Jazz live
Publié le 30 Oct 2012

Bill Carrothers Trio au Sunside 29-30/10

Bill Carrothers (p), Drew Gress (b), Dré Pallemaerts (dm). Paris, Sunside, 29/10.

Pour une bête raison de problèmes de correspondance d’avions (il habite au fin fond du Nord Michigan, près du Lac Supérieur, en pleine cambrousse) on avait raté Bill Carrothers début septembre, où il devait jouer en duo avec Marc Copland à Jazz à la Villette. Raison de plus pour se précipiter au concert du pianiste, annoncé deux soirs de suite au Sunside. C’est qu’il est plutôt rare et qu’il nous est carrément cher, Carrothers.

Qui sait mieux que lui, l’air de ne pas y toucher, faire surgir le jaillissement lyrique le plus intarissable au beau milieu d’une séquence harmonique d’une tendresse apparemment inoffensive ? Qui sait aussi bien tordre le cou à la réputation de « romantique éthéré » que d’aucuns lui ont faite, en enchaînant à un tempo d’enfer des phrases budpowelliennes dignes d’un disciple tout sauf besogneux du maître ? Qui possède ce toucher de soie et de velours sur les ballades comme sur tempo rapide, ce phrasé truffé de surprises rythmiques et d’accords à se damner ? Bref, on se rattrape du bug de septembre : Carrothers nous a manqué et c’est en l’entendant live en club qu’on réalise, en fait, à quel point. Entouré d’un Drew Gress qui épuise les superlatifs en un seul set et d’un Dré Pallemaerts dont la complicité et l’empathie avec le pianiste semblent se densifier d’année en année, Carrothers a donné dans un Sunside moyennement plein (le froid ? le lundi soir ? un autre pianiste au Trianon ? d’autres artistes ailleurs ?… aucune excuse ne tient, si vous voulez mon avis !) un récital émouvant, flamboyant, enthousiasmant.

Un de ces concerts qui fait se dire que, décidément non, on ne se lassera jamais du trio avec piano quand il est joué avec autant d’inventivité, d’interactivité, d’inspiration. Quand il brasse un répertoire aussi divers, original et pertinent : de Bach (une « Sicilienne », mêlée de citations de « Secret Love ») à Carrothers en passant par des standards méconnus ou un hommage à Lee Konitz, avec lequel le pianiste a joué récemment pendant quelques jours. Quand il embarque nos oreilles dans un voyage intense au cours duquel, pas même un instant, l’ombre de l’ennui ne guette tant les trois musiciens sur scène s’adonnent sans réserve à la musique et entraînent les auditeurs dans leur élan. D’ailleurs, après avoir pourtant annoncé la pause, Carrothers ne put s’empêcher de prolonger le premier set de deux morceaux, tant la musique qu’il portait en lui semblait déborder, balayant l’envie de se désaltérer ou de se détendre.

Le deuxième set démarre avec un thème enlevé, débordant d’énergie, où les phrases fusent sous les doigts du pianiste avec une rapidité d’exécution époustouflante. Pourtant pas de clichés dans ce flot ininterrompu : il intègre variations de tempos et d’intensité et, pour peu qu’on y prenne un peu garde, la coulée mélodique apparaît comme répondant à une construction aussi souple que rigoureuse. De l’improvisation dans le meilleur sens du terme — sans plans et sans filet —, tout comme le solo de basse qui viendra prendre place au milieu de ce morceau : un modèle de sobriété élégante et de rondeur boisée. Plus tard ce sera une divagation tendre et pleine d’humour sur la « Lettre à Elise », dédiée par le pianiste à sa femme Peg.

Si l’on devait résumer ce qui se joue entre Bill Carrothers, Drew Gress et Dré Pallemaerts, c’est sans doute de capacité à anticiper ou à épouser les initiatives du leader qu’il faudrait parler, ainsi que d’art de créer dans l’instant une sonorité commune par le truchement d’une écoute réciproque à la fois intense et empathique.

Que peut-on attendre de plus d’un concert de jazz ? Davantage de public !

