Jazz live
Publié le 5 Août 2025

Biarritz: Gregory Privat, piano phare

« Nous organisons  trois concerts en plein air dans le cadre de ce festival histoire de profiter de ce beau décor naturel de  la ville : la plage de la Côtée des Basques, la Cité de l’Océan et le Phare… » explique Thomas Valverde, pianiste et directeur artistique du Piano Biarritz  Festival. Lequel  évènement, à cheval sur la fin juillet et le mois d’août de la cité balnéaire se trouve surtout tourné essentiellement vers la musique classique. Mais n’oublie jamais de garder une porte ouverte sur les pianistes de jazz. Ainsi, à l’air libre, avec toujours toujours l’océan en bordure de scène et de décor, la musique capte-t-elle les embruns de la Côte Basque.

Etienne Manchon

Etienne Manchon assure la première partie pile au dessous du Phare, immense tour en silhouette élancée blanche porteuse de lumière nocturne si l’on est patient. Et qui domine le fond du Golfe de Gascogne. Sur le clavier le jeune pianiste la joue tout acoustique. Et éclectique: thème annoncé de Randy Crawford, chanson populaire québécoise, standards à gogo (All the things you are, Moon River…) Beaucoup d’accords pour assurer le rythme, en continuum un déroulé de phrases en notes détachées en séduction sous l’empreinte de la mélodie en balade. Des envies d’improvisation assumées. Plus une frise de blues au final en hommage à Ornette Coleman ( When will the blues live ) Rien de moins, sous un petit vent du large.

Gregory Privat (p, clav, voc) Samuel Fhima (b), Tilo Bertholo (dm)

Gregory Privat

Il ne nous a pas toujours habitué à ce cérémonial. D’aucuns peuvent s’en étonner. Pourtant, cet album Phoenix –ici ,fil rouge du concert du triol’a célébré, l’a consacré: Gregory Privat s’affirme désormais pianiste/vocaliste. Avec lui, tout de suite en live on entre dans le flux de la voix. Présente, nuancée, flexible mais toujours porteuse de musique, d’histoire, de sensations. D’émotions véhiculées à dessein « Sous ce titre je vous invite à un voyage à faire avec nous » annonce-t-il d’entrée de jeu. « Genesis » chapitre suivant ouvre le périple sur une courte ritournelle de notes claires répétées. Suit une grosse partie de basse. Dès la séquence chant conclue, un long développement de synthé impose ses couleurs sépias. Mais derrière, la rythmique, très prononcée, demeure en base fixe. Les compositions du CD mises en scène, dans le décor ambiant ouvert à 180° à fortiori, portent à l’onirisme « Avec ce titre, Las, je revendique la possibilité pour moi, pour vous, pour tous de vivre son rêve… » Le chant monte vers des tonalités d’aigües. Le solo appuyé fait se lever le pianiste afin de se donner la possibilité de jouer en bout de  bout de clavier. Question jeu, Grégory Privat donne volontiers dans un piano physique.

Histoire de piano, histoire de vie. Celle de son grand père s’est éteinte en Martinique, sa terre, à cent ans passés. Une fois encore, vocal et pratique pianistique se rejoignent pour cette célébration. Soit un vocal calqué sur le parcours de la main droite entre noires et blanches, quasi à l’unisson. basse jouée à l’archet, batterie teintée d’une ponctuation électronique génératrice de couleur (« Lotbo. A ») La musique écrite, jouée, bascule dans une dimension de pensée effervescente. Onirique. Et retour sans plus de détour à un piano jazz sous un même élan, enlevé, motifs en pulsions dans une sorte de défi (de chase) avec batterie et basse, lesquelles montent dans les tours. Immédiate « Métamorphosis » lancée tel un besoin pressant. Le piano, la voix…la voix, le piano…en balade, coolitude d’un vécu transmis et que l’on ressent alors très senti (« Supernova ») 

Samuel Fhima
Tilo Bertholot

Grégory Privat, dans l’exercice scénique ne se cache pas. Il se livre, extérieur intérieur. A Biarritz, là où cent mètres en contrebas de la scène sous les vagues et le mouvement de houle l’infinie langue de sable des Landes et de la Gironde se termine et les roches du granit basque commencent, son piano parle pour lui. Son « Soley » écrit et scandé dans le relief de sa langue créole maternelle déroule une houle avec ses ressacs, motifs de piano circulaires, résiliants pour une intensité accrue tandis que le soleil de tout un chacun, lui , se couche sur la Côte Basque. Le phare ne va pas tarder à s’illuminer en son sommet. 

Robert Latxague