui qu’il n’est plus, Sanders réinvestit dans les dissidences le sortilège coltranien. Tandis que Shepp, par-delà sa brûlante ferveur et contre elle, ne craint pas d’endosser l’ingrate livrée de l’iconoclaste (on accordera cependant que, dans une large mesure, il ne fait malgré tout en cela que suivre Coltrane lui-même, premier des diseurs de messes noires aux marches de son culte), Pharoah réarme l’orthodoxie et fomente une croisade. L’heure qui vient est pour lui celle d’une rédemption des teigneuses incertitudes du libre jazz par ce lyrisme où s’enchâssait chez Coltrane le chant jusqu’en ses tortures. Un lyrisme à la mesure de ce temps piétiné : fervent avec mysticisme, dolent avec passion. Tantôt (puisque l’homme ici n’est point seul) il en appelle à Dieu – qu’il invoque sa pitié ou déchiffre simplement le monde avec émotion. Tantôt, crevé de rongé par l’amertume et la révolte (encore) impuissante, il semble se dévorer lui-même – mais il refait ses forces en ce terrible festin. Du choc de ces deux attitudes – l’adoration et l’exaspération – naît une musique où le contemplatif et l’incantatoire le disputent au torride et à l’exa-cerbé. L’extase est furieuse mais ce jazz, cependant, reste immobile au milieu de ses houles. L’élan se ravale dans son propre bond mais tout se passe comme si cet échec l’invitait à se déployer encore. Ainsi jusqu’au bout de cet étrange statisme peuplé ou grondent, à fleur de derme, d’extrêmes bouleversements (cf. Upper Egypt ou Aum, singulièrement). Derrière son chef et suivant les couleurs de sa passion, l’orchestre se partage. Il y a ceux de l’incantation (Burrell, Grimes) et celui de la colère (Sharrock, dont, en solo, la technique de guitare participe d’une agression : il faut avoir entendu l’agonie superbe de l’instrument écorché vif, étranglé dans ses cordes pour mesurer la distance qui sépare le jazz qui agit de celui qui se souvient). Tous, cependant, ne songent qu’à porter le lyrisme à incandescence, qu’il soit épanoui ou convulsé, délassé ou rebiffé contre so1.
Il vit d’ailleurs, on l’a vu, de la superposition de ces états hostiles les uns aux autres de sorte que, parfois, 1l se livre et se reprend dans un même cri dont on ne sait trop s’il est d’espérance ou d’inquiétude, s’il est plainte ou ricanement. C’est aussi que l’imprécision elle-même féconde le mystère où s’enracine l’extase. Tout ici vise à la transe. Non la transe vomie par le corps saoûl, mais cette transe sèche encerclée par son propre drame (lors-qu’elle ne peut échapper à l’instant) ou pétrifiée dans sa jubilation (lorsqu’elle ne veut pas que l’instant lui échappe). Transe exaspérée du son ou transe opiniâtre du rythme (abritée dans les replis d’une menteuse monotonie), elle nous paraît déjà indispensable aux cérémonies du jazz neuf. C’est par elle assurément que ces œuvres – sauf Japan qui fait tache mais sur quoi l’on peut bien fermer les yeux – s’installent avec Juno Sé Mama, au premier rang de celles, peu nombreuses, qui savent nous déposséder le mieux de nous-mêmes et, partant, de nos insupportables exigences envers le jazz qui se fait sans – ou malgré – nous. Alain Gerber

The Jazz Composer’s Orchestra
The Jazz Composer’s Orchestra
J.C.O.A. Pathé
Extrait de Jazz Magazine n° 165, avril 1969
10/10. La première question posée par l’entreprise du J.C.O. celle même, posée et reposée jusqu’au ressassement par tous les grands orchestres de jazz, du rapport écriture/ improvisation. Mais question plus brûlante encore ici, puisque, improvisation ou écriture, il s’agit de free-jazz. A part en effet les constellations de mu-siciens gravitant autour de Sun Ra, à part surtout les grands rassemblements guidés par John Coltrane pour Ascension, à part certaines éphémères tentatives en concert des free jazzmen français, l’exercice du free jazz s’est le plus souvent pratiqué en comités restreints, la “liberté” de quelques-uns étant moins utopique, sans doute, que celle de tous. Or le problème du nombre était résolu dans Ascension par une sorte de fuite en avant éperdue de tous les mu-siciens, donnant l’impression que chacun, sourd aux autres, jouait pour soi seul. Et cela pouvait sembler être la seule issue praticable pour une grande formation free : assaut et enchère de sons, multiplication des délires, accumulation et mise en vrac des qualités spécifiques des musiciens, la seule résultante formelle d’un tel brassage étant dès lors l’alternance des phases de flux et des phases de reflux sonore, des crescendo et decrescendo, ascensions et récessions. Frappent ici, tout au contraire, cohérence et clarté de l’ensemble, le souci de construire les rapports masse orchestrale/soliste, et ce jusque dans les moments d’éruption générale (exemple : le Preview qui oppose Pharaoh Sanders et l’ensemble de l’orchestre : une structure très précise régit leurs poussées respectives, celle d’une sorte de boogie…). Joueraient donc tout à la fois une certaine survivance de l’empreinte classique. et la prédominance de l’écrit (ou du moins du construit) sur l’improvisé (le délire de masse). Plus précisément, c’est la forme et le fonctionnement du concerto (pour piano : Taylor ; guitare : Coryell ; trombone : Rudd ; trompette : Cherry) qu’évoquent les compositions de Mantler.
