Jazz live
Publié le 17 Mar 2023

Disparition d’un passe-muraille, Tony Coe

Le saxophoniste, clarinettiste et compositeur Tony Coe est mort hier, 16 mars. Quelques repères avant de vous renvoyer sur les souvenirs de son ami et producteur Jean Rochard.

Né en 1934 à Canterbury, le clarinettiste et saxophoniste Tony Coe était un personnage insaisissable. Figure discrète de la scène anglaise, il aura été partout. On suit d’abord sa discographie entre dixieland et middle jazz à partir de 1957 chez Humphrey Lyttleton et Nat Gonella, puis Chris Barber, avant qu’il ne s’impose à partir de 1963 comme pupitre incontournable des big bands anglais (John Dankworth, Georgie Fame, Kenny Clare, Stan Tracey, Mike Gibbs) et européens (Kenny Clarke-Francy Bolland, Peter Helbozeimer), sans rompre avec le milieu traditionnel (il restera mobilisable par des figures historiques du jazz américain en tournée comme Buck Clayton, Henry “Red” Allen, Adelaïde Hall ou Ben Webster). Au sein de ces big bands, il est en contact avec d’autres figures de cette scène britannique qui semble ignorer les frontières entre jazz, avant-garde et rock, tels Henry Lowther, Ian Carr, Kenny Wheeler, Malcolm Griffiths, Joe Harriott, Stan Sulzmann, Alan Skidmore, Gordon Beck, John Taylor, Tony Levin, Norma Winstone, etc.

La rupture dans sa discographie pourrait être le duo qu’il enregistre avec Derek Bailey en 1979 (“Time”, Incus), puis sa participation au London Composer’s Jazz Orchestra de Barry Guy. Rupture ? En fait, pas vraiment. Caméléon ? Plutôt un passe muraille, égal à lui-même de la musique de film (qu’il la compose ou y joue… c’est lui le saxophoniste qui succède à Plas Johnson dans les différentes versions du thème de La Panthère Rose d’Henry Mancini) à la pop dont il fréquente les studios.

Il deviendra dans les années 1980 l’un des quasi permanents du festival de Chantenay-Villedieu et du catalogue Nato de Jean Rochard, jouant de cet art de la transversalité au sein du trio pince-sans-rire The Melody Four (avec Lol Coxhill et Steve Beresford), rendant hommage à Erik Satie en deux tableaux solo sur l’anthologie “Sept Tableaux phoniques), renouant au fil des concerts et des disques avec ses amis Kenny Wheeler, Paul Rutherford, Chris Lawrence ou Rick Ricotti, accompagnant des poèmes de Federico Garcia Lorca dits par Violetta Ferrer, protagoniste de l’hommage de Tony Hymas aux Nations indiennes “Oyaté”, “scénographe” de la bouleversante anthologie “Les Voix d’Itxassou”. Alors quoi de mieux que lire les souvenirs qu’immortalise Jean Rochard sur le blog de Nato. FB