Jazz live
Publié le 1 Déc 2014

A Monte Carlo, Mesdames Messieurs du jazz faites vos jeux

A genoux sur les planches, cambrée au maximum, buste et tête jetés vers l’arrière, les mains paumes ouvertes élevées vers la coupole de l’Opéra elle scande d’une voix de gorge un mot en leitmotiv peu identifiable. Des accents rauques en notes bleues nuit, une posture extrême, habitée d’une violence à fleur de peau, Robin McKelle, ressuscitant soudain le spectre de Janis Joplin  fait trembler l’opéra chic d’un feeling tellurique.

 

Monte Carlo Jazz Festival

Opéra Garnier, Monaco, 25-29 novembre

 

La salle de l’Opéra Garnier est toujours aussi belle, luxuriante même dans son décor baroque, écrin accueillant, seyante forcément pour la musique, le jazz en particulier.

Une facture somme toute assez classique pour un quintet organisé autour du vibraphone : Jean-Lou Treboux, jeune musicien suisse primé au concours du festival d’Antibes, fait sonner ses compositions autour de son instrument métal, avec clarté, expressivité. Un hommage appuyé à John Coltrane versant compositeur. Un crû un peu jeune encore ? On a hâte de les voir prendre du suc, voire mûrir.

On les sait aussi à l’aise en version acoustique ou électrique (Giu la Testa). Sylvain Luc et Stefano Di Battista se retrouvent dans un jazz à deux têtes que n’aurait pas renié le crayon de Cocteau (très belle expo Les Univers de Jean Cocteau au Musée du même nom de Menton www.museecocteau.fr) basé sur les relances, les passages de relai voire en échanges de petites flèches provocs par jeu accepté mutuellement. Histoire de faire monter le son ou l’intensité de la musique produite sur l’instant. Ils se font plaisir et entendent le faire passer par l’émotion lâchée en liberté. A but de partage. Et leur art consommé de la mélodie fait toujours sens.

Ils forment un trio de cordes et de souffles. Lockwood-Lagrène-Galliano évoluent avec beaucoup de brio (Place du Tertre) de facilité dans le faire, porteurs de lignes musicales à n’en plus finir (Waltz for Nicky) Avec un zeste de systématisme aussi dans l’expression –chacun son moment en solo- la multiplication des riffs. C’est la formule, le côté à toi-à moi qui le dicte sans doute. Le public adore, faut-il le dire. Mais alors pourquoi ce silence tout au long du set ? Pas un mot, pas une annonce donné au public ni sur la musique ni sur les musiciens. Moche.

On a failli ne pas (re)connaître Kenny Garrett ! Pour cause de bouillie sonore la moitié du concert durant, laquelle plongeait les spectateurs dans un épais brouillard de non son…Dommage côté corporel, sensitif de ne pouvoir ainsi avoir accès à des séquences d’hommage à l’Afrique (chants rituels), à une verve coltranienne (encore) passées par pertes et profit…Au final, le canal son habituel enfin rétabli, une fois piano et sax alto stéréophoniquement géo localisés la longue conclusion en riffs et phrases en boucle, assortie de fausses sorties en fausses pistes répétées ont enfin permis au public de s’approprier la musique. D’approcher un plaisir d’écoute de près.

Plaisir, bonheur d’écouter et de voir (le travail sur les lumières est un spectacle à lui tout seul) : Ibrahim Maalouf fait en sorte de les procurer illico à son public qui ne cesse de s’élargir, le lleno monégasque en fait foi. Tout est en place, tout est millimétré, musique, sons, couleurs conjugués. Ca marche bien sur question impact. Mais à faire « un an de tournée avec ces mêmes musiciens » la surprise, les effets de décalage, les pics de plaisirs finissent par s’épuiser un peu. Pour qui a connu –Conspiration Génération, Nomade Slang, InPRESSI on les a entendues un peu partout au grès des ondes- ces Illusions qui n’en font plus systématiquement, on sent comme la fin d’un cycle. Heureusement il se dit qu’un nouveau projet (ode à Oum Kalsoum) se prépare chez le trompettiste libanais…

Ceu veut dire ciel. La prestation de la jeune chanteuse brésilienne ne nous y fait malheureusement pas y grimper. L’orchestre manque de présence, sa voix également. Le contenu musical, minimaliste, éloigné des douceurs ou chaleurs cariocas ne franchit pas le seuil de la promesse. Et l’Opéra Garnier n’est pas tout à fait un club intime aux effluves de caipiriña…

