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Publié le 7 Jan 2024

Michel par Petrucciani, épisode 2

Michel Petrucciani nous a quittés le 6 janvier 1999. Chaque jour jusqu’au 25 janvier, date de la sortie du nouveau numéro de Jazz Magazine dont il fera la Une, retrouvez en vingt épisodes la vie incroyable de ce pianiste hors norme, telle qu’il l’avait racontée à Fred Goaty à l’été 1998.

« Quand je me suis retrouvé devant ce piano rapporté de la base aérienne où travaillait mon père, ma mère a dit qu’il fallait que je prenne des cours de musique classique. J’ai donc commencé par la méthode Rose, très connue en France et dans le monde pour apprendre le piano aux enfants – il y a des petits chats, des souris… J’ai “massacré” deux professeurs, parce que j’allais trop vite et que j’étais impertinent. Je les ai épuisés ! C’est plus tard, quand nous sommes arrivés à Montélimar, que j’ai eu MON professeur de piano, Madame Jacquemart. Elle ve nait de Paris, et avait dû arrêter sa carrière de concertiste. Elle m’a enseigné le piano pendant une dizaine d’années. Nous nous sommes souvent bagarrés, mais elle avait du peps. J’avais déjà ma vision de la musique, même pour le classique, que j’entendais à ma façon. J’ai toujours pris la musique au sérieux. Si je voyais mon prof lire ou penser à autre chose, je me mettais en colère ! J’interprétais les oeuvres classiques à ma façon, avec un son, un tempo différents. On me rétorquait que ce n’était pas comme ci, mais plutôt comme ça, et moi je répondais : « Je l’entends comme ça, et ne me faites pas chier ! » J’avais un petit circuit de voitures électriques, un Circuit 24, et un jour Madame Jacquemart m’a dit : « Au lieu de jouer avec ça, tu ferais mieux de travailler ton piano… D’ailleurs, avec ton sacré circuit, j’ai filé un bas… » Je lui ai envoyé : « Avec le pognon que vous file mon père, vous pourriez bien vous en payer une autre paire… » J’avais 8 ans ! J’ai toujours été comme ça… Ça vient peut-être du fait que je suis handicapé, petit, que je ne peux pas marcher. C’est une forme de défense. On est sur la défensive quand on est différent. Les cours de piano classique, c’était une heure par semaine. Mais avec mon père, c’était tous les jours, jazz et classique. Ma mère supervisait… Côté musique, elle avait pris mes frères moins au sérieux, elle était davantage préoccupée par leur scolarité. Moi, c’était la musique. Côté scolaire, j’avais un prof qui venait deux ou trois fois par semaine à la maison. Ça n’allait pas du tout : mauvais profs, pas de concurrence avec d’autres élèves… Ces profs à domicile finissaient par partir, parce que ça n’allait jamais entre nous. S’ils restaient, c’est parce que je les avais complètement amadoués – certains allaient même jusqu’à faire mes devoirs…

(À suivre.)