Jazz live
Publié le 15 Oct 2015

Autumn in New York : KENNY WERNER au Jazz Standard

Après quelques lustres sans visiter New York, et quelques années sans écouter sur scène Kenny Werner, ce fut un double plaisir : découverte d’un lieu qui m’était inconnu, le Jazz Standard, et de retrouvailles avec un pianiste que j’admire.

Kenny Werner (piano), Johannes Weidenmüller (contrebasse), Ari Hoenig (batterie)

Jazz Standard, New York, 14 octobre 2015, 19h30 (premier set)

   Le lieu d’abord, un sous-sol spacieux, avec une scène de belle taille, un piano plus qu’honorable, et un public attablé. Le restaurant est au rez-de-chaussée, mais quelques spectateurs dînent dans le club, juste avant et pendant le premier set. Et là, une légère inquiétude : j’avais assisté le 20 octobre 1982 à un concert de Phineas Newborn au défunt Sweet Basil (compte rendu publié dans Jazz Magazine n°314, janvier 1983), et ce soir-là, au long des deux premiers sets, le pianiste avait été gêné par les bruits de fourchettes et de conversations. Ici rien de semblable : dès l’annonce, en voix off, du maître de cérémonie, la rumeur s’éteint, pour faire place à une attention soutenue autant que chaleureuse.

   Le pianiste choisit tout au long du set de privilégier le répertoire de son tout récent album, « The Melody » (Pirouet), et la première composition au titre mystérieux pose le décor : forme très élaborée, avec pluralité d’éléments thématiques, surprises et ruptures, et un climat très concertant, où chaque instrument dialogue avec la forme. Dans cette forme en mouvement s’enchâsse un autre thème, Iago, composé en hommage au pianiste brésilien Werner Iago. Ici le trio s’emballe, dans une pulsation de fête. Vient ensuite un thème emprunté au nouveau quartette de Kenny Werner, « Animal Crackers » (Dan Blake au sax, Jorge Roeder & Richie Barshay). Une composition très segmentée, d’une grande liberté tonale, mais qui revient constamment au centre de tonalité. Comme chez Monk, c’est une musique de labeur, où chaque phrase paraît lutter avec l’opacité de la matière sonore, jusqu’au moment où, libérée par le drive, la phrase s’envole.

   Le pianiste revient au répertoire du nouveau CD avec Who ? ; c’est comme une suite, sur un groove intense de la batterie et de la basse, que le piano survole : ici il accentue, là il relance, ailleurs il esquive…. Ari Hoenig et Johannes Weidenmüller, livrés à eux-même le temps d’un solo en dialogue, s’en donnent à cœur joie, dans un emballement de figures diaboliques où la finesse garde ses droits : la grande classe, en quelque sorte. Après la salve d’applaudissements qui s’imposait, le climat change : Kenny Werner nous offre une introduction en ballade très modulante, pleine de finesse, où le commentaire de la main gauche produit une riche interaction, mais sans ostentation ; presque une valse romantique, qui va déboucher sur la Sicilienne de Jean Sébastien Bach. Et le pianiste nous entraîne dans labyrinthe de variations qui nous donne à penser qu’il garde en mémoire Goldberg et Diabelli…. Soudain le tempo se démultiplie, dans une tension époustouflante qui nous entraîne vers la musique caribéenne.

   Vient le temps de conclure le premier set, et l’on revient au tout récent disque avec Beauty Secrets, une valse mélancolique qui tourne à l’explosion fervente avant de revenir vers la quiétude. Et pour le bref rappel, ce sera un entremêlement de standards du jazz passés à la moulinette de la connivence et de la joute ludique : bouquet final pour un feu qui n’est pas d’artifice, mais de profonde musicalité !

Xavier Prévost

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Après quelques lustres sans visiter New York, et quelques années sans écouter sur scène Kenny Werner, ce fut un double plaisir : découverte d’un lieu qui m’était inconnu, le Jazz Standard, et de retrouvailles avec un pianiste que j’admire.

Kenny Werner (piano), Johannes Weidenmüller (contrebasse), Ari Hoenig (batterie)

Jazz Standard, New York, 14 octobre 2015, 19h30 (premier set)

   Le lieu d’abord, un sous-sol spacieux, avec une scène de belle taille, un piano plus qu’honorable, et un public attablé. Le restaurant est au rez-de-chaussée, mais quelques spectateurs dînent dans le club, juste avant et pendant le premier set. Et là, une légère inquiétude : j’avais assisté le 20 octobre 1982 à un concert de Phineas Newborn au défunt Sweet Basil (compte rendu publié dans Jazz Magazine n°314, janvier 1983), et ce soir-là, au long des deux premiers sets, le pianiste avait été gêné par les bruits de fourchettes et de conversations. Ici rien de semblable : dès l’annonce, en voix off, du maître de cérémonie, la rumeur s’éteint, pour faire place à une attention soutenue autant que chaleureuse.

