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Publié le 7 Déc 2017

Régis Huby crée The Ellipse

Et si le monde ne se réduisait pas à Jean d’Ormesson, Donald Trump et Johnny Hallyday comme les médias de tous poils si attachés à la notion de diversité, Service public en tête, ont tenté de nous le faire croire ces dernières 48 heures ? Rendez-vous ce 7 décembre au Théâtre 71 de Malakoff à 20h30 pour la première de The Ellipse du violoniste et compositeur Régis Huby. Jazz Magazine assistait hier à la répétition générale.

Détaillons d’abord le personnel, sa déclinaison n’est pas anodine :

Régis Huby (violon, composition), Guillaume Roy (violon alto), Atsushi Sakaï (violoncelle), Guillaume Séguron (contrebasse à archet), Matthias Mahler (trombone), Joce Mienniel (flûte), Jean-Marc Larché (saxophone soprano), Catherine Delaunay (clarinette soprano), Pierre-François Roussillon (clarinette basse), Marc Ducret (guitare électrique), Pierrick Hardy (guitare accoustique), Bruno Angelini (piano, piano électrique Fender-Rhodes, électronique), Illya Amar (vibraphone), Claude Tchamitchian (contrebasse), Michele Rabbia (percussions, électronique), Sylvain Thévenard (ingénieur du son).

Où l’on devine d’emblée la structure rhizomique qui tient ce grand ensemble en assurant la nourriture réciproque de ses différentes colonisations antérieurement identifiées et plus ou moins excentrées (Quatuor Ixi et Equal Crossing, Bruno Angelini Quartet, Yves Rousseau Quartet…). L’écriture de Régis Huby y fouille un terreau fertile qu’il enrichit par cette fouille même de projet en projet. On est d’emblée saisie par cette sonorité tout à la fois compacte et composite qui s’apparente en premier lieu à une extension orchestrale d’Equal Crossing. On y retrouve cette dimension “répétitive” que l’on se refuse à réduire à cela et à qualifier de minimaliste, tant la brièveté de la boucle se superpose à des gestes d’écriture plus ample. Tout est ici dans le chatoiement des superpositions, des timbres, des motifs mélodiques, des rythmes (jusqu’ici et là à ce vertige évoquant l’effondrement apparent des polyrythmies des tambours batas, sans qu’aucune intention d’imitation exotique ne paraisse), d’écriture et d’improvisation, celle-ci s’injectant par petites touches individuelles ou collectives dans la trame écrite ou s’invitant sur le mode du développement soliste et sur le terrain de la performance quasi “sportive” propre au jazz, souvent d’ailleurs par paire, entre dialogue et joute : Hardy-Amar, Minniel-Tchamitchian, Ducret-Delaunay, voire une grande collective d’un Quatuor Ixi où Théo Ceccaldi (initialement prévu) aurait cédé son pupitre de violon à la contrebasse à archet de Guillaume Séguron. Un rôle où ce dernier, interrogé au sortir du concert, se refuse à se laisser réduire tant il joue dans ce projet un rôle d’électron libre, très partagé, semble-t-il, où les rôles sont portés d’un pupitre à l’autre par une grande fluidité des fonctions.

Alors ce foisonnement vous a des allures de forêt, des « hautes branches de l’aurore à l’ombre des buisons », connaissant des éveils tendres et des nocturnes sanguinaires, des épanouissements grandioses et des effrois terribles, des rendez-vous lumineux et des égarements étourdissants, où la répétition du même, plié, déplié, replié et redéplié, dans une sorte d’infini qui fait la cohésion de cette grande œuvre, en fait aussi la diversité inextricable et passionnante. • Franck Bergerot