Jazz live
Publié le 22 Mar 2014

Bergamo Jazz, Bergame, Italie. Du 21 au 23/03. 1° soirée

Bergamo Jazz, Bergame, Italie. Du 21 au 23/03.

C’est la troisième ­— et dernière — année qu’Enrico Rava assure la direction artistique du festival lombard, et personne ne se plaindra qu’il ait fait en sorte que les représentants de la trompette — mais pas que — soient fortement représentés au Teatro Donizetti comme sur les autres scènes de Bergame. Trois jours intenses où, entre soleil printanier et pluie la cité historique vibra au son d’un jazz inventif et diversifié.

21/03 : Myra Melford « Snowy Egret » : Ron Miles (ct), Myra Melford (p, clavier), Liberty Ellman (g), Stomu Takeishi (elb), Ted Poor (dm) / Joshua Redman Quartet : Joshua Redman (ts), Aaron Goldberg (p), Reuben Rogers (b), Greg Hutchinson (dm).

Dès le début ça vous déroute et vous accroche en même temps : des bribes de lignes mélodiques fureteuses qui semblent dispersées aux quatre coins de la scène puis se croisent et se rassemblent tandis qu’une pulsation apparemment chaotique et embryonnaire prend corps et sous-tend le tout sans en avoir l’air, ponctuée de petites interventions bruitistes de la guitare ou du piano, avant que la basse ne l’appuie et ne l’épaississe. Voilà bien un art du groove à la fois abstrait et charnel en action. Et quand apparaissent les solos — bienvenus mais qu’on n’attendait pas nécessairement tant la soupe primale qui précédait foisonnait de trésors sonores — on savoure la qualité d’un timbre (Ron Miles) d’un toucher (Myra Melford), d’une suite d’accords (Liberty Ellman). Que ces solistes, de surcroît, racontent une histoire, ne peut que nous ravir. Leur erreur sera sans doute ensuite de laisser se distendre le lien organique instauré au départ, et de faire apparaître les diverses interventions solistes comme des pièces rapportées hâtivement collées entre elles par des riffs auxquels manque la vigueur qui vous agrippe au col et ne vous lâche plus. Car quand on a débuté de façon aussi inusitée, on se doit de maintenir le cap. Certes Miss Melford est une passionnante pianiste et Mr. Ellman un guitariste hors-pair. Ron Miles est, lui aussi, à sortir du lot des trompettistes actuels. Quant à la rythmique (Ted Poor/Stomu Takeishi), elle est irréprochable. Mais quand tout ce monde se met au service d’un thème emmené par le clavier de la leadeuse, — une sorte de mélodica au son d’harmonium indien (instrument qu’elle a longuement étudié sur place) —, on a du mal à les suivre et la magie opère nettement moins. Un blues festif et clairement néo-orléanais viendra en rappel rallier le public, mais rien ne remplacera le naturel de la pièce initiale, dont la fraîcheur eût pu évoquer une jungle du Douanier Rousseau.

Quelles que soient les réticences qu’on puisse avoir envers la prestation globalement originale du groupe de Myra Melford, celle du quartet de Joshua Redman apparaît en regard et d’emblée comme proprette et gentillette. Une sympathique intro en duo, où le piano d’Aaron Goldberg déroule un arpège répétitif tandis que le ténor expose le thème, rappelle à qui — comme moi — n’a pas entendu Redman depuis longtemps à quel point sa sonorité étriquée et brumeuse semble incapable de véhiculer une quelconque émotion tandis qu’un phrasé lisse et fondamentalement « scolaire » propulse hors du saxophone les clichés en pagaille. Un stop chorus confirmera la chose en début de second morceau, car le souffleur sait que son jeu calibré plait. Le public aime retrouver ses marques, et applaudir quatre jeunes gens bien mis et — reconnaissons-le — globalement doués, rassure. Mais sentir que la rythmique de premier ordre Goldberg, Rogers, Hutchinson ne pourra jamais sortir de ses gonds parce que le boss n’aime pas cela, ne le veut pas, voire n’en est pas capable, est frustrant. Alors tandis que Redman enfile de façon mi-sportive mi-mécanique les gammes en guise de chorus, ses trois accompagnateurs rongent poliment leur frein en faisant bonne figure. Mais nous, que la fatigue gagne, rien ne nous oblige à assister plus longtemps à cet insipide déploiement de talent calibré. Alors « Buona notte. Ci vediamo domani ! ». Thierry Quénum


Et demain c’est Nate Wooley, Gianluca Petrella et « Il Bidone », suivi du quartet de Dave Douglas avec Tom Harrell en invité. Du lourd !

