Jazz live
Publié le 17 Oct 2015

Autumn in New York : TOM HARRELL QUARTET au Village Vanguard

Un soir au Village Vanguard, peut-on rêver mieux pour un jazzfan, même chenu. Et c’est plus encore quand vous y êtes en compagnie du pianiste Dan Tepfer, arrivé l’après midi même d’une série de concerts au Festival de Tourcoing, en duo avec Lee Konitz, et en solo ; et d’une exquise personne de votre entourage : la musique, comme la grande cuisine et le bon vin, ne s’apprécie vraiment qu’en bonne compagnie !

 

Tom Harrell (bugle), Wayne Escoffery (saxophone ténor), Danny Grissett (piano), Ugonna Okegwo (contrebasse), Adam Cruz (batterie)

Village Vanguard, New York, 15 octobre 2015, 20h30 (premier set)

 

   Dès la première phrase de bugle (ce sera l’instrument de la soirée pour le leader, comme c’est très souvent le cas ces derniers temps), on est happé par une présence, une identité, une force d’expression qui ne nous lâcheront pas jusqu’au terme du set. La couleur du premier thème est un peu celle des années 60, avec on ne sait quoi de rigueur formelle, adoucie par l’engagement du groupe. La sobriété de Tom Harrell dans les solos contraste avec la volubilité presque rageuse du ténor. L’attention comme la tension semblent régir la communication entre les partenaires, attention bienveillante et tension féconde : c’est du sérieux, on n’est pas là juste pour un gig ! Sur Monk’s Dream  l’ambition s’affirme d’aborder un répertoire pourtant balisé avec liberté, créativité, sans servilité mais au plus près de l’esprit (le solo de piano de Danny Grissett). 

   Puis ce sera l’atmosphère funky des années 50, adoucie, dans un thème issu du plus récent album de Tom (« Trip », 2013, dans lequel le sax était Mark Turner). Et là encore la palette apporte d’autres couleurs. Quand vient le standard, There Will Never Be Another You, le groupe joue encore d’autres nuances : le pianiste nous envoie un chorus dont la main droite reflète les plus pures traditions stylistiques du grand bebop, tendance Bud Powell…. C’est alors que survient l’instant de bonheur absolu : un duo avec piano, sur Journey to the Stars, une composition de Tom Harrell (« Number Five », 2011) aux évidences de standard. L’intensité expressive est à son comble (on en frissonne encore), et le recueillement du pianiste au-delà de tout éloge. Sobre présentation des membres du groupe, avec le renfort de Wayne Escoffery qui pallie le retrait d’expression de Tom, et le set se conclut avec éclat par un thème à l’hispanique (tendance « Olé » de Coltrane), où l’effervescence est à son comble, bugle compris : le tandem contrebasse-batterie est à la fête.

   Cela fait pas mal d’année que j’entends sur scène, avec admiration, Tom Harrell. Quand il écoute ses partenaires, impassible, figé, le regard perdu vers le sol, je suis parfois tenté de m’interroger sur ce repli sur lui-même, l’absence totale de marqueurs d’émotions qui se révèlent pourtant à chaque mesure des plus intenses. Parfois mon esprit s’évade : pendant qu’un membre du groupe joue son solo, je l’imagine déroulant, sur une page virtuelle connue de lui seul, chaque note, chaque accent, chaque syncope. Ou voit-il au contraire s’étendre un univers de couleurs et de formes, ou alors un paysage, comme ce tableau que j’ai contemplé la veille du concert au musée d’art moderne de New York (MoMA) : il est signé du peintre Andrew Wyeth, et s’intitule Christina’s World. On y voit une femme, à demi allongée dans une prairie, et comme rampant vers l’horizon (une maison, et une grange). Elle tend vers ce but dont on devine que l’atteindre lui sera pénible ; et pourtant l’issue ne fait aucun doute, l’espoir porte la quête, et l’horizon vient à nous. C’est à cela que me fait penser Tom Harrell : « tout un monde lointain, absent, presque défunt », et dont pourtant l’évidence à chaque fois s’impose avec une force qui nous laisse sans voix…. et sans mots pour le dire !

