Par Xavier Prévost
Plaisir de retrouver ce grand musicien, absent de la scène parisienne depuis les années Covid, et qui revient avec un nouveau groupe, dont c’est l’un des tout premiers concerts, et la première date parisienne. Un événement donc, ce qu’atteste la présence dans l’assistance de nombreux amateurs chevronnés, dont des musiciens. De surcroît le Maître des lieux, et le Monsieur Loyal des moments importants, Stéphane Portet, nous annonce en présentant le groupe que Glenn Ferris sera de retour au Sunset-Sunside en mai prochain avec le fameux groupe Palatino, qui l’associe à Aldo Romano, Paolo Fresu et Michel Benita. Mais ce soir c’est Newtet, le nouveau quartette du tromboniste.
THE GLENN FERRIS NEWTET
Glenn Ferris (trombone, harmonica), Michael Felberbaum (guitare), Bruno Rousselet (guitare basse), Jeff Boudreaux (batterie)
Paris, Sunset, 10 février 2024, 20h45
Le concert commence par Like That, une composition du tromboniste, plusieurs fois enregistrée dans des contextes différents : c’est une sorte de blues à la façon néo-orléanaise, ce qui met en joie le batteur Jeff Boudreaux, natif de Baton Rouge, la capitale de la Louisiane, et dont la caisse claire retentit d’une cadence attachée à ces lieux. Très bel arrangement des parties de trombone et de guitare, en finesse, et totalement dans l’esprit de ce groove pulsatoire. Beau solo de Glenn, très ‘roots’, car le tromboniste est très attaché à la tradition, même s’il fut dès ses débuts engagés dans une belle modernité : Ferris Wheel, avec l’orchestre de Don Ellis, puis Stevie Wonder, Zappa, Steve Lacy…. Le solo de Michael Felberbaum prolonge le blues, mais sur un autre terrain. Puis c’est une composition du guitariste, toujours à l’horizon du blues, mais en altérant les harmonies (je pense à Goodbye Pork Pie Hat, de Mingus, ou à Sing Me Softly Of The Blues, de Carla Bley). Je découvre aussi ce soir que Bruno Rousselet, que j’ai si souvent écouté à la contrebasse dans une foule de groupes, est aussi un très bon guitariste basse, avec un beau talent de soliste.
Puis c’est un titre où Glenn se saisit de l’harmonica pour nous entraîner vers une musique où se mêleraient la musique acadienne et la biguine, qu’il poursuit au trombone avant retour au petit instrument. Puis il annonce avec une certaine solennité (teintée d’humour….) une très belle ballade assez souvent reprise dans le jazz, et pas seulement par les vocalistes (voir Getz, Phil Woods, Solal & Hampton Hawes en quartette à deux pianos, Zoot Sims, Herbie Mann, Stanley Turrentine….) : Spring Can Really Hang You Up The Most. Après une très belle intro de basse, la pulsation devient tendrement reggae. Pas un hasard, car le thème suivant sera War de Bob Marley, dont le tromboniste nous fait remarquer qu’il en donnera une version pacifiste
Au début du deuxième set, Glenn Ferris annonce un thème de Monk, Brilliants Corners, dont il nous prévient qu’ils donneront une version très personnelle. Effectivement, mais c’est très réussi et, dans son solo de batterie, Jeff Boudreaux nous raconte le thème à merveille, avec cette magique claudication rythmique qui fut le marque, Ô combien jouissive, du Grand Thelonious. Glenn annonce maintenant un thème de Bix Beiderbecke, rappelant utilement aux plus jeunes des présents qui fut ce musiciens météorique et tellement important à la fin des années 20. Ce sera In A Mist, là encore dans une version renouvelée. C’est le moment fatidique où le chroniqueur, comme c’est le cas depuis plus de 3 ans en raison d’incessants travaux sur les lignes du RER (et du métro) doit quitter le club avant la fin des réjouissances (voir la photo ci-après). Mais cette soirée fut un vrai bonheur musical : quel groupe ! Et quel formidable musicien que Glenn Ferris.
Xavier Prévost (texte & photos)