Chaleur humaine, surprise, découverte, étonnement, clichés remis en question : le swing estampillé châabi de l’orchestre El Gusto surfe sur toutes ses vertus à la fois. Les vingt cinq musiciens de cette sorte de Buena Vista Social Club d’Alger fonctionnant à la mode big band donnent tout ce qu’ils ont de musiques. Modale, orientale, populaire, typique de chants et mélodies accumulées la musique coule en séquences très colorées. Au travers d’étonnants arrangements surgissent trouvailles harmoniques et rythmiques. Le son d’ensemble porte vers une coloration arabo-andalouse (longue introduction au luth de Berkani en mode flamenco) et n’évite aucun appel à la danse. Tout le concert durant les papis et les autres (orchestre multi générationnel) affichent plaisir, envie et convivialité. Un pont musical revitalisant jeté par-dessus la Méditerranée.

Robin Mc Kelle, sur l’épisode raconté plus haut nous aura donc scotché au fauteuil. Un set en forme de longue plainte blues-soul portée par son groupe, les Flytones jusqu’à ce sommet de feeling illuminé, sur la scène, d’une dominante de lumière pourpre. Mais alors, pourquoi un tel arrêt prématuré du set ? Pourquoi une telle frustration brutale au bout de quarante petites minutes de concert ? Aussi connu, expressif soit-il le guitariste irlandais qui lui succédait –enfin, son entourage/management j’imagine- n’avait pas droit de trancher net la gorge chaude brulante de la chanteuse américaine découverte en France avant de partir se ressourcer à Memphis. Les contrats commerciaux ne valent pas signature musicale.

Chris Réa justement revient sur scène sept ans après une interruption pour cause de grave maladie. On retrouve chez le guitariste irlandais le souffle des airs du blues, les inflexions métal du bottleneck dans les soli ou les contrechants, le beat binaire appuyé enfin en mode de marque de fabrique. Un set bluesy réglé comme du papier à musique. Sauf que désormais les séquences voix paraissent prendre le pas sur les épisodes guitare.

Trois voix pour finir. Lemmy Constantine (le fils du défunt Eddy, acteur à l’accent pur yankee des films noirs français des seventies) chante ce soir seul avec sa guitare Des chansons de vie et d’amour inspirés par son idole Franck Sinatra, des standards (Old Man River) Enceinte un peu vaste peut-être pour un tel tour de chant intimiste. Mais au final le public y croit. Curtis Stigers a du métier, de la ressource. Il offre une musique veine sud des Etats-Unis. Avec une assurance affichée « Je prends les chansons d’où qu’elles viennent : du jazz, du blues, de la country ou de la rock music. Je me fous des étiquettes lorsqu’elle laissent passer l’émotion vraie » L’orchestre tourne rond portant sa voix métal chargée de douceurs ou d’ac
idité, au besoin. Il ponctue ses mélodies de coup de sax ténor, shuffles eux aussi très sudistes. Vent chaud et humide.

 Dee Dee pour conclure. La chanteuse surprend, bluffe un peu le public venu pour elle. Pas forcément par le beau chapeau feutre qu’elle arbore. Mais parce qu’en une longue introduction instrumentale elle choisit de s’effacer pour laisser s’installer la musique. Un jazz construit, des compositions fouillées, architecturées impose sous son nom une nouvelle image de marque. Dans ce travail ainsi élaboré – Theo Croker ,jeune trompettiste-arrangeur s’affirme comme vrai chef d’orchestre- le chant n’occupe pas forcément une place prégnante. L’expression de chacun des musiciens, des solistes (piano, sax alto, trompette) donnent le change à la voix. Dans un contexte ainsi rénové  Dee Dee Bridgewater, toujours facétieuse et un tantinet bavarde, trouve naturellement sa place, ses marques. Leader, meneuse et sur le fond toujours chanteuse de jazz, évidemment.