Xavier Prévost

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Un soir au Village Vanguard, peut-on rêver mieux pour un jazzfan, même chenu. Et c’est plus encore quand vous y êtes en compagnie du pianiste Dan Tepfer, arrivé l’après midi même d’une série de concerts au Festival de Tourcoing, en duo avec Lee Konitz, et en solo ; et d’une exquise personne de votre entourage : la musique, comme la grande cuisine et le bon vin, ne s’apprécie vraiment qu’en bonne compagnie !

 

Tom Harrell (bugle), Wayne Escoffery (saxophone ténor), Danny Grissett (piano), Ugonna Okegwo (contrebasse), Adam Cruz (batterie)

Village Vanguard, New York, 15 octobre 2015, 20h30 (premier set)

 

   Dès la première phrase de bugle (ce sera l’instrument de la soirée pour le leader, comme c’est très souvent le cas ces derniers temps), on est happé par une présence, une identité, une force d’expression qui ne nous lâcheront pas jusqu’au terme du set. La couleur du premier thème est un peu celle des années 60, avec on ne sait quoi de rigueur formelle, adoucie par l’engagement du groupe. La sobriété de Tom Harrell dans les solos contraste avec la volubilité presque rageuse du ténor. L’attention comme la tension semblent régir la communication entre les partenaires, attention bienveillante et tension féconde : c’est du sérieux, on n’est pas là juste pour un gig ! Sur Monk’s Dream  l’ambition s’affirme d’aborder un répertoire pourtant balisé avec liberté, créativité, sans servilité mais au plus près de l’esprit (le solo de piano de Danny Grissett). 

   Puis ce sera l’atmosphère funky des années 50, adoucie, dans un thème issu du plus récent album de Tom (« Trip », 2013, dans lequel le sax était Mark Turner). Et là encore la palette apporte d’autres couleurs. Quand vient le standard, There Will Never Be Another You, le groupe joue encore d’autres nuances : le pianiste nous envoie un chorus dont la main droite reflète les plus pures traditions stylistiques du grand bebop, tendance Bud Powell…. C’est alors que survient l’instant de bonheur absolu : un duo avec piano, sur Journey to the Stars, une composition de Tom Harrell (« Number Five », 2011) aux évidences de standard. L’intensité expressive est à son comble (on en frissonne encore), et le recueillement du pianiste au-delà de tout éloge. Sobre présentation des membres du groupe, avec le renfort de Wayne Escoffery qui pallie le retrait d’expression de Tom, et le set se conclut avec éclat par un thème à l’hispanique (tendance « Olé » de Coltrane), où l’effervescence est à son comble, bugle compris : le tandem contrebasse-batterie est à la fête.

   Cela fait pas mal d’année que j’entends sur scène, avec admiration, Tom Harrell. Quand il écoute ses partenaires, impassible, figé, le regard perdu vers le sol, je suis parfois tenté de m’interroger sur ce repli sur lui-même, l’absence totale de marqueurs d’émotions qui se révèlent pourtant à chaque mesure des plus intenses. Parfois mon esprit s’évade : pendant qu’un membre du groupe joue son solo, je l’imagine déroulant, sur une page virtuelle connue de lui seul, chaque note, chaque accent, chaque syncope. Ou voit-il au contraire s’étendre un univers de couleurs et de formes, ou alors un paysage, comme ce tableau que j’ai contemplé la veille du concert au musée d’art moderne de New York (MoMA) : il est signé du peintre Andrew Wyeth, et s’intitule Christina’s World. On y voit une femme, à demi allongée dans une prairie, et comme rampant vers l’horizon (une maison, et une grange). Elle tend vers ce but dont on devine que l’atteindre lui sera pénible ; et pourtant l’issue ne fait aucun doute, l’espoir porte la quête, et l’horizon vient à nous. C’est à cela que me fait penser Tom Harrell : « tout un monde lointain, absent, presque défunt », et dont pourtant l’évidence à chaque fois s’impose avec une force qui nous laisse sans voix…. et sans mots pour le dire !

