Baldwin in Transit à la Fonderie

À la Fonderie de Malakoff, jeudi 25 septembre, le studio Sextan accueillait le programme “Baldwin in Transit” de Stéphane Payen à l’occasion de la publication par les Jazzdor Series du “livret” de Jamika Ajalon, Mike Ladd et Tamara Walcott préfacé par Alexandre Pierrepont et ses citations de James Baldwin.
Ce fut une patiente élaboration, dont j’avais assisté à l’une des première étapes, peut-être la première ce 23 octobre 2021, au 19 rue Paul Fort chez la mécène Hélène Aziza : un trio réuni par Stéphane Payen avec Dominique Pifarély et Marc Ducret qui s’était substitué à Sylvaine Hélary indisponible. Je décrivais « une espèce de flux à trois voix sur des partitions qui sont plus des propositions de cheminements, des options pour des situations à venir lorsque les trois récitants viendront ajouter leurs voix et les mots de James Baldwin. » À l’issue d’une au festival Les Émouvantes de Marseille (après création à Nancy le 7 novembre 2021), Stéphane Payen nous avait prodigué des commentaires passionnées de son écriture que j’avais renoncé à prendre en note. Il y a du savant dans son laboratoire chez Stéphane Payen, mathématicien et physicien, voir chimiste. Mais du type qui crée des univers avec des étincelles dans le regard. On ne saurait retranscrire leurs propos, mais on en sort profondément ému.
Il y a quelque chose de cette nature chez James Baldwin. En tout cas, en ce qui me concerne, que je le lise ou que j’écoute sa voix, il s’en dégage plus une lumière qu’une compréhension mot à mot, quelque chose d’éminemment poétique quelle que soit l’intelligence de son propos, mais c’est peut-être cette intelligence même qui produit cette luminosité au-delà du discours articulé.
Et c’est cette luminosité qui fait tenir ce Baldwin in Transit à l’écoute duquel on ne saisit pas bien comment tiennent ensemble ce double pupitre d’instruments – Stéphane Payen (saxophone alto droit), Dominique Pifarély (violon), Sylvaine Hélary (flûte) et Marc Ducret (guitare électrique) – et ce livret original écrit-improvisé à trois voix (Jamika Ajalon, Mike Ladd, Tamara Walcott) qui déploient, endossent, interpellent la problématique de l’identité noire, de la couleur de peau, de l’exil, de l’apatride, du regard de l’autre. De cette déglingue, de ce dispositif improbable, ils dressent à eux sept une forteresse indestructible, une mécanique invincible qui fait fonctionner ensemble un jeu extraordinairement huilé et élancé d’engrenages entre l’improvisation et l’écriture, de verbe et le son. Franck Bergerot