Thierry Quénum


PS : Les mêmes, ce soir mardi 30/10, au même endroit.

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Bill Carrothers (p), Drew Gress (b), Dré Pallemaerts (dm). Paris, Sunside, 29/10.

Pour une bête raison de problèmes de correspondance d’avions (il habite au fin fond du Nord Michigan, près du Lac Supérieur, en pleine cambrousse) on avait raté Bill Carrothers début septembre, où il devait jouer en duo avec Marc Copland à Jazz à la Villette. Raison de plus pour se précipiter au concert du pianiste, annoncé deux soirs de suite au Sunside. C’est qu’il est plutôt rare et qu’il nous est carrément cher, Carrothers.

Qui sait mieux que lui, l’air de ne pas y toucher, faire surgir le jaillissement lyrique le plus intarissable au beau milieu d’une séquence harmonique d’une tendresse apparemment inoffensive ? Qui sait aussi bien tordre le cou à la réputation de « romantique éthéré » que d’aucuns lui ont faite, en enchaînant à un tempo d’enfer des phrases budpowelliennes dignes d’un disciple tout sauf besogneux du maître ? Qui possède ce toucher de soie et de velours sur les ballades comme sur tempo rapide, ce phrasé truffé de surprises rythmiques et d’accords à se damner ? Bref, on se rattrape du bug de septembre : Carrothers nous a manqué et c’est en l’entendant live en club qu’on réalise, en fait, à quel point. Entouré d’un Drew Gress qui épuise les superlatifs en un seul set et d’un Dré Pallemaerts dont la complicité et l’empathie avec le pianiste semblent se densifier d’année en année, Carrothers a donné dans un Sunside moyennement plein (le froid ? le lundi soir ? un autre pianiste au Trianon ? d’autres artistes ailleurs ?… aucune excuse ne tient, si vous voulez mon avis !) un récital émouvant, flamboyant, enthousiasmant.

Un de ces concerts qui fait se dire que, décidément non, on ne se lassera jamais du trio avec piano quand il est joué avec autant d’inventivité, d’interactivité, d’inspiration. Quand il brasse un répertoire aussi divers, original et pertinent : de Bach (une « Sicilienne », mêlée de citations de « Secret Love ») à Carrothers en passant par des standards méconnus ou un hommage à Lee Konitz, avec lequel le pianiste a joué récemment pendant quelques jours. Quand il embarque nos oreilles dans un voyage intense au cours duquel, pas même un instant, l’ombre de l’ennui ne guette tant les trois musiciens sur scène s’adonnent sans réserve à la musique et entraînent les auditeurs dans leur élan. D’ailleurs, après avoir pourtant annoncé la pause, Carrothers ne put s’empêcher de prolonger le premier set de deux morceaux, tant la musique qu’il portait en lui semblait déborder, balayant l’envie de se désaltérer ou de se détendre.

Le deuxième set démarre avec un thème enlevé, débordant d’énergie, où les phrases fusent sous les doigts du pianiste avec une rapidité d’exécution époustouflante. Pourtant pas de clichés dans ce flot ininterrompu : il intègre variations de tempos et d’intensité et, pour peu qu’on y prenne un peu garde, la coulée mélodique apparaît comme répondant à une construction aussi souple que rigoureuse. De l’improvisation dans le meilleur sens du terme — sans plans et sans filet —, tout comme le solo de basse qui viendra prendre place au milieu de ce morceau : un modèle de sobriété élégante et de rondeur boisée. Plus tard ce sera une divagation tendre et pleine d’humour sur la « Lettre à Elise », dédiée par le pianiste à sa femme Peg.

Si l’on devait résumer ce qui se joue entre Bill Carrothers, Drew Gress et Dré Pallemaerts, c’est sans doute de capacité à anticiper ou à épouser les initiatives du leader qu’il faudrait parler, ainsi que d’art de créer dans l’instant une sonorité commune par le truchement d’une écoute réciproque à la fois intense et empathique.

Que peut-on attendre de plus d’un concert de jazz ? Davantage de public !