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Bergamo Jazz, Bergame, Italie. Du 21 au 23/03.

C’est la troisième ­— et dernière — année qu’Enrico Rava assure la direction artistique du festival lombard, et personne ne se plaindra qu’il ait fait en sorte que les représentants de la trompette — mais pas que — soient fortement représentés au Teatro Donizetti comme sur les autres scènes de Bergame. Trois jours intenses où, entre soleil printanier et pluie la cité historique vibra au son d’un jazz inventif et diversifié.

21/03 : Myra Melford « Snowy Egret » : Ron Miles (ct), Myra Melford (p, clavier), Liberty Ellman (g), Stomu Takeishi (elb), Ted Poor (dm) / Joshua Redman Quartet : Joshua Redman (ts), Aaron Goldberg (p), Reuben Rogers (b), Greg Hutchinson (dm).

Dès le début ça vous déroute et vous accroche en même temps : des bribes de lignes mélodiques fureteuses qui semblent dispersées aux quatre coins de la scène puis se croisent et se rassemblent tandis qu’une pulsation apparemment chaotique et embryonnaire prend corps et sous-tend le tout sans en avoir l’air, ponctuée de petites interventions bruitistes de la guitare ou du piano, avant que la basse ne l’appuie et ne l’épaississe. Voilà bien un art du groove à la fois abstrait et charnel en action. Et quand apparaissent les solos — bienvenus mais qu’on n’attendait pas nécessairement tant la soupe primale qui précédait foisonnait de trésors sonores — on savoure la qualité d’un timbre (Ron Miles) d’un toucher (Myra Melford), d’une suite d’accords (Liberty Ellman). Que ces solistes, de surcroît, racontent une histoire, ne peut que nous ravir. Leur erreur sera sans doute ensuite de laisser se distendre le lien organique instauré au départ, et de faire apparaître les diverses interventions solistes comme des pièces rapportées hâtivement collées entre elles par des riffs auxquels manque la vigueur qui vous agrippe au col et ne vous lâche plus. Car quand on a débuté de façon aussi inusitée, on se doit de maintenir le cap. Certes Miss Melford est une passionnante pianiste et Mr. Ellman un guitariste hors-pair. Ron Miles est, lui aussi, à sortir du lot des trompettistes actuels. Quant à la rythmique (Ted Poor/Stomu Takeishi), elle est irréprochable. Mais quand tout ce monde se met au service d’un thème emmené par le clavier de la leadeuse, — une sorte de mélodica au son d’harmonium indien (instrument qu’elle a longuement étudié sur place) —, on a du mal à les suivre et la magie opère nettement moins. Un blues festif et clairement néo-orléanais viendra en rappel rallier le public, mais rien ne remplacera le naturel de la pièce initiale, dont la fraîcheur eût pu évoquer une jungle du Douanier Rousseau.

Quelles que soient les réticences qu’on puisse avoir envers la prestation globalement originale du groupe de Myra Melford, celle du quartet de Joshua Redman apparaît en regard et d’emblée comme proprette et gentillette. Une sympathique intro en duo, où le piano d’Aaron Goldberg déroule un arpège répétitif tandis que le ténor expose le thème, rappelle à qui — comme moi — n’a pas entendu Redman depuis longtemps à quel point sa sonorité étriquée et brumeuse semble incapable de véhiculer une quelconque émotion tandis qu’un phrasé lisse et fondamentalement « scolaire » propulse hors du saxophone les clichés en pagaille. Un stop chorus confirmera la chose en début de second morceau, car le souffleur sait que son jeu calibré plait. Le public aime retrouver ses marques, et applaudir quatre jeunes gens bien mis et — reconnaissons-le — globalement doués, rassure. Mais sentir que la rythmique de premier ordre Goldberg, Rogers, Hutchinson ne pourra jamais sortir de ses gonds parce que le boss n’aime pas cela, ne le veut pas, voire n’en est pas capable, est frustrant. Alors tandis que Redman enfile de façon mi-sportive mi-mécanique les gammes en guise de chorus, ses trois accompagnateurs rongent poliment leur frein en faisant bonne figure. Mais nous, que la fatigue gagne, rien ne nous oblige à assister plus longtemps à cet insipide déploiement de talent calibré. Alors « Buona notte. Ci vediamo domani ! ». Thierry Quénum


Et demain c’est Nate Wooley, Gianluca Petrella et « Il Bidone », suivi du quartet de Dave Douglas avec Tom Harrell en invité. Du lourd !