Mais un “concerto free” ? Sans doute, et ce ne serait pas le moindre paradoxe de cette aventure, ou vont de pair, et comme tout naturellement, des notions réputées inconciliables : concerté-débridé, cadre-évasion, etc. Car Cherry-Barbieri, Taylor, Sanders n’ont rien perdu de leur habituelle turbulence. Et même, le fait de jouer les compositions de Mantler n’altère en rien leurs caractères spécifiques : ni le rapport au compositeur, ni le rapport à l’orchestre ne changent leur jeu, leur ordre propre. Tout se passe comme si le tissu imaginé par Mantler était à la fois assez fort pour résister à tous craquements et déchirures, assez lâche pour autoriser écarts, inventions, sauts. Une sorte de perfection, donc, d’équilibre entre l’individu et le collectif, et, à l’intérieur même du collectif, entre les invidus, dont les grands orchestres de jazz, – à l’exception de certains enregistrements de Gil Evans, Oliver Nelson, et bien sûr de ceux d’Ellington où hommage est rendu à tel musicien de l’orchestre – n’avaient que rarement approché, préférant à toute liberté surveillée carrément le plus totalitaire des régimes. Mais sans doute il était normal que ce soit le free jazz qui fasse la preuve de la compatibilité, au sein du grand orchestre, du calcul et de la liberté. Par quoi le “Jazz Composer’s Orchestra” ouvre au jazz (et non seulement au free jazz) des perspectives non négligeables. Jean-Louis Comolli

Bill Evans
Alone
Verve
Extrait de Jazz Magazine n° 179, juin 1970
10/10. I Got It Bad, Waltz For Debby, My Romance (dans “New Jazz Conceptions”), Lucky To Be Me, Epilogue, Peace Piece (dans “Everybody Digs Bill Evans”), Solo (dans “Bill Evans At Town Hall”), ce sont les très rares improvisations sans accompagnement gravées par Bill Evans depuis 1956. On aurait dit qu’il lui était difficile de se priver d’interlocuteurs. Livré à lui-même dans certains albums, il tournait la difficulté grâce au procédé du re-recording qui témoignait ainsi de son angoisse d’être seul. Tant s’en faut, cependant, que les pièces qu’on vient de citer accusent des faiblesses qui donnent raison aux répugnances du pianiste. Au contraire, il est avéré que quelques-unes d’entre elles – Epilogue et Peace Piece, tout particulièrement – sont au nombre des plus abouties qu’il ait jamais signées. Il fallait donc bien qu’un jour, il s’abandonne aux jeux de ce narcissisme qu’on lui reproche et qui est en fait ce dont il s’effraie le plus. Il fallait qu’il affronte le silence – non pas cette sorte de silence à quoi il s’était accoutumé, et qui n’est que le degré le plus apaisé de la musique, aussi plein et aussi parlant qu’elle, mais bien ce silence qui n’est que béance, menace muette ou indifférente insondable, ce silence-là dont Miles Davis, poétiquement, s’est fait un complice. Et voici “Alone” où Bill, attentif mais complètement détendu, réduit à l’impuissance les chimères du silence à force de dédain. Un autre à sa place eût peut-être donné dans le piège et fait jacasser son instrument, comme un enfant dans le noir qui parle pour halluciner sa peur. Il a préféré l’indifférence et il a trouvé la sérénité, en refusant de précipiter son débit ou de boucher à toute force les fissures obligées du discours, par où le doute aurait pu s’engouffrer. De la sorte, cet album est l’un de ses plus équilibrés et l’un de ses mieux remplis. C’est à peine si, dans A Time For Love, on parvient à soupçonner en certains tours de phrase l’envie d’une contrebasse. Partout ailleurs, il a accepté sans tricher les obligations de la solitude, finissant lui aussi par contraindre le silence à collaborer et à confesser cette musicalité qu’il aurait voulu intimider. Scellant la réconciliation de Bill Evans avec ses plus intimes pudeurs, “Alone” accomplit à sa manière une révolution de palais. Il s’avère ainsi à la fois comme le couronnement (espéré) et le rebond (inattendu) d’une œuvre qui jusqu’alors avait paru aux plus pressés des auditeurs ne présenter ni degrés, ni accidents, ni aventure. Alain Gerber

