Gauthier Toux, le blindtest electro-jazz
A l’occasion de la sortie du premier album de son groupe Photons, le pianiste s’est prêté au jeu du blindtest a tenté de reconnaître 8 morceaux enregistrés entre 1988 et 2023. Par ordre d’apparition : nom(s) d’artiste(s), titre du morceau, titre de l’album, label et année de parution. Aux platines : Fred Goaty & Yazid Kouloughli
Herbie Hancock featuring Jack DeJohnette
Alphabeta
Future To Future
Columbia, 2001
Un duo d’américains ? Ils ont joué avec qui ? Ça pourrait être Brian Blade à la batterie… [Après avoir été informé] Non, c’est Herbie aux claviers ?! Et Jack DeJohnette à la batterie ? Je ne connais pas du tout ce disque. [En regardant les notes de pochette] Il y a plusieurs fois Carl Craig à la production, Chaka Khan, Wayne Shorter sur un morceau… Je n’aurais jamais trouvé !
Ryuichi Sakamoto & Alva Noto
Uuon I
Vrioon
Noton, 2002
Je n’ai pas beaucoup écouté Ryuichi Sakamoto mais après son décès j’ai commencé à explorer un peu plus sa musique. Depuis mes débuts et mon premier album en trio “Unexpected Things”, on m’a souvent dit qu’il y a quelque chose de cinématique dans la musique je fais, et il excellait dans ce domaine. Ça me parle beaucoup !
Léon Phal
Last Call
Dust To Stars
Heavenly Sweetness, 2022
Ah oui, Last Call de Léon ! On se reconnaît tout de suite, surtout qu’on a énormément joué les morceaux de ce disque. J’ai une très bonne mémoire et je pense que je me reconnaitrais sur tous les disques sur lesquels j’ai enregistré. Ce disque a une importance symbolique : Léon et Zacharie [Ksyk, le trompettiste de Léon Phal, NDRL] sont mes potes d’école de Lausanne, on se connaît depuis 2011, on a habité ensemble, et c’est le premier groupe que j’ai eu qui a vraiment tourné. On a enregistré cet album pendant le Covid, la sortie n’a eu lieu qu’en 2021 pendant l’été où les musiciens français étaient les seuls à vraiment tourner, c’est là que j’ai appris à connaître les frères Belmondo qu’on croisait beaucoup, et on a énormément joué ce répertoire.
Frédéric Galliano
Espaces Baroques
Plis infinis n°4
F Communications, 1997
Ca pourrait être Jeff Mills avec ces programmations superposées… En tous cas c’est les années 1990 non ? Ce ne sont pas des Américains. C’est français ? [Après avoir été informé] Je ne connaissais pas. Ah il y a Stéphane et Lionel Belmondo sur le disque ! Ils m’ont parlé de ce musicien. J’ai situé très vite l’année parce qu’aujourd’hui on traiterait beaucoup plus les boîtes à rythme. A l’époque de ce morceau, c’était les boîtes à rythme Atari qui donnent tout de suite un côté années 1990, mais ce n’est pas rédhibitoire ! J’écoute Marshall Jefferson, ou J Dilla dans le hip-hop et j’adore ça. C’est d’ailleurs une période qui revient beaucoup à la mode. Très bonne découverte !
Raphaël Pannier
Take Peace
Letter To A Friend
French Paradox, 2023
Le son, la façon dont s’est enregistré : ça c’est récent ! C’est le batteur Raphaël Pannier ? Je reconnais Miguel Zenon et avec c’est… Acid Pauli ! J’ai entendu parler de ce disque. Ça m’avait intrigué que Raphaël Pannier fasse un disque avec ce producteur electro de Berlin alors qu’a priori ça n’est pas trop sa culture, le processus d’enregistrement avec des allers-retour entre les instruments acoustiques et le travail d’Acid Pauli est très intéressant. J’ai écouté une partie du disque et j’ai beaucoup aimé, déjà parce que Raphaël est un batteur monstrueux, et le résultat est super. Peut-être qu’il y a quelques années, un batteur comme lui ne serait pas allé vers les musiques électroniques…
Jungle Brothers & De La Soul
I’ll House You
Straight Out Of The Jungle
Idlers, 1988
C’est les années 1990 aussi ? [On précise que ces la fin des années 1980] Ça me rappelle beaucoup le “House Anthem” de Marshall Jefferson. Ce morceau me fait penser à la démarche qu’aura plus tard DJ Mehdi, et le documentaire que vient de lui consacrer Thibault de Longeville parle beaucoup de la façon qu’il a eu de casser les codes du rap et de l’electro, surtout en Europe où les clubbers ne savaient pas toujours que la house était une musique noire-américaine. Une partie de la musique que je fais vient aussi de morceaux comme celui-là.
Carl Craig
Televised Green Smoke
More Songs About Food And Revolutionnary Art
SSR Records
1997
Sa façon de programmer ses machines montre que le meilleur de la house, et même la très bonne techno, ça swingue de fou, et ça groove tout le temps ! Ça n’est pas que le kick qui m’intéresse mais aussi tout ce qu’il se passe autour. Il y a un côté très contemplatif dans cette musique. Ce ne sont pas des sons très “club”, c’est plus des choses qu’on entendrait dans le funk et la disco des années 1970.
Nils Petter Molvær
Framework 2
Stitches
BMG, 2021
Ça c’est européen, c’est sûr ! J’ai l’impression que ça n’est pas très récent d’après la production. C’est Nils Petter Molvær ? On a bossé ensemble avec For A Word, et on a joué sur scène avec lui à l’époque de la sortie de ce disque. Le Covid ne nous a hélas vraiment pas aidé, mais c’était génial, et j’adorerais collaborer de nouveau avec lui et faire de l’impro ensemble, lui avec sa trompette et ses effets et moi avec mes synthés. On verra !
Photo © Elisa Ramirez : Photons au grand complet, avec de gauche à droite Gauthier Toux, Julien Loutelier, Samuel F’hima et Giani Caserotto.
L’interview exclusive de Gauthier Toux sur son nouveau groupe Photons, ses amours electro et sa passion intacte du jazz, c’est dans le n°766 de Jazz Magazine, en kiosque dès maintenant et en vente sur notre boutique en ligne !