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Bergamo Jazz, Bergame, Italie. Du 21 au 23/03.

C’est la troisième ­— et dernière — année qu’Enrico Rava assure la direction artistique du festival lombard, et personne ne se plaindra qu’il ait fait en sorte que les représentants de la trompette — mais pas que — soient fortement représentés au Teatro Donizetti comme sur les autres scènes de Bergame. Trois jours intenses où, entre soleil printanier et pluie la cité historique vibra au son d’un jazz inventif et diversifié.

21/03 : Myra Melford « Snowy Egret » : Ron Miles (ct), Myra Melford (p, clavier), Liberty Ellman (g), Stomu Takeishi (elb), Ted Poor (dm) / Joshua Redman Quartet : Joshua Redman (ts), Aaron Goldberg (p), Reuben Rogers (b), Greg Hutchinson (dm).

Dès le début ça vous déroute et vous accroche en même temps : des bribes de lignes mélodiques fureteuses qui semblent dispersées aux quatre coins de la scène puis se croisent et se rassemblent tandis qu’une pulsation apparemment chaotique et embryonnaire prend corps et sous-tend le tout sans en avoir l’air, ponctuée de petites interventions bruitistes de la guitare ou du piano, avant que la basse ne l’appuie et ne l’épaississe. Voilà bien un art du groove à la fois abstrait et charnel en action. Et quand apparaissent les solos — bienvenus mais qu’on n’attendait pas nécessairement tant la soupe primale qui précédait foisonnait de trésors sonores — on savoure la qualité d’un timbre (Ron Miles) d’un toucher (Myra Melford), d’une suite d’accords (Liberty Ellman). Que ces solistes, de surcroît, racontent une histoire, ne peut que nous ravir. Leur erreur sera sans doute ensuite de laisser se distendre le lien organique instauré au départ, et de faire apparaître les diverses interventions solistes comme des pièces rapportées hâtivement collées entre elles par des riffs auxquels manque la vigueur qui vous agrippe au col et ne vous lâche plus. Car quand on a débuté de façon aussi inusitée, on se doit de maintenir le cap. Certes Miss Melford est une passionnante pianiste et Mr. Ellman un guitariste hors-pair. Ron Miles est, lui aussi, à sortir du lot des trompettistes actuels. Quant à la rythmique (Ted Poor/Stomu Takeishi), elle est irréprochable. Mais quand tout ce monde se met au service d’un thème emmené par le clavier de la leadeuse, — une sorte de mélodica au son d’harmonium indien (instrument qu’elle a longuement étudié sur place) —, on a du mal à les suivre et la magie opère nettement moins. Un blues festif et clairement néo-orléanais viendra en rappel rallier le public, mais rien ne remplacera le naturel de la pièce initiale, dont la fraîcheur eût pu évoquer une jungle du Douanier Rousseau.

Quelles que soient les réticences qu’on puisse avoir envers la prestation globalement originale du groupe de Myra Melford, celle du quartet de Joshua Redman apparaît en regard et d’emblée comme proprette et gentillette. Une sympathique intro en duo, où le piano d’Aaron Goldberg déroule un arpège répétitif tandis que le ténor expose le thème, rappelle à qui — comme moi — n’a pas entendu Redman depuis longtemps à quel point sa sonorité étriquée et brumeuse semble incapable de véhiculer une quelconque émotion tandis qu’un phrasé lisse et fondamentalement « scolaire » propulse hors du saxophone les clichés en pagaille. Un stop chorus confirmera la chose en début de second morceau, car le souffleur sait que son jeu calibré plait. Le public aime retrouver ses marques, et applaudir quatre jeunes gens bien mis et — reconnaissons-le — globalement doués, rassure. Mais sentir que la rythmique de premier ordre Goldberg, Rogers, Hutchinson ne pourra jamais sortir de ses gonds parce que le boss n’aime pas cela, ne le veut pas, voire n’en est pas capable, est frustrant. Alors tandis que Redman enfile de façon mi-sportive mi-mécanique les gammes en guise de chorus, ses trois accompagnateurs rongent poliment leur frein en faisant bonne figure. Mais nous, que la fatigue gagne, rien ne nous oblige à assister plus longtemps à cet insipide déploiement de talent calibré. Alors « Buona notte. Ci vediamo domani ! ». Thierry Quénum


Et demain c’est Nate Wooley, Gianluca Petrella et « Il Bidone », suivi du quartet de Dave Douglas avec Tom Harrell en invité. Du lourd !