Xavier Prévost

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Un soir au Village Vanguard, peut-on rêver mieux pour un jazzfan, même chenu. Et c’est plus encore quand vous y êtes en compagnie du pianiste Dan Tepfer, arrivé l’après midi même d’une série de concerts au Festival de Tourcoing, en duo avec Lee Konitz, et en solo ; et d’une exquise personne de votre entourage : la musique, comme la grande cuisine et le bon vin, ne s’apprécie vraiment qu’en bonne compagnie !

 

Tom Harrell (bugle), Wayne Escoffery (saxophone ténor), Danny Grissett (piano), Ugonna Okegwo (contrebasse), Adam Cruz (batterie)

Village Vanguard, New York, 15 octobre 2015, 20h30 (premier set)

 

   Dès la première phrase de bugle (ce sera l’instrument de la soirée pour le leader, comme c’est très souvent le cas ces derniers temps), on est happé par une présence, une identité, une force d’expression qui ne nous lâcheront pas jusqu’au terme du set. La couleur du premier thème est un peu celle des années 60, avec on ne sait quoi de rigueur formelle, adoucie par l’engagement du groupe. La sobriété de Tom Harrell dans les solos contraste avec la volubilité presque rageuse du ténor. L’attention comme la tension semblent régir la communication entre les partenaires, attention bienveillante et tension féconde : c’est du sérieux, on n’est pas là juste pour un gig ! Sur Monk’s Dream  l’ambition s’affirme d’aborder un répertoire pourtant balisé avec liberté, créativité, sans servilité mais au plus près de l’esprit (le solo de piano de Danny Grissett). 

   Puis ce sera l’atmosphère funky des années 50, adoucie, dans un thème issu du plus récent album de Tom (« Trip », 2013, dans lequel le sax était Mark Turner). Et là encore la palette apporte d’autres couleurs. Quand vient le standard, There Will Never Be Another You, le groupe joue encore d’autres nuances : le pianiste nous envoie un chorus dont la main droite reflète les plus pures traditions stylistiques du grand bebop, tendance Bud Powell…. C’est alors que survient l’instant de bonheur absolu : un duo avec piano, sur Journey to the Stars, une composition de Tom Harrell (« Number Five », 2011) aux évidences de standard. L’intensité expressive est à son comble (on en frissonne encore), et le recueillement du pianiste au-delà de tout éloge. Sobre présentation des membres du groupe, avec le renfort de Wayne Escoffery qui pallie le retrait d’expression de Tom, et le set se conclut avec éclat par un thème à l’hispanique (tendance « Olé » de Coltrane), où l’effervescence est à son comble, bugle compris : le tandem contrebasse-batterie est à la fête.

   Cela fait pas mal d’année que j’entends sur scène, avec admiration, Tom Harrell. Quand il écoute ses partenaires, impassible, figé, le regard perdu vers le sol, je suis parfois tenté de m’interroger sur ce repli sur lui-même, l’absence totale de marqueurs d’émotions qui se révèlent pourtant à chaque mesure des plus intenses. Parfois mon esprit s’évade : pendant qu’un membre du groupe joue son solo, je l’imagine déroulant, sur une page virtuelle connue de lui seul, chaque note, chaque accent, chaque syncope. Ou voit-il au contraire s’étendre un univers de couleurs et de formes, ou alors un paysage, comme ce tableau que j’ai contemplé la veille du concert au musée d’art moderne de New York (MoMA) : il est signé du peintre Andrew Wyeth, et s’intitule Christina’s World. On y voit une femme, à demi allongée dans une prairie, et comme rampant vers l’horizon (une maison, et une grange). Elle tend vers ce but dont on devine que l’atteindre lui sera pénible ; et pourtant l’issue ne fait aucun doute, l’espoir porte la quête, et l’horizon vient à nous. C’est à cela que me fait penser Tom Harrell : « tout un monde lointain, absent, presque défunt », et dont pourtant l’évidence à chaque fois s’impose avec une force qui nous laisse sans voix…. et sans mots pour le dire !