Freddie Hubbard
Red Clay
CTI
1970
Après avoir publié sept vigoureux albums hard bop pour le légendaire label Blue Note et trois autres plus commerciaux chez Atlantic, le fougueux trompettiste Freddie Hubbard est entré pendant trois jours, fin janvier 1970, dans le studio de Rudy Van Gelder pour enregistrer son premier disque pour le label CTI fondé en 1967 par le producteur américain Creed Taylor. Pour cette séance bouillonnante il est accompagné de trois anciens partenaires du label d’Alfred Lion et Francis Wolff : l’audacieux saxophoniste ténor Joe Henderson, Herbie Hancock toujours habile et malin au Fender Rhodes et l’indispensable et très sûr Ron Carter à la contrebasse et à la basse électrique. Pour compléter ce casting de trentenaires surdoués, il fait appel au batteur des sessions “Bitches Brew” de Miles Davis, Lenny White qui venait tout juste de fêter ses vingt ans. La musique écrite par Hubbard pour ce fabuleux quintette est en majeure partie modale. Elle offre de larges espaces pour développer de longs solos dynamiques d’une belle férocité. Hubbard perce les nuages et se livre à des acrobaties pyrotechniques sauvages. Henderson creuse des improvisations gorgées de groove. Hancock stimulé par une rythmique infaillible fait preuve d’une dextérité stupéfiante. Un album flamboyant de haute intensité ! Paul Jaillet
L’été dernier, au mois d’août, un(e) fidèle de la Pépite du jour nous avait parlé chaque matin d’un disque incompris, mésestimé ou oublié qui lui tenait à cœur. Retrouvez jusqu’au 3 janvier cette sélection d’un réjouissant éclectisme.
Gilles Dulin (de Saint-Rémy-de-Provence) avait choisi :
Asia
Asia
Geffen Records
1982
« C’est chez un disquaire avignonnais qui a malheureusement fermé depuis longtemps que la sublime pochette de ce disque m’a sauté aux yeux. Roger Dean bien sûr, connu pour son travail avec Yes, mais aussi avec Osibisa, Gentle Giant, Uriah Heep, Babe Ruth… Pour être honnête, je ne savais pas que messieurs Wetton, Howe, Downes et Parlmer avaient formé un groupe, ou plus précisément un “supergroup” – je croyais que la mode de ce genre de formation était passée… Ben non : l’ancien bassiste et chanteur de King Crimson, le guitariste de Yes, le claviériste des Buggles et le batteur d’Emerson, Lake & Palmer avaient donc conjugué leurs talents pour former Asia – America et Japan, entre autres, étaient déjà pris… –, et enregistrer un premier album qui avait des allures de “best of” tant la qualité de leurs neuf chansons s’élevait au-dessus de la moyenne. Je m’étais étonné, de prime abord, qu’aucune d’entre elles ne dépassent les six minutes ; après tout, ces Quatre Fantastiques étaient connus pour leurs passé prog. Mais pour cette fois, ils avaient concentré leur art dans un format pop, et il faut avouer qu’ils avaient bien fait, car on frôlait la perfection. Heat Of The Moment (dont le riff préfigure étrangement celui de Owner Of A Lonely Heart de Yes, qui sortira un an après), Time Again, Wildest Dreams, Without You, Here Comes The Feeling… : sur des harmonies et des refrains finement ciselés, la voix du regretté John Wetton n’avait peut-être jamais aussi bien transmis des émotions, tandis que ses trois compères rivalisaient d’invention mélodique et de virtuosité sans esbroufe (Steve Howe et Carl Parlmer dans Wildest Dreams !). Asia, ou l’incarnation idéale de la pop prog. »
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