Jazz live
Publié le 22 Août 2023

Première Edition du Serre Chevalier Summer Jazz Festival – 16 au 19 août 2023

Serre Chevalier Summer Jazz Festival par Lionel Eskenazi

La première édition du Serre Chevalier Summer Jazz Festival a été une réussite. Un public très attentif et débordant d’enthousiasme, curieux de découvrir des musiques à la fois exigeantes et accessibles à tous. Une organisation parfaitement maîtrisée avec des concerts dispatchés sur quatre communes de la vallée de la Guisane, perchées à 1500 m d’altitude : Le Casset, Le Monêtier-Les-Bains, La Salle-Les-Alpes et Saint Chaffrey. Des concerts entièrement acoustiques dans des églises magnifiques chargées d’histoire (celle de La Salle-Les Alpes a été construite au XII ème siècle) et des concerts sonorisés dans la salle du Dôme de Monêtier-Les-Bains où trônait un magnifique Steinway.

Avant de rentrer dans le détail des concerts, je voudrais revenir sur la genèse (plutôt singulière) de ce festival pas comme les autres.

Le gîte « Le Rebanchon » au Casset

Tout est parti d’un lieu magique « Le Rebanchon » dans la commune du Casset dans les Hautes-Alpes, un formidable gîte de montagne pour randonneurs tenu par Charléric Gensollen. Le clarinettiste et compositeur Louis Sclavis, grand amoureux de la montagne, a découvert ce gîte par hasard  en 2015, l’année de son ouverture. Un autre musicien, fou de montagne, Jean-Jacques Di Tucci, pianiste, compositeur dans le domaine de la musique contemporaine et directeur du conservatoire de Sète, séjourne lui aussi souvent au Rebanchon. Louis Sclavis et Jean-Jacques Di Tucci, qui ne se connaissaient pas, ont très vite sympathisés et ils ont formés un clan amical et soudé avec le maître des lieux Charléric Gensollen, qui en tant que président des commerçants de la vallée de Serre Chevalier, connaît tous les maires, les politiciens et les gens influents de la région. L’idée d’organiser un festival qui valorise ce territoire géographique exceptionnel a vite germé dans la tête des trois amis et dès l’été 2022, la programmation était faite, les différents lieux trouvés, ainsi que les différents partenaires et sponsors pour pouvoir démarrer la première édition en août 2023.

Une édition qui a démarré forcément au Casset, le 16 août par un concert gratuit en solo de Louis Sclavis dans l’église du village, devant une centaine de personnes composées de locaux, des différents partenaires, mais aussi de touristes-marcheurs, tous ravis de la performance improvisée du clarinettiste français.

Le Quartet de Louis Sclavis – Photo : Lionel Eskenazi

Le 17 août, Louis Sclavis redonnait un concert acoustique dans une église, mais cette fois-ci dans le village de Saint-Chaffrey et avec son formidable quartette « Les Cadences du Monde », composé des violoncellistes Anna Luis et Bruno Ducret ainsi que de l’impressionnant percussionniste Keyvan Chemirani (spécialiste du zarb et du daf). Un quartette tout à fait singulier, sans piano, basse et batterie, où les deux violoncellistes, au jeu très différents et complémentaires, tiennent à la fois des rôles mélodiques, harmoniques et rythmiques !

La journée du 18 août fût nettement plus chargée avec trois concerts dans deux lieux différents.

Le Trio de Vincent Courtois – Photo : Lionel Eskenazi

Tout d’abord le Trio du violoncelliste Vincent Courtois entouré des saxophonistes Daniel Erdmann et Robin Fincker dans la magnifique église de La Salle-Les Alpes. Un concert envoûtant et parfaitement maîtrisé sur un répertoire passionnant inspiré par les écrits de Jack London. Vincent Courtois et ses acolytes nous ont élevé l’âme et nous planions beaucoup plus haut que les 1500 m d’altitude indiqué sur le panneau de la commune !

Benjamin Moussay – Photo : Lionel Eskenazi

Puis il a fallu se rendre dans la ville un peu plus importante du Monêtier-le-Bains, dans la salle du Dôme, où Benjamin Moussay (lui aussi un fou de montagne !) nous a offert un très émouvant concert de piano solo autour de son projet « Promontoire ». A signaler qu’au départ c’est le pianiste Denis Badault qui devait jouer ce concert en piano solo. Malheureusement, il a été atteint par une sale maladie foudroyante qui lui a été fatale (il est mort le 24 juillet dernier). Benjamin Moussay connaissait bien Denis Badault et à la fin de son très beau concert, il lui a rendu un hommage particulièrement émouvant en interprétant une composition de Badault intitulée A Plus Tard (un titre prémonitoire ?).

Papanosh – Photo : Lionel Eskenazi

Après Benjamin Moussay, ce fût au tour du quintette rouennais Papanosh (Sébastien Palis, Quentin Ghomari, Raphaël Quenehen, Thibault Cellier et Jérémie Piazza) de donner du plaisir au public du Dôme. Après Vincent Courtois avec Jack London, les musiciens de Papanosh  ont aussi un goût prononcé pour les écrivains américains, car avec leur projet « A Very Big Lunch », ils rendent hommage au grand Jim Harrison. Une musique variée et très inspirée qui navigue autour de différentes ambiances et qui met surtout en valeur le talent des deux souffleurs : le trompettiste Quentin Ghomari  et le saxophoniste Raphaël Quenehen, qui par moment dans leur complicité et leur folle énergie, nous font penser au duo de souffleurs du Masada Quartet composé de John Zorn et de Dave Douglas.

La dernière journée du Festival a commencé le matin à 11h par une passionnante conférence intitulée « Comprendre le Jazz Actuel » par Jean-Jacques Di Tucci, à la fois au micro et au piano.

Puis la  soirée de clôture a elle aussi eu lieu au Dôme de Monêtier-Les-Bains, dans cette belle salle parfaitement bien sonorisée équipée d’un magnifique Steinway.

Dominique Pifarély & François Couturier – Photo : Lionel Eskenazi

Un piano qui a été immédiatement apprivoisé par François Couturier, au jeu fin et élégant, qui jouait en duo avec le violoniste Dominique Pifarély. Ils jouent ensemble depuis longtemps, ils se connaissent très bien et partagent le même goût pour la musique de chambre et pour un jazz aux ambiances atmosphériques particulières (souvent développé par le label Ecm), où le swing n’a pas sa place, mais où le discours poétique et le lyrisme sont prégnants et touchent directement la sensibilité du public.

Le Quartet de Géraldine Laurent – Photo : Lionel Eskenazi

Enfin, les amoureux du jazz avec un grand J et plus particulièrement de l’héritage du bop, transfiguré par ce qu’on pourrait appeler le « post bop », ont pu apprécier le concert final donné par le quartette de Géraldine Laurent (avec Paul Lay, Yoni Zelnik et Donald Kontomanou). Géraldine Laurent est à l’aise sur tous les tempos et propulse son jeu de saxophone alto dans les hautes sphères du jazz. Ça swingue et ça déborde d’énergie avec un trio rythmique phénoménal emmené par le subtil jeu de piano de Paul Lay. Et le plus beau réside dans le fait que les ballades sont elles aussi parfaitement réussies et aussi stimulantes que les titres up tempo !

Devant la réussite éclatante de cette première édition, nous attendons avec impatience l’année prochaine pour la  deuxième édition de ce Festival pas comme les autre et qui surtout doit le rester !

Lionel Eskenazi