Concert
Publié le 19 Oct 2023

Yoann Loustalot : CD “choc” – Concert “Choc”

Ce 19 octobre, Yoann Loustalot présentait hier au Studio de l’Ermitage à Paris le programme révélé par son disque “Oiseau Rare”, “Choc” dans les pages de notre numéro d’octobre. Trompette, piano et quatuor à cordes.

Je ne vais pas refaire la chronique de ce disque auquel j’ai moi-même attribué un “Choc” dans nos pages papier d’octobre. Certes, je pourrais avoir été déçu par le concert. C’est souvent le contraire qui se produit, la présence physique des musiciens, la magie du “moment-concert” opérant un charme et suscitant une forme d’indulgence, surtout si le disque a été enregistré avant que le groupe n’ait tourné, et n’ait donc rodé son programme. Mais on peut aussi imaginer que le disque soit un leurre, le masque d’une musique qui n’a pu advenir que par un sauvetage en studio d’une musique que l’artiste est incapable de faire advenir une fois démuni des sortilèges l’électro-acoustique.

Rien de tel ici. Le disque méritait son “Choc” et la musique tient d’autant plus ses promesses sur scène qu’elle n’est pas un produit de studio mais une œuvre vivante, une performance avec tous les risques et les fragilités que cela comporte, une expérience humaine et collective, le Studio de l’Ermitage étant par ses dimensions et son acoustique un lieu idéal. Rappelons-en les interprètes, outre Yoann Loustalot alternant bugle et trompette : Julien Touéry au piano, toujours admirable, Marie-Violaine Cadoret (violon) et Cécile Grenier (violon alto) ardemment impliquées, Atsushi Sakai (violoncelle, seul de ces cordes à se voir confier un solo improvisé, et depuis qu’on l’a entendu au sein du Quatuor IXI l’on sait la “bravoure” qu’il y met lorsqu’il y est invité), Ivan Gélugne enfin, remplaçant le contrebassiste Mátyás Szandai dont ce disque porte le deuil.

Outre ce que l’on sait déjà des qualités de trompettiste de Yoann Loustalot, j’ai retrouvé ce que j’ai aimé de cette écriture en rédigeant ma chronique : loin de l’usage qui est fait généralement des cordes, ce que l’on pourrait qualifier de “tartinage à la confiture” ou de “glaçage au sucre”, surtout de la part de musiciens décidant d’y recourir sans aucune expérience de ce type d’écriture ce qui était le cas de Loustalot, ce dernier fait preuve ici d’une fertile imagination dans l’usage des voix individuelles, associées en homophonie ou dissociées, introduites comme un dramaturge fait entrer et sortir les personnages d’un pièce de théâtre en fonction des situations dramatiques. Chacun de ces morceaux constitue un authentique récit, sur des couleurs automnales dominantes, et à en redécouvrir l’ensemble je me demande quelle “pillule qui arrondit les angles” j’avais pu absorber en rédigeant ma chronique pour écrire « une tradition remontant plutôt à Fauré qu’à Bartok », car, si cette comparaison a un sens, ce serait plutôt l’inverse qui s’imposait à mon écoute d’hier. On est en tout cas moins des salons parisiens du 19e que dans cette Mitteleuropa dont les cordes, entre tournures héroïques et épanchement romantique, empruntèrent souvent, de façon plus ou moins distante, leur mélange d’âpreté et de légèreté à l’héritage des musiques populaires. Franck Bergerot