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Bergamo Jazz, Bergame, Italie. Du 21 au 23/03.

C’est la troisième ­— et dernière — année qu’Enrico Rava assure la direction artistique du festival lombard, et personne ne se plaindra qu’il ait fait en sorte que les représentants de la trompette — mais pas que — soient fortement représentés au Teatro Donizetti comme sur les autres scènes de Bergame. Trois jours intenses où, entre soleil printanier et pluie la cité historique vibra au son d’un jazz inventif et diversifié.

21/03 : Myra Melford « Snowy Egret » : Ron Miles (ct), Myra Melford (p, clavier), Liberty Ellman (g), Stomu Takeishi (elb), Ted Poor (dm) / Joshua Redman Quartet : Joshua Redman (ts), Aaron Goldberg (p), Reuben Rogers (b), Greg Hutchinson (dm).

Dès le début ça vous déroute et vous accroche en même temps : des bribes de lignes mélodiques fureteuses qui semblent dispersées aux quatre coins de la scène puis se croisent et se rassemblent tandis qu’une pulsation apparemment chaotique et embryonnaire prend corps et sous-tend le tout sans en avoir l’air, ponctuée de petites interventions bruitistes de la guitare ou du piano, avant que la basse ne l’appuie et ne l’épaississe. Voilà bien un art du groove à la fois abstrait et charnel en action. Et quand apparaissent les solos — bienvenus mais qu’on n’attendait pas nécessairement tant la soupe primale qui précédait foisonnait de trésors sonores — on savoure la qualité d’un timbre (Ron Miles) d’un toucher (Myra Melford), d’une suite d’accords (Liberty Ellman). Que ces solistes, de surcroît, racontent une histoire, ne peut que nous ravir. Leur erreur sera sans doute ensuite de laisser se distendre le lien organique instauré au départ, et de faire apparaître les diverses interventions solistes comme des pièces rapportées hâtivement collées entre elles par des riffs auxquels manque la vigueur qui vous agrippe au col et ne vous lâche plus. Car quand on a débuté de façon aussi inusitée, on se doit de maintenir le cap. Certes Miss Melford est une passionnante pianiste et Mr. Ellman un guitariste hors-pair. Ron Miles est, lui aussi, à sortir du lot des trompettistes actuels. Quant à la rythmique (Ted Poor/Stomu Takeishi), elle est irréprochable. Mais quand tout ce monde se met au service d’un thème emmené par le clavier de la leadeuse, — une sorte de mélodica au son d’harmonium indien (instrument qu’elle a longuement étudié sur place) —, on a du mal à les suivre et la magie opère nettement moins. Un blues festif et clairement néo-orléanais viendra en rappel rallier le public, mais rien ne remplacera le naturel de la pièce initiale, dont la fraîcheur eût pu évoquer une jungle du Douanier Rousseau.

Quelles que soient les réticences qu’on puisse avoir envers la prestation globalement originale du groupe de Myra Melford, celle du quartet de Joshua Redman apparaît en regard et d’emblée comme proprette et gentillette. Une sympathique intro en duo, où le piano d’Aaron Goldberg déroule un arpège répétitif tandis que le ténor expose le thème, rappelle à qui — comme moi — n’a pas entendu Redman depuis longtemps à quel point sa sonorité étriquée et brumeuse semble incapable de véhiculer une quelconque émotion tandis qu’un phrasé lisse et fondamentalement « scolaire » propulse hors du saxophone les clichés en pagaille. Un stop chorus confirmera la chose en début de second morceau, car le souffleur sait que son jeu calibré plait. Le public aime retrouver ses marques, et applaudir quatre jeunes gens bien mis et — reconnaissons-le — globalement doués, rassure. Mais sentir que la rythmique de premier ordre Goldberg, Rogers, Hutchinson ne pourra jamais sortir de ses gonds parce que le boss n’aime pas cela, ne le veut pas, voire n’en est pas capable, est frustrant. Alors tandis que Redman enfile de façon mi-sportive mi-mécanique les gammes en guise de chorus, ses trois accompagnateurs rongent poliment leur frein en faisant bonne figure. Mais nous, que la fatigue gagne, rien ne nous oblige à assister plus longtemps à cet insipide déploiement de talent calibré. Alors « Buona notte. Ci vediamo domani ! ». Thierry Quénum


Et demain c’est Nate Wooley, Gianluca Petrella et « Il Bidone », suivi du quartet de Dave Douglas avec Tom Harrell en invité. Du lourd !