L’an prochain le Monte Carlo Jazz Festival fêtera son dixième anniversaire. S’il faut en croire les intentions affichées les ors de ’Opéra Garnier résonneront de (très) grands noms du jazz en blanc et noir. Histoire de faire évènement en Principauté. A Monte Carlo où le Casino est ouvert jour et nuit, on dit « Mesdames et Messieurs, rien ne va plus, faites vos jeux…’

Robert Latxague

|

A genoux sur les planches, cambrée au maximum, buste et tête jetés vers l’arrière, les mains paumes ouvertes élevées vers la coupole de l’Opéra elle scande d’une voix de gorge un mot en leitmotiv peu identifiable. Des accents rauques en notes bleues nuit, une posture extrême, habitée d’une violence à fleur de peau, Robin McKelle, ressuscitant soudain le spectre de Janis Joplin  fait trembler l’opéra chic d’un feeling tellurique.

 

Monte Carlo Jazz Festival

Opéra Garnier, Monaco, 25-29 novembre

 

La salle de l’Opéra Garnier est toujours aussi belle, luxuriante même dans son décor baroque, écrin accueillant, seyante forcément pour la musique, le jazz en particulier.

Une facture somme toute assez classique pour un quintet organisé autour du vibraphone : Jean-Lou Treboux, jeune musicien suisse primé au concours du festival d’Antibes, fait sonner ses compositions autour de son instrument métal, avec clarté, expressivité. Un hommage appuyé à John Coltrane versant compositeur. Un crû un peu jeune encore ? On a hâte de les voir prendre du suc, voire mûrir.

On les sait aussi à l’aise en version acoustique ou électrique (Giu la Testa). Sylvain Luc et Stefano Di Battista se retrouvent dans un jazz à deux têtes que n’aurait pas renié le crayon de Cocteau (très belle expo Les Univers de Jean Cocteau au Musée du même nom de Menton www.museecocteau.fr) basé sur les relances, les passages de relai voire en échanges de petites flèches provocs par jeu accepté mutuellement. Histoire de faire monter le son ou l’intensité de la musique produite sur l’instant. Ils se font plaisir et entendent le faire passer par l’émotion lâchée en liberté. A but de partage. Et leur art consommé de la mélodie fait toujours sens.

Ils forment un trio de cordes et de souffles. Lockwood-Lagrène-Galliano évoluent avec beaucoup de brio (Place du Tertre) de facilité dans le faire, porteurs de lignes musicales à n’en plus finir (Waltz for Nicky) Avec un zeste de systématisme aussi dans l’expression –chacun son moment en solo- la multiplication des riffs. C’est la formule, le côté à toi-à moi qui le dicte sans doute. Le public adore, faut-il le dire. Mais alors pourquoi ce silence tout au long du set ? Pas un mot, pas une annonce donné au public ni sur la musique ni sur les musiciens. Moche.

On a failli ne pas (re)connaître Kenny Garrett ! Pour cause de bouillie sonore la moitié du concert durant, laquelle plongeait les spectateurs dans un épais brouillard de non son…Dommage côté corporel, sensitif de ne pouvoir ainsi avoir accès à des séquences d’hommage à l’Afrique (chants rituels), à une verve coltranienne (encore) passées par pertes et profit…Au final, le canal son habituel enfin rétabli, une fois piano et sax alto stéréophoniquement géo localisés la longue conclusion en riffs et phrases en boucle, assortie de fausses sorties en fausses pistes répétées ont enfin permis au public de s’approprier la musique. D’approcher un plaisir d’écoute de près.

Plaisir, bonheur d’écouter et de voir (le travail sur les lumières est un spectacle à lui tout seul) : Ibrahim Maalouf fait en sorte de les procurer illico à son public qui ne cesse de s’élargir, le lleno monégasque en fait foi. Tout est en place, tout est millimétré, musique, sons, couleurs conjugués. Ca marche bien sur question impact. Mais à faire « un an de tournée avec ces mêmes musiciens » la surprise, les effets de décalage, les pics de plaisirs finissent par s’épuiser un peu. Pour qui a connu –Conspiration Génération, Nomade Slang, InPRESSI on les a entendues un peu partout au grès des ondes- ces Illusions qui n’en font plus systématiquement, on sent comme la fin d’un cycle. Heureusement il se dit qu’un nouveau projet (ode à Oum Kalsoum) se prépare chez le trompettiste libanais…

Ceu veut dire ciel. La prestation de la jeune chanteuse brésilienne ne nous y fait malheureusement pas y grimper. L’orchestre manque de présence, sa voix également. Le contenu musical, minimaliste, éloigné des douceurs ou chaleurs cariocas ne franchit pas le seuil de la promesse. Et l’Opéra Garnier n’est pas tout à fait un club intime aux effluves de caipiriña…