   Le pianiste choisit tout au long du set de privilégier le répertoire de son tout récent album, « The Melody » (Pirouet), et la première composition au titre mystérieux pose le décor : forme très élaborée, avec pluralité d’éléments thématiques, surprises et ruptures, et un climat très concertant, où chaque instrument dialogue avec la forme. Dans cette forme en mouvement s’enchâsse un autre thème, Iago, composé en hommage au pianiste brésilien Werner Iago. Ici le trio s’emballe, dans une pulsation de fête. Vient ensuite un thème emprunté au nouveau quartette de Kenny Werner, « Animal Crackers » (Dan Blake au sax, Jorge Roeder & Richie Barshay). Une composition très segmentée, d’une grande liberté tonale, mais qui revient constamment au centre de tonalité. Comme chez Monk, c’est une musique de labeur, où chaque phrase paraît lutter avec l’opacité de la matière sonore, jusqu’au moment où, libérée par le drive, la phrase s’envole.

   Le pianiste revient au répertoire du nouveau CD avec Who ? ; c’est comme une suite, sur un groove intense de la batterie et de la basse, que le piano survole : ici il accentue, là il relance, ailleurs il esquive…. Ari Hoenig et Johannes Weidenmüller, livrés à eux-même le temps d’un solo en dialogue, s’en donnent à cœur joie, dans un emballement de figures diaboliques où la finesse garde ses droits : la grande classe, en quelque sorte. Après la salve d’applaudissements qui s’imposait, le climat change : Kenny Werner nous offre une introduction en ballade très modulante, pleine de finesse, où le commentaire de la main gauche produit une riche interaction, mais sans ostentation ; presque une valse romantique, qui va déboucher sur la Sicilienne de Jean Sébastien Bach. Et le pianiste nous entraîne dans labyrinthe de variations qui nous donne à penser qu’il garde en mémoire Goldberg et Diabelli…. Soudain le tempo se démultiplie, dans une tension époustouflante qui nous entraîne vers la musique caribéenne.

   Vient le temps de conclure le premier set, et l’on revient au tout récent disque avec Beauty Secrets, une valse mélancolique qui tourne à l’explosion fervente avant de revenir vers la quiétude. Et pour le bref rappel, ce sera un entremêlement de standards du jazz passés à la moulinette de la connivence et de la joute ludique : bouquet final pour un feu qui n’est pas d’artifice, mais de profonde musicalité !

Xavier Prévost

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Après quelques lustres sans visiter New York, et quelques années sans écouter sur scène Kenny Werner, ce fut un double plaisir : découverte d’un lieu qui m’était inconnu, le Jazz Standard, et de retrouvailles avec un pianiste que j’admire.

Kenny Werner (piano), Johannes Weidenmüller (contrebasse), Ari Hoenig (batterie)

Jazz Standard, New York, 14 octobre 2015, 19h30 (premier set)

   Le lieu d’abord, un sous-sol spacieux, avec une scène de belle taille, un piano plus qu’honorable, et un public attablé. Le restaurant est au rez-de-chaussée, mais quelques spectateurs dînent dans le club, juste avant et pendant le premier set. Et là, une légère inquiétude : j’avais assisté le 20 octobre 1982 à un concert de Phineas Newborn au défunt Sweet Basil (compte rendu publié dans Jazz Magazine n°314, janvier 1983), et ce soir-là, au long des deux premiers sets, le pianiste avait été gêné par les bruits de fourchettes et de conversations. Ici rien de semblable : dès l’annonce, en voix off, du maître de cérémonie, la rumeur s’éteint, pour faire place à une attention soutenue autant que chaleureuse.

   Le pianiste choisit tout au long du set de privilégier le répertoire de son tout récent album, « The Melody » (Pirouet), et la première composition au titre mystérieux pose le décor : forme très élaborée, avec pluralité d’éléments thématiques, surprises et ruptures, et un climat très concertant, où chaque instrument dialogue avec la forme. Dans cette forme en mouvement s’enchâsse un autre thème, Iago, composé en hommage au pianiste brésilien Werner Iago. Ici le trio s’emballe, dans une pulsation de fête. Vient ensuite un thème emprunté au nouveau quartette de Kenny Werner, « Animal Crackers » (Dan Blake au sax, Jorge Roeder & Richie Barshay). Une composition très segmentée, d’une grande liberté tonale, mais qui revient constamment au centre de tonalité. Comme chez Monk, c’est une musique de labeur, où chaque phrase paraît lutter avec l’opacité de la matière sonore, jusqu’au moment où, libérée par le drive, la phrase s’envole.

