Le Salon de Muziq
Publié le 4 Sep 2025

Van Halen, quand ça “Balance”

Un an après “For Unlawful Carnal Knowledge”, la campagne de rééditions “Expanded And Remastered” des albums de Van Halen continue avec “Balance”, cru 1995 avec Sammy Hagar au micro. Julien Ferté est retourné trente ans en arrière.

Au mitan des années 1990, cela faisait déjà dix ans que Sammy Hagar avait remplacé David “Diamond Dave” Lee Roth dans le groupe fondé par les frères Van Halen, Eddie et Alex. Les débats faisaient rage – et le font encore aujourd’hui sur les réseaux sociaux ! – sur la meilleure incarnation du groupe : celle avec D.L.R. le frontman sexy-rigolo-décalé ou S.H. le fort en gueule républicain toujours prêt à sauver le monde ? Personnellement, et à l’image, je crois, d’un grand nombre de boomers européens, “mon”/“notre” Van Halen est – et restera – celui des années 1978-1984 ; ce qui ne m’empêche pas d’aimer avec au moins autant d’enthousiasme sa version, disons, encore plus américano-américaine, souvent surnommée “Van Hagar”.
Mais venons-en à l’opus X de Van Halen, “Balance”, dont je découvre avec ravissement – merci l’Académie Tangentielle ! – la réédition grand luxe “Expanded And Remastered”.

Inspirée par un film d’Ingmar Bergman de 1957 (Le Septième Sceau), la première chanson de “Balance”, The Seventh Seal, était d’une noirceur un rien mystique – ah !, ces voix de moines tibétains en plein chanting – plutôt inattendue pour un groupe comme Van Halen. Sur un tempo galopant évoquant celui d’Achille Last Stand de Led Zeppelin (influence majeure), elle déroulait ses fastes soniques avec certaine majesté ; mais à peine étions-nous remis de nos émotions que l’on retombait en terrain plus balisé avec Can’t Stop Loving You et son refrain pop-rock ; idem pour Don’t Tell Me (What Love Can Do), plus convaincante grâce à son riff sombre et grinçant, et son groove terrien.
L’ombre de Led Zeppelin se remettait à planer sur Amsterdam, à laquelle succédait la très honky-zinzin Big Fat Money, marquée par un ahurissant solo du regretté funambule de la six-cordes. Not Enough était étonnant de tendresse, avec piano romantique, violons du bal et, en prime, encore une fois, un solo mémorable d’E.V.H.
Aftershock nous avait laissé de marbre et c’est toujours le cas, contrairement à Take Me Back (Déjà Vu) et Feelin’, variations mid tempo – hormis l’emballement final de Feelin’ et le solo fou d’ E.V.H. – que Sammy Hagar chantait avec son habituelle conviction virile savamment nuancée.
Si nous avons gardé Strung Out, Doin’ Time et Baluchitherium pour la fin, c’est parce que ce sont trois instrumentaux hors norme dont on ne se lasse pas. Le premier est un délire pianistique avant-gardiste joué par Eddie Van Halen avec un marteau, une scie et l’argenterie du ménage ; le second un solo de batterie d’Alex Van Halen augmenté d’effets électroniques et enregistré un jour de solitude au fameux 5150 Studio, et qui rappelle un peu, tiens donc, Bonzo’s Montreux, l’instru posthume et culte de feu le batteur de Led Zeppelin, John Bonham ; Baluchitherium aurait dû être chanté mais Sammy avait piscine, et passa son tour, aussitôt remplacé par Sherman, le Dalmatien d’Eddie Van Halen, tout à fait à l’aise au micro – sur lequel son maître avait fixé un hot dog.
Ces trois instrumentaux faisaient aussi le sel d’un album globalement très réussi qui, deux mois après sa sortie en janvier 1995 devint Disque de Platine aux États-Unis, prouvant au passage qu’un groupe de hard-rock “à l’ancienne” pouvait résister au tsunami grunge.

Trente ans après, voici donc que cette version “Expanded And Remastered” fait durer le plaisir grâce à trois pépites (certes déjà présentes dans le CD “Studio Rarities 1989-2004” du coffret “1986-1996” paru en 2023). Deux chansons d’une qualité égale voire supérieure à celles de “Balance”, Humans Being (extrait de la bande son du blockbuster Twister de 1996) et Crossing Over (face b de Can’t Stop Loving You qui aurait largement mérité d’être la face A !), et un instrumental tout à fait fascinant et émouvant, Respect The Wind (également tiré de la bande son de Twister), où Eddie Van Halen se révèle sous un jour inhabituel, moins flashy, plus habité, émouvant, et pour tout dire un rien jeffbeckien.
Sur le même CD figurent huit morceaux live gravés enregistré au Wembley Stadium de Londres le 24 juin 1995, dont un Guitar Solo (énième variation d’Eruption) du Live At Wembley Stadium enregistré à Londres le 24 juin prouve, si besoin, était, que, malgré ses innombrables imitateurs – auxquels ont hélas succédé un nombre délirant de clones défilant en boucle sur You Tube –, que seul Eddie Van Halen pouvait vraiment jouer comme Eddie Van Halen.

Alex, Sammy, Eddie et Michael.

Sur le blu-ray, vous trouverez six promo videos des singles de l’album, ainsi que Humans Being et The Seventh Seal (seulement l’intro, chantée live à Minneapolis par les moines tibétains cités plus haut). Le beau livret ne contient pas de liner notes mais des photos et de la memorabillia. Et, bien sûr, si vous souhaitez retrouvez les frissons into the groove du vinyle, il y est itou !
Alors, quel sera le prochain coffret “Expanded And Remastered” ? “5150” ou “OU812” ? Sans doute faudra-t-il en finir avec la période Van Hagar avant de revivre les grandes émotions des années 1978-1984… Patience !

COFFRET Van Halen : “Balance  – Expanded And Remastered” (Warner Records / Rhino, déjà dans les bacs, également disponible en double CD).
Photos : Glenn Wexler (Rhino Warner Music), X/DR.