Jazz live
Publié le 8 Nov 2025

Christophe Marguet sur son île en bonne compagnie

Hier, 7 novembre, Christophe Marguet présentait le nouveau programme “Island” de son quartette, avec Manu Codjia, Régis Huby et Hélène Labarrière. Un programme inspiré par l’initiative en 1962 de Brendan Grimshaw d’acheter une île inhabitée aux Seychelles afin d’en faire, au fil des décennies, un refuge pour la biodiversité.

Un programme écologique devenu prétexte à programme musical. Qu’en fera l’auditeur ? C’est un peu à chacun son écoute et ce qu’il en tire. Le premier tiers du programme m’a semblé coller à ces mélanges de ravissement et d’inquiétude que peut susciter l’abordage d’une terre vierge. Une dominante que l’on pourrait qualifier de pastorale, où je crois me souvenir y avoir entendu plus de balais et de mailloches que de baguettes, ce qui n’est peut-être qu’une impression mais découlant de la nature de ces premiers moments musicaux. Certains à l’issue du concert y ayant perçu des influences celtiques. Pour ma part, et rejoint par certains autres ou certains des mêmes, peut-être parce que Henri Texier était assis derrière moi, j’y ai retrouvé cette influence qu’a eu Texier sur une partie de la scène française, plus ou moins durablement, plus ou moins superficiellement. Les premiers noms me venant à l’esprit étant ceux de Louis Sclavis, Yves Rousseau et… Christophe Marguet. Un sujet à soumettre à nos étudiants en musicologie qui les changerait un peu. Curieusement, en parlant avec le batteur-leader de la soirée à la fin du concert, il est apparu que durant ce premier tiers, l’orchestre semblait se chercher.

Puis il y eut une rupture, l’entrée du tandem “tiguiding-walking bass”, exercice pour lequel Marguet et Labarrière ont quelque expérience commune, ici sur un tempo medium-rapide qui semble avoir réveillé l’orchestre d’une sorte torpeur dont il reste à déterminer si elle était volontaire ou subie. Grande flambée de “jazz-jazz”, chacun son solo, Manu Codjia en guitar heroe calme et concentré sur la conception des pyrotechnies les plus folles et féroces, Régis Huby jouant quant à lui d’une sortie d’accalmie dans la tempête, la puissance tranquille des nuées indifférentes aux sauvageries de l’éclair et de la foudre.

S’ensuit une chanson claire, “fredonnée” brièvement par le trio guitare-violon-contrebasse, avant que les éléments ne se déchainent à nouveau, sur d’autres consignes rythmiques, où apparaît plus clairement une répartition des rôles propre à l’ensemble du programme, entre la guitare délibérément proéminente et vindicative tandis qu’au violon, souvent dans des registres évoquant l’usage d’un “violon ténor”, Régis Huby joue plus sur l’enveloppe orchestrale de la musique sans rien céder de son sens de l’initiative. Et ainsi jusqu’à la fin du concert où toute référence à un quelconque modèle premier se trouvait oubliée. À suivre dès ce soir au Chorus de Lausanne pour un concert qui devrait profiter de cette première expérience, tandis que Le Triton accueillera le violoncelliste Vincent Courtois en duo avec le pianiste suisse Colin Vallon. Pour ma part, je serai au Théâtre Sorano à Vincennes, curieux d’entendre Pierrick Pedron donner la réplique à Reggie Washington et Stéphane Galland. Franck Bergerot