Jazz live
Publié le 17 Nov 2023

Paul Lay à D’Jazz Nevers

De retour dans mes pénates franciliennes, un ultime écho de mon séjour neversois, avec un dernier adieu aux Bords de Loire, tels qu’ils apparaissaient jeudi en fin de matinée

DANDY DANDIE

Alban Darche (saxophone ténor, composition), Chloé Cailleton (voix), Nathalie Darche (piano), Olivier Laisney (trompette)

La Maison (de la culture), petite salle, 16 novembre 2023, 12h15

photo Maxim François D’Jazz Nevers

Une très étrange revendication de dandysme, pour un répertoire qui puise aussi bien dans un poète normand de la Renaissance, que chez un auteur états-unien du vingtième siècle, et bien sûr du côté de la seconde moitié du dix-neuvième siècle (Baudelaire, Verlaine, la présence posthume d’Edgar Poe). Et pour la musique, qui braconne du post-romantisme au souvenir d’Éric Satie (l’accompagnement de piano), aux langueurs mélodiques qui s’épanouissent chez Henri Duparc, et aux musiques que l’on dit ‘impressionnistes’, et qui firent la révolution douce entre les deux siècles. Des chromatismes, des frottements harmoniques, des intervalles tendus, tout ce qu’il faut pour qu’une musique nous trouble, au plus profond. Dans l’écriture, de très belles harmonisations. Dans le saxophone parfois, des langueurs de la West Coast. Dans la trompette des saillies et des impatiences. Dans la voix de Chloé Cailleton, des trésors de fine mélancolie, des fragilités qui sont en elles-mêmes une force d’expression. Bref une sorte de beauté qui fait ressurgir un monde que l’on croyait perdu, n’était justement de soudaines résurgences, comme celle-ci

À retrouver dans le disque «Hypnos & Morphée», enregistré en 2019 pour le label Yolk Records

photo Maxim François D’Jazz Nevers

PAUL LAY ‘Full Solo’

Paul Lay (piano)

La Maison, grande salle, 16 novembre 2023, 20h30

Après le concert de fin d’après-midi et avant la seconde partie du concert de soirée, dont Franck Bergerot a rendu compte ici & , c’est le solo de Paul Lay. Arrivé de Nantes en ce jour où la foudre est tombée sur une caténaire dans l’Ouest de la France, il a plusieurs fois changé de train, et celui qui devait le conduire à Nevers n’arrêta finalement qu’à Bourges. Bref, parti le matin, il n’arriva dans les coulisses de la grande salle qu’à 20h27 et fut sur scène vers 20h42. Il va nous faire entendre, en version de ce jour, la musique qu’il avait concoctée, à la demande des Folles Journées de Nantes, en 2020, pour célébrer les 250 ans de la naissance de Beethoven. Ce qu’il avait aussi fait pour le disque «Full Solo». Stimulé par ses mésaventures ferroviaires, le pianiste s’est jeté à corps perdu dans des variations et détournements très libres d’une Bagatelle, puis d’une Variation de prime jeunesse du grand Ludwig van. Il entraîne ces musiques tantôt du côté de l’Espagne, tantôt de la Caraïbe (habanera ? Calypso?), avant de virer vers Erroll Garner, mais en plus carré. On croirait qu’il va bifurquer en direction de You and the Night and the Music, et on se retrouve en plein stride. Manifestement ses émotions ferroviaires ont libéré l’envie d’en découdre avec le piano. Ça barde, mais en finesse et musicalité. Puis viennent deux compositions de Pau Lay, conçues à Vienne quand il préparait cet hommage. Ensuite une intro ouverte va déboucher sur un effleurement transversal de la Sonate opus 27 n°2 (dite ‘Clair de lune’). C’est un jeu, avant d’aborder avec, une certaine gravité, le lancinement du deuxième mouvement de la Septième Symphonie , puis le finale de la Neuvième Symphonie, et son Hymne à la joie qui devient prétexte à des virevoltes, des éclats et de soudains replis. Public conquis par cette belle liberté, rappel chaleureux pour une sorte de danse latino-américaine autour du fantôme d’une autre Bagatelle, la fameuse ‘Lettre à Élise’, contournée et presque méconnaissable

Cet après-midi, après un concert de midi et quart, dont Franck Bergerot ne manquera pas de vous rendre compte, j’ai pris la train pour regagner ma banlieue parisienne. Le plan du train affiché en gare m’avait envoyé à l’autre extrémité du quai pour la voiture 17, où une place m’était réservée. Mais au repère ‘U’ se trouvait l’autre bout du train : erreur du tableau lumineux. Un peu coincé par la sciatique que la mollesse des fauteuils de Théâtre Municipal avait réveillée, j’ai renoncé à remonter dix voitures et j’ai voyagé, deux heures durant, assis sur ma valise. Ainsi va la vie, aléatoire, du chroniquer itinérant….

Xavier Prévost (texte, et photos quand elles ne sont pas créditées)