Thierry Quénum


PS : Les mêmes, ce soir mardi 30/10, au même endroit.

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Bill Carrothers (p), Drew Gress (b), Dré Pallemaerts (dm). Paris, Sunside, 29/10.

Pour une bête raison de problèmes de correspondance d’avions (il habite au fin fond du Nord Michigan, près du Lac Supérieur, en pleine cambrousse) on avait raté Bill Carrothers début septembre, où il devait jouer en duo avec Marc Copland à Jazz à la Villette. Raison de plus pour se précipiter au concert du pianiste, annoncé deux soirs de suite au Sunside. C’est qu’il est plutôt rare et qu’il nous est carrément cher, Carrothers.

Qui sait mieux que lui, l’air de ne pas y toucher, faire surgir le jaillissement lyrique le plus intarissable au beau milieu d’une séquence harmonique d’une tendresse apparemment inoffensive ? Qui sait aussi bien tordre le cou à la réputation de « romantique éthéré » que d’aucuns lui ont faite, en enchaînant à un tempo d’enfer des phrases budpowelliennes dignes d’un disciple tout sauf besogneux du maître ? Qui possède ce toucher de soie et de velours sur les ballades comme sur tempo rapide, ce phrasé truffé de surprises rythmiques et d’accords à se damner ? Bref, on se rattrape du bug de septembre : Carrothers nous a manqué et c’est en l’entendant live en club qu’on réalise, en fait, à quel point. Entouré d’un Drew Gress qui épuise les superlatifs en un seul set et d’un Dré Pallemaerts dont la complicité et l’empathie avec le pianiste semblent se densifier d’année en année, Carrothers a donné dans un Sunside moyennement plein (le froid ? le lundi soir ? un autre pianiste au Trianon ? d’autres artistes ailleurs ?… aucune excuse ne tient, si vous voulez mon avis !) un récital émouvant, flamboyant, enthousiasmant.

Un de ces concerts qui fait se dire que, décidément non, on ne se lassera jamais du trio avec piano quand il est joué avec autant d’inventivité, d’interactivité, d’inspiration. Quand il brasse un répertoire aussi divers, original et pertinent : de Bach (une « Sicilienne », mêlée de citations de « Secret Love ») à Carrothers en passant par des standards méconnus ou un hommage à Lee Konitz, avec lequel le pianiste a joué récemment pendant quelques jours. Quand il embarque nos oreilles dans un voyage intense au cours duquel, pas même un instant, l’ombre de l’ennui ne guette tant les trois musiciens sur scène s’adonnent sans réserve à la musique et entraînent les auditeurs dans leur élan. D’ailleurs, après avoir pourtant annoncé la pause, Carrothers ne put s’empêcher de prolonger le premier set de deux morceaux, tant la musique qu’il portait en lui semblait déborder, balayant l’envie de se désaltérer ou de se détendre.

Le deuxième set démarre avec un thème enlevé, débordant d’énergie, où les phrases fusent sous les doigts du pianiste avec une rapidité d’exécution époustouflante. Pourtant pas de clichés dans ce flot ininterrompu : il intègre variations de tempos et d’intensité et, pour peu qu’on y prenne un peu garde, la coulée mélodique apparaît comme répondant à une construction aussi souple que rigoureuse. De l’improvisation dans le meilleur sens du terme — sans plans et sans filet —, tout comme le solo de basse qui viendra prendre place au milieu de ce morceau : un modèle de sobriété élégante et de rondeur boisée. Plus tard ce sera une divagation tendre et pleine d’humour sur la « Lettre à Elise », dédiée par le pianiste à sa femme Peg.

Si l’on devait résumer ce qui se joue entre Bill Carrothers, Drew Gress et Dré Pallemaerts, c’est sans doute de capacité à anticiper ou à épouser les initiatives du leader qu’il faudrait parler, ainsi que d’art de créer dans l’instant une sonorité commune par le truchement d’une écoute réciproque à la fois intense et empathique.

Que peut-on attendre de plus d’un concert de jazz ? Davantage de public !

Thierry Quénum


PS : Les mêmes, ce soir mardi 30/10, au même endroit.