Chaleur humaine, surprise, découverte, étonnement, clichés remis en question : le swing estampillé châabi de l’orchestre El Gusto surfe sur toutes ses vertus à la fois. Les vingt cinq musiciens de cette sorte de Buena Vista Social Club d’Alger fonctionnant à la mode big band donnent tout ce qu’ils ont de musiques. Modale, orientale, populaire, typique de chants et mélodies accumulées la musique coule en séquences très colorées. Au travers d’étonnants arrangements surgissent trouvailles harmoniques et rythmiques. Le son d’ensemble porte vers une coloration arabo-andalouse (longue introduction au luth de Berkani en mode flamenco) et n’évite aucun appel à la danse. Tout le concert durant les papis et les autres (orchestre multi générationnel) affichent plaisir, envie et convivialité. Un pont musical revitalisant jeté par-dessus la Méditerranée.

Robin Mc Kelle, sur l’épisode raconté plus haut nous aura donc scotché au fauteuil. Un set en forme de longue plainte blues-soul portée par son groupe, les Flytones jusqu’à ce sommet de feeling illuminé, sur la scène, d’une dominante de lumière pourpre. Mais alors, pourquoi un tel arrêt prématuré du set ? Pourquoi une telle frustration brutale au bout de quarante petites minutes de concert ? Aussi connu, expressif soit-il le guitariste irlandais qui lui succédait –enfin, son entourage/management j’imagine- n’avait pas droit de trancher net la gorge chaude brulante de la chanteuse américaine découverte en France avant de partir se ressourcer à Memphis. Les contrats commerciaux ne valent pas signature musicale.

Chris Réa justement revient sur scène sept ans après une interruption pour cause de grave maladie. On retrouve chez le guitariste irlandais le souffle des airs du blues, les inflexions métal du bottleneck dans les soli ou les contrechants, le beat binaire appuyé enfin en mode de marque de fabrique. Un set bluesy réglé comme du papier à musique. Sauf que désormais les séquences voix paraissent prendre le pas sur les épisodes guitare.

Trois voix pour finir. Lemmy Constantine (le fils du défunt Eddy, acteur à l’accent pur yankee des films noirs français des seventies) chante ce soir seul avec sa guitare Des chansons de vie et d’amour inspirés par son idole Franck Sinatra, des standards (Old Man River) Enceinte un peu vaste peut-être pour un tel tour de chant intimiste. Mais au final le public y croit. Curtis Stigers a du métier, de la ressource. Il offre une musique veine sud des Etats-Unis. Avec une assurance affichée « Je prends les chansons d’où qu’elles viennent : du jazz, du blues, de la country ou de la rock music. Je me fous des étiquettes lorsqu’elle laissent passer l’émotion vraie » L’orchestre tourne rond portant sa voix métal chargée de douceurs ou d’ac
idité, au besoin. Il ponctue ses mélodies de coup de sax ténor, shuffles eux aussi très sudistes. Vent chaud et humide.

 Dee Dee pour conclure. La chanteuse surprend, bluffe un peu le public venu pour elle. Pas forcément par le beau chapeau feutre qu’elle arbore. Mais parce qu’en une longue introduction instrumentale elle choisit de s’effacer pour laisser s’installer la musique. Un jazz construit, des compositions fouillées, architecturées impose sous son nom une nouvelle image de marque. Dans ce travail ainsi élaboré – Theo Croker ,jeune trompettiste-arrangeur s’affirme comme vrai chef d’orchestre- le chant n’occupe pas forcément une place prégnante. L’expression de chacun des musiciens, des solistes (piano, sax alto, trompette) donnent le change à la voix. Dans un contexte ainsi rénové  Dee Dee Bridgewater, toujours facétieuse et un tantinet bavarde, trouve naturellement sa place, ses marques. Leader, meneuse et sur le fond toujours chanteuse de jazz, évidemment.

