Jazz live
Publié le 23 Juil 2025

Dave Holland & Chris Potter au New Morning

Le 21 juillet 2025, le bassiste de légende et le célèbre saxophoniste retrouvaient le club parisien. Compte-rendu à quatre mains d’un concert mémorable.

Dave Holland aime le New Morning. Il était là le 26 novembre 2024 avec Chris Potter déjà et Éric Harland à la batterie – qui avait remplacé au dernier moment Zakir Hussain, malade, qui nous quitterait le 25 décembre suivant. Et il le dit à chaque début de concert, avec classe et modestie : « It’s so good to be here again, thank you for coming to listen to us ». Comme à chaque fois avec lui, et quels que soient ses partenaires de jeu – Zakir Hussain déjà cité, Pepe Habichuela, Kevin Eubanks, … – la salle du New Morning est pleine à craquer, y compris en ce lundi soir de fin juillet.  Pour ce premier set du trio, le public offre une diversité plutôt rare, pas uniquement des têtes argentées et masculines, une belle représentation féminine et de nombreux étrangers. La politique tarifaire raisonnable du club aide sûrement !

Assis au 4e rang, verres à la main, à quelques mètres de la scène… nous allons pouvoir jouir d’une expérience musicale et visuelle que peu de salles offrent avec des musiciens de ce pédigrée. Les trois musiciens (Obed Calvaires les seconde à la batterie) entrent en scène, souriants, détendus, comme s’ils rejoignaient une bande de potes. Dave Holland, avec sa contrebasse à la caisse de résonance courte avec une pique très longue (est-il le seul au monde à avoir ce modèle de contrebasse ?!), se place avec cette élégance incroyable. Quand le roi Charles III décidera t’il de le nommer Sir?! Cet homme a t-il vraiment 78 ans? La musique conserve mieux que n’importe quelle salle de sport! Chris Potter, américain qui ressemble à un français, le sourire malicieux et le cheveux raide, s’installe au centre, ténor au cou et une belle clarinette basse posée sur son tréteau. Obed Calvaire, dreads relevés, la mine réjouie, s’installe derrière ses percussions, portant un t-shirt hommage aux prénoms de ses dignes prédécesseurs: Max (Roach), Art (Blakey), Roy (Haynes), Tony (Williams), Elvin (Jones).

Le jazz produit par ces trois musiciens est créatif, savant, impeccable, relevé mais entraînant, complice… ces hommes ont digéré la technique bien sûr mais aussi toute leurs expériences pour en offrir une unique : ils prennent plaisir à jouer ensemble, c’est une évidence ; leur attitude est concentrée puis les regards se croisent, les sourires complices s’affichent. Des morceaux longs, compositions de Dave et Chris alternées, celle de ce dernier prise à la clarinette basse nous entraînant tous/tes dans un moment de lyrisme paisible et aérien. Chaque solo confirme la dextérité, la créativité, l’énergie de ces trois musiciens que ce public applaudit sans réserve… les portables restant pendant tout le set dans les poches… merci public du New Morning!

Ces musiciens se regardent avec respect et admiration, leur conversation musicale est joyeuse et cette sensation envahit le public. Les doigts de Dave Holland virevoltent sur la contrebasse, Chris Potter nous regarde sans nous voir, tout à sa musique et à l’écoute de ses compères, Obed Calvaire – facétieux – change le rythme, surprenant Chris Potter qui se marre et Dave Holland poursuit avec le sourire sa ligne de la contrebasse.

L’audience  jubile. C’est entre autres pour des moments comme celui-là que l’on vient écouter du jazz en concert.

L’heure et demie passe vite, avec en final un rappel plein de groove, pendant lequel Obed Calvaire crucifie le public ;  son solo nous laisse pantois. Déjà le set se termine.

Nous nous retirons de la salle, heureux, main dans la main. Le public du 2e set, en longue file sur le trottoir, nous regarde sortir. Si ce n’était l’envie d’aller se régaler d’un sandwich kurde juste à côté, on se remettrait bien dans la file. Claude Gentiletti & Denis Frances

Photo © Claude Gentiletti