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Publié le 6 Mar 2024

Blue Giant : quand le manga célèbre le jazz

L’adaptation cinématographique du manga à succès Blue Giant de Sinichi Ishizuka sort aujourd’hui en salles. Une histoire initiatique qui raconte l’ascension d’un jeune saxophoniste autant qu’une déclaration d’amour au jazz.
par Yazid Kouloughli

Tout commence sur les rives gelées de la ville de Sendai : le héros Dai Miyamoto (auquel Tomoaki Baba prête son souffle), travaille avec acharnement son instrument. Le jeune lycéen a un rêve : devenir le plus grand saxophoniste de jazz. En chemin, il fera la connaissance d’un pianiste de talent, Yukinori (mis en son par la pianiste Hiromi), qui deviendra bientôt son mentor, et formera à son tour un jeune batteur plein d’avenir, son ami d’enfance Shunji (Shun Ishikawa). Le chemin qui les mène à la reconnaissance locale puis nationale est long et rude, mais bien plus que le succès, il relève d’une quête de réalisation personnelle à la portée universelle.
L’histoire est simple (d’ailleurs, nul besoin d’avoir lu les livres pour voir cette adaptation signée Yuzuru Tachikawa) mais elle reflète fort justement le parcours de bien des apprentis instrumentistes qui, au moins pendant un temps, rêvent eux aussi d’accomplir ce beau mais vague rêve de devenir le meilleur dans leur discipline. L’enjeu d’un tel film est ailleurs : comment montrer le jazz, la passion de cette musique et la richesse émotionnelle qu’il a à offrir ?

Pour y arriver le manga à des armes. D’abord une longue tradition d’adaptation d’histoires en tout genre, du célèbre roman japonais Le dit du Genji, monument de la littérature du XIème siècle adapté par Shikibu Murasaki, Sean Michael Wilson et l’illustrateur Ai Takita Inko jusqu’aux Misérables de Victor Hugo ou au Rouge et le Noir de Stendhal, toutes les œuvres semblent s’accomoder de ce style en plein essor. Et puis il y a quelque chose dans cette quête adolescente, cette volonté d’être toujours meilleur et du dépassement de soi, central dans bien des mangas à succès, qui se marie bien avec la vie d’un apprenti jazzman.

A leur façon, les personnages soulèvent des questions récurrentes : où se situer entre tradition et innovation ? Qu’est-ce qui relève du talent ou ne peut s’obtenir que par un travail acharné ? En montrant l’évolution des trois musiciens (les répétitions, les concerts, l’écoute des disques, le rôle des clubs et de la critique musicale), par des ellipses éloquentes, le film apporte à ces questions une réponse nuancée, loin du côté stakhanoviste d’un film comme Whiplash, et donne un aperçu assez fidèle du microcosme de cette musique. Servi par une bande son de grande qualité composée par la pianiste Hiromi dans un équilibre parfait entre tradition et modernité, et un remarquable travail d’animation, depuis le détail du jeu des musiciens jusqu’à l’invisible élan de l’inspiration qui peut prendre des dimensions cosmiques, Blue Giant a réussi là où tant d’autres productions ont échoué : donner une vision à la fois sincère, précise et passionnée du jazz. Recommandé !