L’an prochain le Monte Carlo Jazz Festival fêtera son dixième anniversaire. S’il faut en croire les intentions affichées les ors de ’Opéra Garnier résonneront de (très) grands noms du jazz en blanc et noir. Histoire de faire évènement en Principauté. A Monte Carlo où le Casino est ouvert jour et nuit, on dit « Mesdames et Messieurs, rien ne va plus, faites vos jeux…’

Robert Latxague

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A genoux sur les planches, cambrée au maximum, buste et tête jetés vers l’arrière, les mains paumes ouvertes élevées vers la coupole de l’Opéra elle scande d’une voix de gorge un mot en leitmotiv peu identifiable. Des accents rauques en notes bleues nuit, une posture extrême, habitée d’une violence à fleur de peau, Robin McKelle, ressuscitant soudain le spectre de Janis Joplin  fait trembler l’opéra chic d’un feeling tellurique.

 

Monte Carlo Jazz Festival

Opéra Garnier, Monaco, 25-29 novembre

 

La salle de l’Opéra Garnier est toujours aussi belle, luxuriante même dans son décor baroque, écrin accueillant, seyante forcément pour la musique, le jazz en particulier.

Une facture somme toute assez classique pour un quintet organisé autour du vibraphone : Jean-Lou Treboux, jeune musicien suisse primé au concours du festival d’Antibes, fait sonner ses compositions autour de son instrument métal, avec clarté, expressivité. Un hommage appuyé à John Coltrane versant compositeur. Un crû un peu jeune encore ? On a hâte de les voir prendre du suc, voire mûrir.

On les sait aussi à l’aise en version acoustique ou électrique (Giu la Testa). Sylvain Luc et Stefano Di Battista se retrouvent dans un jazz à deux têtes que n’aurait pas renié le crayon de Cocteau (très belle expo Les Univers de Jean Cocteau au Musée du même nom de Menton www.museecocteau.fr) basé sur les relances, les passages de relai voire en échanges de petites flèches provocs par jeu accepté mutuellement. Histoire de faire monter le son ou l’intensité de la musique produite sur l’instant. Ils se font plaisir et entendent le faire passer par l’émotion lâchée en liberté. A but de partage. Et leur art consommé de la mélodie fait toujours sens.

Ils forment un trio de cordes et de souffles. Lockwood-Lagrène-Galliano évoluent avec beaucoup de brio (Place du Tertre) de facilité dans le faire, porteurs de lignes musicales à n’en plus finir (Waltz for Nicky) Avec un zeste de systématisme aussi dans l’expression –chacun son moment en solo- la multiplication des riffs. C’est la formule, le côté à toi-à moi qui le dicte sans doute. Le public adore, faut-il le dire. Mais alors pourquoi ce silence tout au long du set ? Pas un mot, pas une annonce donné au public ni sur la musique ni sur les musiciens. Moche.

On a failli ne pas (re)connaître Kenny Garrett ! Pour cause de bouillie sonore la moitié du concert durant, laquelle plongeait les spectateurs dans un épais brouillard de non son…Dommage côté corporel, sensitif de ne pouvoir ainsi avoir accès à des séquences d’hommage à l’Afrique (chants rituels), à une verve coltranienne (encore) passées par pertes et profit…Au final, le canal son habituel enfin rétabli, une fois piano et sax alto stéréophoniquement géo localisés la longue conclusion en riffs et phrases en boucle, assortie de fausses sorties en fausses pistes répétées ont enfin permis au public de s’approprier la musique. D’approcher un plaisir d’écoute de près.

Plaisir, bonheur d’écouter et de voir (le travail sur les lumières est un spectacle à lui tout seul) : Ibrahim Maalouf fait en sorte de les procurer illico à son public qui ne cesse de s’élargir, le lleno monégasque en fait foi. Tout est en place, tout est millimétré, musique, sons, couleurs conjugués. Ca marche bien sur question impact. Mais à faire « un an de tournée avec ces mêmes musiciens » la surprise, les effets de décalage, les pics de plaisirs finissent par s’épuiser un peu. Pour qui a connu –Conspiration Génération, Nomade Slang, InPRESSI on les a entendues un peu partout au grès des ondes- ces Illusions qui n’en font plus systématiquement, on sent comme la fin d’un cycle. Heureusement il se dit qu’un nouveau projet (ode à Oum Kalsoum) se prépare chez le trompettiste libanais…

Ceu veut dire ciel. La prestation de la jeune chanteuse brésilienne ne nous y fait malheureusement pas y grimper. L’orchestre manque de présence, sa voix également. Le contenu musical, minimaliste, éloigné des douceurs ou chaleurs cariocas ne franchit pas le seuil de la promesse. Et l’Opéra Garnier n’est pas tout à fait un club intime aux effluves de caipiriña…

