The Police, walking in your box set
Enfin ! “Synchronicity”, chef-d’œuvre de The Police millésime 1983, est réédité en coffret Super Deluxe. Visite guidée exclusive.
Par Fred Goaty
Entre octobre et novembre 1982, tandis que sur notre platine tournait encore en rotation lourde “Ghost In The Machine”, le quatrième album de The Police, nos Beatles à nous, ados des années 1980 et enfants des années 1970, Sting travaillait déjà à son successeur aux Utopia Studios de Londres. Avec Andy Summers à la guitare et Stewart Copeland à la batterie ? Non. Tout seul. Avec sa basse, une guitare, son saxophone, des synthétiseurs et une boîte à rythmes. Le génie du songwriting ? Il était en option, mais il l’avait prise dès le premier album du trio au sein duquel il s’imposa d’emblée comme l’auteur et le compositeur principal : Roxanne, ça vous dit quelque chose, non ? Et comme si Walking On The Moon, Message In A Bottle, Don’t Stand So Close To Me, Driven To Tears, Every Little She Does Is Magic ou encore Demolition Man ne suffisaient pas, il avait encore trempé sa plume dans l’encre d’or et mis en forme dans sa solitude créative – avec l’ingénieur du son Pete Smith – Synchronicity I et II, Walking In Your Footstep, Murder By Numbers et les quatre merveilles qui feront de la seconde face de “Synchronicity” (titre inspiré par le livre Carl Jung, Synchronicity: An Acausal Connecting Principle) un sommet de perfection pop inégalable et inégalé : Every Breathe You Take, King Of Pain, Wrapped Around Your Fingers et Tea In Sahara.
Ces démos passionnantes et impressionnantes de maîtrise musicale figurent dans le coffret récemment parvenu dans les bureaux de Salon de Muziq ; il porte fort logiquement le même titre que le 33-tours original cité plus haut. C’est la première fois qu’un disque de The Police bénéficie d’un traitement “Super Deluxe”, et il faut le dire haut et fort : ce magnifique coffret au design très réussi est du niveau de ceux publiés ces dernières années par les membres survivants ou les estates de Led Zeppelin, Prince, King Crimson ou The Band. Son contenu est d’une telle richesse qu’il en a modifié profondément la perception qu’on avait de cet album qui, en son temps, nous fascina dès la première écoute, par l’énergie que dégageait la première face et le côté envoûtant de la seconde, que d’aucuns considèrent comme l‘a première l’épisode 1 des aventures en solo de Sting – ce qui revient à faire fi de la grandeur de ses deux compères et à négliger la singulière alchimie qui unissait ces trois fortes, très fortes personnalités dont la créativité semblait être en permanence alimentée par la tension créative qui régnait entre elles.
Le CD 1 contient les dix chansons du 33-tours original, plus Murder By Numbers, face b du 45-tours d’Every Breathe You Take qui fut ajoutée au track listing dès la première version CD de “Synchronicity” [et sur la cassette, nous informe un lecteur attentif habitué du Salon de Muziq, NDLR]. (On se souvient que Sting, en 1988, fut invité à chanter Murder By Numbers sur scène par Frank Zappa, et qu’il en garde un souvenir ému : nous aussi, puisqu’elle figure dans “Broadway The Hard Way” du Génial Moustachu, pour lequel Sting avait beaucoup d’admiration.)
Le CD 2 s’attarde via treize pistes sur les nombreuses faces b d’époque, entre inédits (I Burn For You, Someone To Talk To, la miraculeuse Once Upon A Daydream, qui aurait largement mérité d’être sur l’album), versions instrumentales, revisitées (Every Bomb You Make, entendue en juin dans un épisode de la série télévisée satirique Spitting Image) et live (Message In A Bottle, Walking On The Moon, Wrapped Around Your Fingers…).
Les CD 5 et 6 sont occupés par le concert du 10 septembre 1983 donné par le trio au Oakland-Alameda County Coliseum. La set list est un concentré d’histoire : celle d’un groupe au sommet de son art.
Nous avons gardé le meilleur pour la fin avec les CD 3 et 4, qui à travers trente-six inédits nous ont fait voir autant de chandelles (sinon plus). C’est là que l’on plonge au cœur de la création, grâce à la présence de plusieurs versions pour chaque chanson (alternates, instrumentales, et bien sûr les démos enregistrées par Sting à l’automne 1982). Dans d’autres coffrets, la profusion de démos et autres alternate takes est là pour faire le nombre mais, ici, l’affaire est toute autre : chaque chanson de l’album original est à l’honneur, et de la version très electro pop de Murder By Numbers à l’alternate de Mother, folie kingcrimsonio-captainbeefheartienne d’Andy Summers en passant par l’extended version de Synchronicity II, on ne sait presque plus où donner du tympan tant la diversité est grande et les surprises abondent, jusqu’à ces deux renversantes versions de Oh My God (plages 7 et 8), la première hyper funky – les admirateurs de Stewart Copeland vont tomber de leur chaise –, le seconde sertie de la partie de synthés que Sting utilisera finalement pour Walking In Your Footsteps.
Enfin, impossible de ne pas souligner la qualité du livret de 62 pages, illustré par de très nombreuses photos et une quantité pas moins impressionnante de pochettes rares (33-tours, 45-tours, maxi 45-tours…). Qualités visuelles et graphiques auxquelles répond l’excellence de l’essai signé Jason Draper, qui a fait parler les trois policemen pour revenir sur ce quinquennat de règne pop conclu avec la sortie de “Synchronicity” et la tournée mondiale qui la suivit – votre humble serviteur a eu le bonheur de voir le trio au Vélodrome de La Cipale, à Vincennes, le 21 septembre 1983… Mais comme dit Sting, « Je pense que nous avons fini au sommet, notre légende est intacte… Ça ne pouvait pas être mieux que ça ». Pour The Police, non, mais pour Sting, quelques grands épisodes furent ajoutés à cette saga musicale. Mais c’est une autre histoire…
Voilà, on attend désormais des coffrets aussi réussis pour les quatre autres albums de The Police et, dans la foulée, ceux de Sting. D’avance merci. Mais en attendant, vous l’aurez compris : celui-ci est indispensable.
COFFRET The Police : “Synchronicity” (6 CD A&M Records / Universal, sortie le 26 juillet). Une enveloppe contient quatre tirage N&B à encadrer. La version 4 LP ne contient pas le live à l’Oakland-Alameda County Coliseum ; la double CD contient l’album original plus le live à l’Oakland-Alameda County Coliseum. Un picture disc en édition limité sera également disponible.