Le sextette ASYNCHRONE qui signait en septembre dernier un hommage aussi fidèle que personnel à Ryuichi Sakamoto présentera le répertoire de “Plastic Bamboo” le 29 mars au café de la danse. Le claviériste et maitre-ès machines Frédéric Soulard à répondu à nos questions.
Ryuichi Sakamoto est de ces musiciens dont seule une petite partie de l’œuvre est vraiment connue. Par quel versant l’avez-vous découvert ?
Ça m’a interpellé aussi : à part la bande-originale de Furyo [film de 1983 réalisé par Nagisa Oshima, NDR], quelques collaborations avec Bernardo Bertolucci et des tubes du Yellow Magic Orchestra, sa carrière solo, pleine de musique passionnante, est surtout connue dans le milieu de la musique électronique, dont je viens en partie pour avoir travaillé avec des artistes d’electro un peu “arty” comme Joakim, Chloé. C’est grâce à eux que j’ai découvert Sakamoto il y a quinze ou vingt ans : on s’intéressait à ses sons de synthés, il était samplé par beaucoup de gens…
Le groupe Asynchrone et le projet d’hommage à Sakamoto a commencé bien avant sa disparition en 2023. Quel est sont point de départ ?
J’avais un duo avec Clément Petit et je lui ai proposé une vieille idée de groupe mêlant musiciens électroniques et “vrais” improvisateurs, inspiré de Ryuichi Sakamoto, pour faire connaître sa musique en France, peut-être proposer une autre manière de l’écouter mais aussi souligner sa patte de producteur. On s’est entouré de personnalités bien trempés et l’énergie créative du groupe naît de certaines oppositions, mais en allant les uns vers les autres comme Sakamoto a été à la rencontre d’autres cultures : Delphine Joussein fait vraiment de la noise free, Manuel Peskine fait presque du neo-classique, Vincent Taeger est associé à la french touch… Je voulais laisser une liberté à ceux qui viennent du jazz mais aussi voir comment cette rencontre pouvait être créative. C’était une façon de relancer un débat sur la musique de Sakamoto, de proposer un discours sur cette Asie qui fantasme l’Europe dont Ryuichi Sakamoto, fan de Claude Debussy comme de Kraftwerk, est un représentant, avec un regard unique sur le romantisme européen. On a fait un premier concert à Banlieues Bleues en 2022 où Jan Bang nous avait remixés – j’avais adoré le résultat ! On a pris des libertés avec la musique car elle mène à beaucoup d’endroits.
Asynchrone au complet : en rouge, Hugues Mayot, saxophone ténor et clarinette basse, Delphine Joussein, flûte, Vincent Taeger, batterie , Frédéric Soulard, synthétiseurs, boîtes à rythme et machines, Manuel Peskine, piano et Clément Petit, violoncelle. Photo : X/DR
Comment avez vous abordé et intégré l’univers sonore synthétique de Ryuichi Sakamoto ?
Il a été un grand développeur de synthétiseurs, avec Dave Smith, la marque Sequential Circuits, et les firmes japonaises comme Roland, il a été un des premiers a avoir utilisé la TR-808 [célèbre boîte à rythme de la marque, NDR], et il se faisait même fabriquer des sampleurs uniques, comme pour l’album “Technodelic” du Yellow Magic Orchestra. Il maniait tout ça avec une virtuosité incroyable, c’était un producteur de génie. Je voulais que les machines s’intègrent au groove au point qu’on ne sait plus qui fait quoi entre électronique et batterie, et aussi pour que ça reste “souple”, sans raidir tout le groupe. Quitte à simplifier certaines choses en live pour laisser plus de place au groupe, notamment pour le batteur.
Comment voyez-vous l’avenir d’Asynchrone au-delà de ce premier album hommage, et qu’en restera t-il dans la musique que vous ferez ensuite ?
Pour moi c’était un projet “de cœur”, j’étais hyper content d’avoir le loisir d’approfondir ma connaissance de la musique de Ryuichi Sakamoto, mais on a aussi monté ce groupe pour passer de bons moments tous ensemble. On a trouvé notre esthétique, une couleur krautrock façon Can ou Neu, ce côté pop et jazz à la fois, facile à écouter, et ce premier disque nous a donné un élan pour la suite !
Au micro : Yazid Kouloughli
A écouter : “Plastic Bamboo” (No Format, Choc Jazz Magazine)
Photo d’ouverture © Marikel Lahana
En concert le 29 mars au Café de la Danse à Paris : cliquez pour réserver !