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Bill Carrothers (p), Drew Gress (b), Dré Pallemaerts (dm). Paris, Sunside, 29/10.

Pour une bête raison de problèmes de correspondance d’avions (il habite au fin fond du Nord Michigan, près du Lac Supérieur, en pleine cambrousse) on avait raté Bill Carrothers début septembre, où il devait jouer en duo avec Marc Copland à Jazz à la Villette. Raison de plus pour se précipiter au concert du pianiste, annoncé deux soirs de suite au Sunside. C’est qu’il est plutôt rare et qu’il nous est carrément cher, Carrothers.

Qui sait mieux que lui, l’air de ne pas y toucher, faire surgir le jaillissement lyrique le plus intarissable au beau milieu d’une séquence harmonique d’une tendresse apparemment inoffensive ? Qui sait aussi bien tordre le cou à la réputation de « romantique éthéré » que d’aucuns lui ont faite, en enchaînant à un tempo d’enfer des phrases budpowelliennes dignes d’un disciple tout sauf besogneux du maître ? Qui possède ce toucher de soie et de velours sur les ballades comme sur tempo rapide, ce phrasé truffé de surprises rythmiques et d’accords à se damner ? Bref, on se rattrape du bug de septembre : Carrothers nous a manqué et c’est en l’entendant live en club qu’on réalise, en fait, à quel point. Entouré d’un Drew Gress qui épuise les superlatifs en un seul set et d’un Dré Pallemaerts dont la complicité et l’empathie avec le pianiste semblent se densifier d’année en année, Carrothers a donné dans un Sunside moyennement plein (le froid ? le lundi soir ? un autre pianiste au Trianon ? d’autres artistes ailleurs ?… aucune excuse ne tient, si vous voulez mon avis !) un récital émouvant, flamboyant, enthousiasmant.

Un de ces concerts qui fait se dire que, décidément non, on ne se lassera jamais du trio avec piano quand il est joué avec autant d’inventivité, d’interactivité, d’inspiration. Quand il brasse un répertoire aussi divers, original et pertinent : de Bach (une « Sicilienne », mêlée de citations de « Secret Love ») à Carrothers en passant par des standards méconnus ou un hommage à Lee Konitz, avec lequel le pianiste a joué récemment pendant quelques jours. Quand il embarque nos oreilles dans un voyage intense au cours duquel, pas même un instant, l’ombre de l’ennui ne guette tant les trois musiciens sur scène s’adonnent sans réserve à la musique et entraînent les auditeurs dans leur élan. D’ailleurs, après avoir pourtant annoncé la pause, Carrothers ne put s’empêcher de prolonger le premier set de deux morceaux, tant la musique qu’il portait en lui semblait déborder, balayant l’envie de se désaltérer ou de se détendre.

Le deuxième set démarre avec un thème enlevé, débordant d’énergie, où les phrases fusent sous les doigts du pianiste avec une rapidité d’exécution époustouflante. Pourtant pas de clichés dans ce flot ininterrompu : il intègre variations de tempos et d’intensité et, pour peu qu’on y prenne un peu garde, la coulée mélodique apparaît comme répondant à une construction aussi souple que rigoureuse. De l’improvisation dans le meilleur sens du terme — sans plans et sans filet —, tout comme le solo de basse qui viendra prendre place au milieu de ce morceau : un modèle de sobriété élégante et de rondeur boisée. Plus tard ce sera une divagation tendre et pleine d’humour sur la « Lettre à Elise », dédiée par le pianiste à sa femme Peg.

Si l’on devait résumer ce qui se joue entre Bill Carrothers, Drew Gress et Dré Pallemaerts, c’est sans doute de capacité à anticiper ou à épouser les initiatives du leader qu’il faudrait parler, ainsi que d’art de créer dans l’instant une sonorité commune par le truchement d’une écoute réciproque à la fois intense et empathique.

Que peut-on attendre de plus d’un concert de jazz ? Davantage de public !

Thierry Quénum


PS : Les mêmes, ce soir mardi 30/10, au même endroit.