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Publié le 20 Jan 2024

Michel par Petrucciani, épisode 15

Michel Petrucciani nous a quittés le 6 janvier 1999. Chaque jour jusqu’au 25 janvier, date de la sortie du nouveau numéro de Jazz Magazine dont il fera la Une, retrouvez en vingt épisodes la vie incroyable de ce pianiste hors norme, telle qu’il l’avait racontée à Fred Goaty à l’été 1998.

« J’ai eu beaucoup d’aventures, je reste rarement plus de cinq ans avec la même femme. Au bout d’un moment je m’ennuie. J’ai besoin de renouveau, toujours. D’une émotion nouvelle. J’en souffre éperdument. C’est aussi pour cela que je crée sans cesse des nouveaux groupes, que je bouge tout le temps. Dès que je sens poindre la routine, je m’emmerde, je me tape la tête contre les murs. Pourtant, écrire des chansons m’excite toujours – je dis “chansons”, pas “thèmes”, ni “morceaux”. Je ne suis jamais blasé, mais au bout d’un moment je m’ennuie de tout. Paradoxalement, je suis très fidèle en amitié, j’ai des amis de vingt ans. J’ai besoin de ça, mais mon coeur me dit autre chose. Ma tête me dit « Arrête ! », mais mon cœur me souffle « Moi, je ne peux pas vivre autrement… » J’aime toutes les femmes… Louis Armstrong disait : « Je me suis marié sept fois et je les aime toutes ! » Je garde une forte amitié pour celles avec qui j’ai vécu. Je vois la mère de mon fils, Alexandre, presque tous les jours. En juillet 1986, j’ai enregistré “Power Of Three”, mon deuxième disque pour Blue Note, avec le guitariste Jim Hall et le saxophoniste Wayne Shorter. Il y a là un son nouveau, j’aime l’originalité qui s’en dégage. Un trio guitare-piano-saxophone, ça ne s’était encore jamais fait ! Je considère Wayne Shorter comme un des plus grands compositeurs du XXe siècle, et je trouve très flatteur qu’il soit dans un de mes disques. Jim, j’ai adoré travailler avec lui. Ce disque reste pour moi une pièce de collection, et une rencontre exceptionnelle. Les titres de mes albums, c’est presque toujours moi qui les impose, c’est peut-être le seul truc que je regarde avant l’argent ! Quand je signe un contrat, j’exige une totale liberté quant aux titres de mes disques ! Il n’empêche que le super titre de “Power Of Three”, ce n’est pas moi qui l’ai trouvé, c’est Wayne. Wayne est un fan de science-fiction, et il était en train de lire un livre qui s’appelait Power Of Three. Il a simplement dit : « Tiens, ça, c’est nous, power of three ! » Wayne est très particulier, il faut arriver à le comprendre pour pouvoir le suivre. Il plane… Quand il raconte des histoires drôles, il est souvent le seul à rire : personne ne les comprend. » (À suivre.)