Chaleur humaine, surprise, découverte, étonnement, clichés remis en question : le swing estampillé châabi de l’orchestre El Gusto surfe sur toutes ses vertus à la fois. Les vingt cinq musiciens de cette sorte de Buena Vista Social Club d’Alger fonctionnant à la mode big band donnent tout ce qu’ils ont de musiques. Modale, orientale, populaire, typique de chants et mélodies accumulées la musique coule en séquences très colorées. Au travers d’étonnants arrangements surgissent trouvailles harmoniques et rythmiques. Le son d’ensemble porte vers une coloration arabo-andalouse (longue introduction au luth de Berkani en mode flamenco) et n’évite aucun appel à la danse. Tout le concert durant les papis et les autres (orchestre multi générationnel) affichent plaisir, envie et convivialité. Un pont musical revitalisant jeté par-dessus la Méditerranée.

Robin Mc Kelle, sur l’épisode raconté plus haut nous aura donc scotché au fauteuil. Un set en forme de longue plainte blues-soul portée par son groupe, les Flytones jusqu’à ce sommet de feeling illuminé, sur la scène, d’une dominante de lumière pourpre. Mais alors, pourquoi un tel arrêt prématuré du set ? Pourquoi une telle frustration brutale au bout de quarante petites minutes de concert ? Aussi connu, expressif soit-il le guitariste irlandais qui lui succédait –enfin, son entourage/management j’imagine- n’avait pas droit de trancher net la gorge chaude brulante de la chanteuse américaine découverte en France avant de partir se ressourcer à Memphis. Les contrats commerciaux ne valent pas signature musicale.

Chris Réa justement revient sur scène sept ans après une interruption pour cause de grave maladie. On retrouve chez le guitariste irlandais le souffle des airs du blues, les inflexions métal du bottleneck dans les soli ou les contrechants, le beat binaire appuyé enfin en mode de marque de fabrique. Un set bluesy réglé comme du papier à musique. Sauf que désormais les séquences voix paraissent prendre le pas sur les épisodes guitare.

Trois voix pour finir. Lemmy Constantine (le fils du défunt Eddy, acteur à l’accent pur yankee des films noirs français des seventies) chante ce soir seul avec sa guitare Des chansons de vie et d’amour inspirés par son idole Franck Sinatra, des standards (Old Man River) Enceinte un peu vaste peut-être pour un tel tour de chant intimiste. Mais au final le public y croit. Curtis Stigers a du métier, de la ressource. Il offre une musique veine sud des Etats-Unis. Avec une assurance affichée « Je prends les chansons d’où qu’elles viennent : du jazz, du blues, de la country ou de la rock music. Je me fous des étiquettes lorsqu’elle laissent passer l’émotion vraie » L’orchestre tourne rond portant sa voix métal chargée de douceurs ou d’ac
idité, au besoin. Il ponctue ses mélodies de coup de sax ténor, shuffles eux aussi très sudistes. Vent chaud et humide.

 Dee Dee pour conclure. La chanteuse surprend, bluffe un peu le public venu pour elle. Pas forcément par le beau chapeau feutre qu’elle arbore. Mais parce qu’en une longue introduction instrumentale elle choisit de s’effacer pour laisser s’installer la musique. Un jazz construit, des compositions fouillées, architecturées impose sous son nom une nouvelle image de marque. Dans ce travail ainsi élaboré – Theo Croker ,jeune trompettiste-arrangeur s’affirme comme vrai chef d’orchestre- le chant n’occupe pas forcément une place prégnante. L’expression de chacun des musiciens, des solistes (piano, sax alto, trompette) donnent le change à la voix. Dans un contexte ainsi rénové  Dee Dee Bridgewater, toujours facétieuse et un tantinet bavarde, trouve naturellement sa place, ses marques. Leader, meneuse et sur le fond toujours chanteuse de jazz, évidemment.

