Jazz live
Publié le 25 Nov 2018

Capbreton: André Villeger, ténor en Diner Concert

A Capbreton, au bord de l’océan, dans les Landes Jazz Partner's a mis en place des Diners Concerts. La formule qui fonctionne depuis près de dix ans associe la gastronomie locale au jazz. André Villéger a goûté et fait déguster les deux plaisirs le temps d'une soirée d'automne.

Concert terminé. Salutations. Les spectateurs commencent à quitter les tables quand Ahmet Gülbay, jusqu’ici plutôt enjoué derrière sa face de Pierrot lunaire s’avance au micro l’air grave « J’ai promis à Nicolas Sabato notre bassiste habituel de dédier un morceau à la mémoire de son père disparu ces jours-ci. Donc voici Song of my father… » Thème pris en surcharge de feeling.

André Villeger (ts), Ahmet Gulbay (p), Laurent Aslanian (b), Frederic Delestre (dm)

Salle Municipale, Capbreton (40130!, 23 novembre

Un décor particulier. Une enceinte municipale quasi cubique, haute de plafond façon salle de patronage des années soixante. Une trentaine de tables  y ont été dressées. Sur le côté, un traiteur a mis en place son menu de soirée. Entrées (pâté, jambon de Bayonne, chorizo) en libre service et deux files pour le plat principal, viande (axoa) ou poisson (cabilaud sauce aux herbes) au choix. Le diner servi sur réservation fait oeuvre de…hors d’oeuvre au contenu proprement musical. Moment de rencontre, de contact, de plaisir partagé « Nous avons choisi cette formule de Diner Concert car ici, dans les lLandes le plaisir de manger, bien manger est une donnée qui compte » explique Jean-Claude Barbier, programmateur de la saison du Capbreton Jaz Partner’s « Nous construisons donc nos soirées sur ce schéma pour six rendez vous dans l’année. L’autre principe c’est d’offrir un jazz de qualité et volontairement accessible à un public large » Dans le public effectivement les tempes ou chevelures argentées sont la couleur dominante « Nous avons réussi en dix ans à constituer un public plutôt fidèle. Le jazz et le plaisir du palais font recette. » ajoute Serge Mackoviak, président de l’association landaise.Ce que confirment des musiciens du crû rassemblés à une même table.

Le concert s’avère une démonstration de swing dès les premières mesures égrenées de Bottom swing, comme d’ailleurs annoncé par André Villeger à propos du pianiste. Le saxophoniste septuagénaire comme de bien entendu excelle à rendre une image « classique » de son jeu de ténor. Sonorité légèrement tendue, discrète marque de vibrato au besoin, grand soin mis dans les articulations de notes, facilité dans l’exploration de la mélodie: quel que soit le tempo abordé, Villéger que l’on a entendu ainsi au sein de l’Anachronic Jazz Band, du Big Band de Patrice Caratini ou même dans l’orchestre de Quincy Jones affiche maîtrise et inspiration sur son instrument favori. La surprise vient plutôt du côté du piano. Ahmet Gülbay passe du filtre du piano stride à des constructions plus éclatées sur un thème signé Dizzy, pour terminer dans une inspiration plus romantique, plus léchée dans l’interprétation d ‘une composition de Kenny Barron. Moment fort à souligner enfin: l’ échange intense avec le ténor d’André Villéger (Sister Sadie d’Horace Silver) Le tout avec des moments très libres (intro en solo de Willow weep for me), pimentés par nombre de clins d’oeil sonores ou gestuels non dénués d’humour. Du métier et de l’inspiration  donc à noter chez ce pianiste qui revendique un attachement particulier à Erroll Gardner, Oscar Peterson ou encore Monty Alexander. De quoi donner une touche de personnalité supplémentaire à l’orchestre invité au détour des nombreux standards proposés.

« Ces moments choisis dans le cadre de notre programmation favorisent, je le crois, la découverte en matière de jazz. Tel est en tous cas notre objectif » A Capbreton, une fois passés les feux de l’été dans la station balnéaire lovée au bout de la ligne de dunes du Golfe de Gascogne, Serge Mackoviak et son équipe de bénévoles -certain(e)s, à la fin de la soirée ont pour tâche de desservir les tables et rendre la salle à son état naturel- veillent à garder cette ligne d’action musicale. Avec le jazz « accessible » comme partenaire privilégié.

Robert Latxague