   Le pianiste revient au répertoire du nouveau CD avec Who ? ; c’est comme une suite, sur un groove intense de la batterie et de la basse, que le piano survole : ici il accentue, là il relance, ailleurs il esquive…. Ari Hoenig et Johannes Weidenmüller, livrés à eux-même le temps d’un solo en dialogue, s’en donnent à cœur joie, dans un emballement de figures diaboliques où la finesse garde ses droits : la grande classe, en quelque sorte. Après la salve d’applaudissements qui s’imposait, le climat change : Kenny Werner nous offre une introduction en ballade très modulante, pleine de finesse, où le commentaire de la main gauche produit une riche interaction, mais sans ostentation ; presque une valse romantique, qui va déboucher sur la Sicilienne de Jean Sébastien Bach. Et le pianiste nous entraîne dans labyrinthe de variations qui nous donne à penser qu’il garde en mémoire Goldberg et Diabelli…. Soudain le tempo se démultiplie, dans une tension époustouflante qui nous entraîne vers la musique caribéenne.

   Vient le temps de conclure le premier set, et l’on revient au tout récent disque avec Beauty Secrets, une valse mélancolique qui tourne à l’explosion fervente avant de revenir vers la quiétude. Et pour le bref rappel, ce sera un entremêlement de standards du jazz passés à la moulinette de la connivence et de la joute ludique : bouquet final pour un feu qui n’est pas d’artifice, mais de profonde musicalité !

Xavier Prévost

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Après quelques lustres sans visiter New York, et quelques années sans écouter sur scène Kenny Werner, ce fut un double plaisir : découverte d’un lieu qui m’était inconnu, le Jazz Standard, et de retrouvailles avec un pianiste que j’admire.

Kenny Werner (piano), Johannes Weidenmüller (contrebasse), Ari Hoenig (batterie)

Jazz Standard, New York, 14 octobre 2015, 19h30 (premier set)

   Le lieu d’abord, un sous-sol spacieux, avec une scène de belle taille, un piano plus qu’honorable, et un public attablé. Le restaurant est au rez-de-chaussée, mais quelques spectateurs dînent dans le club, juste avant et pendant le premier set. Et là, une légère inquiétude : j’avais assisté le 20 octobre 1982 à un concert de Phineas Newborn au défunt Sweet Basil (compte rendu publié dans Jazz Magazine n°314, janvier 1983), et ce soir-là, au long des deux premiers sets, le pianiste avait été gêné par les bruits de fourchettes et de conversations. Ici rien de semblable : dès l’annonce, en voix off, du maître de cérémonie, la rumeur s’éteint, pour faire place à une attention soutenue autant que chaleureuse.

   Le pianiste choisit tout au long du set de privilégier le répertoire de son tout récent album, « The Melody » (Pirouet), et la première composition au titre mystérieux pose le décor : forme très élaborée, avec pluralité d’éléments thématiques, surprises et ruptures, et un climat très concertant, où chaque instrument dialogue avec la forme. Dans cette forme en mouvement s’enchâsse un autre thème, Iago, composé en hommage au pianiste brésilien Werner Iago. Ici le trio s’emballe, dans une pulsation de fête. Vient ensuite un thème emprunté au nouveau quartette de Kenny Werner, « Animal Crackers » (Dan Blake au sax, Jorge Roeder & Richie Barshay). Une composition très segmentée, d’une grande liberté tonale, mais qui revient constamment au centre de tonalité. Comme chez Monk, c’est une musique de labeur, où chaque phrase paraît lutter avec l’opacité de la matière sonore, jusqu’au moment où, libérée par le drive, la phrase s’envole.

   Le pianiste revient au répertoire du nouveau CD avec Who ? ; c’est comme une suite, sur un groove intense de la batterie et de la basse, que le piano survole : ici il accentue, là il relance, ailleurs il esquive…. Ari Hoenig et Johannes Weidenmüller, livrés à eux-même le temps d’un solo en dialogue, s’en donnent à cœur joie, dans un emballement de figures diaboliques où la finesse garde ses droits : la grande classe, en quelque sorte. Après la salve d’applaudissements qui s’imposait, le climat change : Kenny Werner nous offre une introduction en ballade très modulante, pleine de finesse, où le commentaire de la main gauche produit une riche interaction, mais sans ostentation ; presque une valse romantique, qui va déboucher sur la Sicilienne de Jean Sébastien Bach. Et le pianiste nous entraîne dans labyrinthe de variations qui nous donne à penser qu’il garde en mémoire Goldberg et Diabelli…. Soudain le tempo se démultiplie, dans une tension époustouflante qui nous entraîne vers la musique caribéenne.

   Vient le temps de conclure le premier set, et l’on revient au tout récent disque avec Beauty Secrets, une valse mélancolique qui tourne à l’explosion fervente avant de revenir vers la quiétude. Et pour le bref rappel, ce sera un entremêlement de standards du jazz passés à la moulinette de la connivence et de la joute ludique : bouquet final pour un feu qui n’est pas d’artifice, mais de profonde musicalité !

Xavier Prévost