L’an prochain le Monte Carlo Jazz Festival fêtera son dixième anniversaire. S’il faut en croire les intentions affichées les ors de ’Opéra Garnier résonneront de (très) grands noms du jazz en blanc et noir. Histoire de faire évènement en Principauté. A Monte Carlo où le Casino est ouvert jour et nuit, on dit « Mesdames et Messieurs, rien ne va plus, faites vos jeux…’

Robert Latxague

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A genoux sur les planches, cambrée au maximum, buste et tête jetés vers l’arrière, les mains paumes ouvertes élevées vers la coupole de l’Opéra elle scande d’une voix de gorge un mot en leitmotiv peu identifiable. Des accents rauques en notes bleues nuit, une posture extrême, habitée d’une violence à fleur de peau, Robin McKelle, ressuscitant soudain le spectre de Janis Joplin  fait trembler l’opéra chic d’un feeling tellurique.

 

Monte Carlo Jazz Festival

Opéra Garnier, Monaco, 25-29 novembre

 

La salle de l’Opéra Garnier est toujours aussi belle, luxuriante même dans son décor baroque, écrin accueillant, seyante forcément pour la musique, le jazz en particulier.

Une facture somme toute assez classique pour un quintet organisé autour du vibraphone : Jean-Lou Treboux, jeune musicien suisse primé au concours du festival d’Antibes, fait sonner ses compositions autour de son instrument métal, avec clarté, expressivité. Un hommage appuyé à John Coltrane versant compositeur. Un crû un peu jeune encore ? On a hâte de les voir prendre du suc, voire mûrir.

On les sait aussi à l’aise en version acoustique ou électrique (Giu la Testa). Sylvain Luc et Stefano Di Battista se retrouvent dans un jazz à deux têtes que n’aurait pas renié le crayon de Cocteau (très belle expo Les Univers de Jean Cocteau au Musée du même nom de Menton www.museecocteau.fr) basé sur les relances, les passages de relai voire en échanges de petites flèches provocs par jeu accepté mutuellement. Histoire de faire monter le son ou l’intensité de la musique produite sur l’instant. Ils se font plaisir et entendent le faire passer par l’émotion lâchée en liberté. A but de partage. Et leur art consommé de la mélodie fait toujours sens.

Ils forment un trio de cordes et de souffles. Lockwood-Lagrène-Galliano évoluent avec beaucoup de brio (Place du Tertre) de facilité dans le faire, porteurs de lignes musicales à n’en plus finir (Waltz for Nicky) Avec un zeste de systématisme aussi dans l’expression –chacun son moment en solo- la multiplication des riffs. C’est la formule, le côté à toi-à moi qui le dicte sans doute. Le public adore, faut-il le dire. Mais alors pourquoi ce silence tout au long du set ? Pas un mot, pas une annonce donné au public ni sur la musique ni sur les musiciens. Moche.

On a failli ne pas (re)connaître Kenny Garrett ! Pour cause de bouillie sonore la moitié du concert durant, laquelle plongeait les spectateurs dans un épais brouillard de non son…Dommage côté corporel, sensitif de ne pouvoir ainsi avoir accès à des séquences d’hommage à l’Afrique (chants rituels), à une verve coltranienne (encore) passées par pertes et profit…Au final, le canal son habituel enfin rétabli, une fois piano et sax alto stéréophoniquement géo localisés la longue conclusion en riffs et phrases en boucle, assortie de fausses sorties en fausses pistes répétées ont enfin permis au public de s’approprier la musique. D’approcher un plaisir d’écoute de près.

Plaisir, bonheur d’écouter et de voir (le travail sur les lumières est un spectacle à lui tout seul) : Ibrahim Maalouf fait en sorte de les procurer illico à son public qui ne cesse de s’élargir, le lleno monégasque en fait foi. Tout est en place, tout est millimétré, musique, sons, couleurs conjugués. Ca marche bien sur question impact. Mais à faire « un an de tournée avec ces mêmes musiciens » la surprise, les effets de décalage, les pics de plaisirs finissent par s’épuiser un peu. Pour qui a connu –Conspiration Génération, Nomade Slang, InPRESSI on les a entendues un peu partout au grès des ondes- ces Illusions qui n’en font plus systématiquement, on sent comme la fin d’un cycle. Heureusement il se dit qu’un nouveau projet (ode à Oum Kalsoum) se prépare chez le trompettiste libanais…

Ceu veut dire ciel. La prestation de la jeune chanteuse brésilienne ne nous y fait malheureusement pas y grimper. L’orchestre manque de présence, sa voix également. Le contenu musical, minimaliste, éloigné des douceurs ou chaleurs cariocas ne franchit pas le seuil de la promesse. Et l’Opéra Garnier n’est pas tout à fait un club intime aux effluves de caipiriña…