Xavier Prévost

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Un soir au Village Vanguard, peut-on rêver mieux pour un jazzfan, même chenu. Et c’est plus encore quand vous y êtes en compagnie du pianiste Dan Tepfer, arrivé l’après midi même d’une série de concerts au Festival de Tourcoing, en duo avec Lee Konitz, et en solo ; et d’une exquise personne de votre entourage : la musique, comme la grande cuisine et le bon vin, ne s’apprécie vraiment qu’en bonne compagnie !

 

Tom Harrell (bugle), Wayne Escoffery (saxophone ténor), Danny Grissett (piano), Ugonna Okegwo (contrebasse), Adam Cruz (batterie)

Village Vanguard, New York, 15 octobre 2015, 20h30 (premier set)

 

   Dès la première phrase de bugle (ce sera l’instrument de la soirée pour le leader, comme c’est très souvent le cas ces derniers temps), on est happé par une présence, une identité, une force d’expression qui ne nous lâcheront pas jusqu’au terme du set. La couleur du premier thème est un peu celle des années 60, avec on ne sait quoi de rigueur formelle, adoucie par l’engagement du groupe. La sobriété de Tom Harrell dans les solos contraste avec la volubilité presque rageuse du ténor. L’attention comme la tension semblent régir la communication entre les partenaires, attention bienveillante et tension féconde : c’est du sérieux, on n’est pas là juste pour un gig ! Sur Monk’s Dream  l’ambition s’affirme d’aborder un répertoire pourtant balisé avec liberté, créativité, sans servilité mais au plus près de l’esprit (le solo de piano de Danny Grissett). 

   Puis ce sera l’atmosphère funky des années 50, adoucie, dans un thème issu du plus récent album de Tom (« Trip », 2013, dans lequel le sax était Mark Turner). Et là encore la palette apporte d’autres couleurs. Quand vient le standard, There Will Never Be Another You, le groupe joue encore d’autres nuances : le pianiste nous envoie un chorus dont la main droite reflète les plus pures traditions stylistiques du grand bebop, tendance Bud Powell…. C’est alors que survient l’instant de bonheur absolu : un duo avec piano, sur Journey to the Stars, une composition de Tom Harrell (« Number Five », 2011) aux évidences de standard. L’intensité expressive est à son comble (on en frissonne encore), et le recueillement du pianiste au-delà de tout éloge. Sobre présentation des membres du groupe, avec le renfort de Wayne Escoffery qui pallie le retrait d’expression de Tom, et le set se conclut avec éclat par un thème à l’hispanique (tendance « Olé » de Coltrane), où l’effervescence est à son comble, bugle compris : le tandem contrebasse-batterie est à la fête.

   Cela fait pas mal d’année que j’entends sur scène, avec admiration, Tom Harrell. Quand il écoute ses partenaires, impassible, figé, le regard perdu vers le sol, je suis parfois tenté de m’interroger sur ce repli sur lui-même, l’absence totale de marqueurs d’émotions qui se révèlent pourtant à chaque mesure des plus intenses. Parfois mon esprit s’évade : pendant qu’un membre du groupe joue son solo, je l’imagine déroulant, sur une page virtuelle connue de lui seul, chaque note, chaque accent, chaque syncope. Ou voit-il au contraire s’étendre un univers de couleurs et de formes, ou alors un paysage, comme ce tableau que j’ai contemplé la veille du concert au musée d’art moderne de New York (MoMA) : il est signé du peintre Andrew Wyeth, et s’intitule Christina’s World. On y voit une femme, à demi allongée dans une prairie, et comme rampant vers l’horizon (une maison, et une grange). Elle tend vers ce but dont on devine que l’atteindre lui sera pénible ; et pourtant l’issue ne fait aucun doute, l’espoir porte la quête, et l’horizon vient à nous. C’est à cela que me fait penser Tom Harrell : « tout un monde lointain, absent, presque défunt », et dont pourtant l’évidence à chaque fois s’impose avec une force qui nous laisse sans voix…. et sans mots pour le dire !

Xavier Prévost