Chaleur humaine, surprise, découverte, étonnement, clichés remis en question : le swing estampillé châabi de l’orchestre El Gusto surfe sur toutes ses vertus à la fois. Les vingt cinq musiciens de cette sorte de Buena Vista Social Club d’Alger fonctionnant à la mode big band donnent tout ce qu’ils ont de musiques. Modale, orientale, populaire, typique de chants et mélodies accumulées la musique coule en séquences très colorées. Au travers d’étonnants arrangements surgissent trouvailles harmoniques et rythmiques. Le son d’ensemble porte vers une coloration arabo-andalouse (longue introduction au luth de Berkani en mode flamenco) et n’évite aucun appel à la danse. Tout le concert durant les papis et les autres (orchestre multi générationnel) affichent plaisir, envie et convivialité. Un pont musical revitalisant jeté par-dessus la Méditerranée.

Robin Mc Kelle, sur l’épisode raconté plus haut nous aura donc scotché au fauteuil. Un set en forme de longue plainte blues-soul portée par son groupe, les Flytones jusqu’à ce sommet de feeling illuminé, sur la scène, d’une dominante de lumière pourpre. Mais alors, pourquoi un tel arrêt prématuré du set ? Pourquoi une telle frustration brutale au bout de quarante petites minutes de concert ? Aussi connu, expressif soit-il le guitariste irlandais qui lui succédait –enfin, son entourage/management j’imagine- n’avait pas droit de trancher net la gorge chaude brulante de la chanteuse américaine découverte en France avant de partir se ressourcer à Memphis. Les contrats commerciaux ne valent pas signature musicale.

Chris Réa justement revient sur scène sept ans après une interruption pour cause de grave maladie. On retrouve chez le guitariste irlandais le souffle des airs du blues, les inflexions métal du bottleneck dans les soli ou les contrechants, le beat binaire appuyé enfin en mode de marque de fabrique. Un set bluesy réglé comme du papier à musique. Sauf que désormais les séquences voix paraissent prendre le pas sur les épisodes guitare.

Trois voix pour finir. Lemmy Constantine (le fils du défunt Eddy, acteur à l’accent pur yankee des films noirs français des seventies) chante ce soir seul avec sa guitare Des chansons de vie et d’amour inspirés par son idole Franck Sinatra, des standards (Old Man River) Enceinte un peu vaste peut-être pour un tel tour de chant intimiste. Mais au final le public y croit. Curtis Stigers a du métier, de la ressource. Il offre une musique veine sud des Etats-Unis. Avec une assurance affichée « Je prends les chansons d’où qu’elles viennent : du jazz, du blues, de la country ou de la rock music. Je me fous des étiquettes lorsqu’elle laissent passer l’émotion vraie » L’orchestre tourne rond portant sa voix métal chargée de douceurs ou d’ac
idité, au besoin. Il ponctue ses mélodies de coup de sax ténor, shuffles eux aussi très sudistes. Vent chaud et humide.

 Dee Dee pour conclure. La chanteuse surprend, bluffe un peu le public venu pour elle. Pas forcément par le beau chapeau feutre qu’elle arbore. Mais parce qu’en une longue introduction instrumentale elle choisit de s’effacer pour laisser s’installer la musique. Un jazz construit, des compositions fouillées, architecturées impose sous son nom une nouvelle image de marque. Dans ce travail ainsi élaboré – Theo Croker ,jeune trompettiste-arrangeur s’affirme comme vrai chef d’orchestre- le chant n’occupe pas forcément une place prégnante. L’expression de chacun des musiciens, des solistes (piano, sax alto, trompette) donnent le change à la voix. Dans un contexte ainsi rénové  Dee Dee Bridgewater, toujours facétieuse et un tantinet bavarde, trouve naturellement sa place, ses marques. Leader, meneuse et sur le fond toujours chanteuse de jazz, évidemment.

L’an prochain le Monte Carlo Jazz Festival fêtera son dixième anniversaire. S’il faut en croire les intentions affichées les ors de ’Opéra Garnier résonneront de (très) grands noms du jazz en blanc et noir. Histoire de faire évènement en Principauté. A Monte Carlo où le Casino est ouvert jour et nuit, on dit « Mesdames et Messieurs, rien ne va plus, faites vos jeux…’

Robert Latxague