Du CNSM à la Dynamo, Irène et quelques autres
Une soirée qui commence aux Portes de Paris, au CNSMDP (Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris) où les élèves du département jazz présentaient leurs ateliers et qui se termine au-delà du “périph”, à la Dynamo de Pantin, avec Irène où l’expérience du Département jazz de deux de ses membres est désormais bien loin et qui connaissait avec ce concert une sorte de consécration.
Salle d’art lyrique du CNSM, Paris (75), 19h, le 26 octobre.
Emily Allison (chant), Noé Macary (Fender Rhodes), Alexandre Perrot (contrebasse), Philippe Maniez (batterie).
Yannick Lestra (piano, compositions), Gabriel Levasseur (trompette), Aloïs Benoît (trombone), Esteban Pinto Gondim (sax alto), Axel Rigaud (sax ténor), Jérémy François (guitare), Alexandre Perrot (contrebasse), Ariel Tessier (batterie).
Aloïs Benoît (euphonium, composition), Gabriel Levasseur (trompette), Esteban Pinto Godim (sax alto), Thomas Letellier (sax ténor), Jean Dousteyssier (clarinette basse), Alexandre Perrot (contrebasse), Ariel Tessier (batterie).
Olivier Miconi (Trompette, synthétiseurs, compositions), Emily Allison (chant), Axel Rigaud (machines, sax ténor), Noé Macary (Fender Rhodes), Yannick Lestra (synthé basse), Kevin Lucchetti (batterie).
Dès les premières notes d’Emily Allison, un évident problème de sono. La sono du lieu n’étant pas disponible, une solution alternative de dernière minute est trouvée mais qui ne répond pas aux besoins de la soirée. La prestation d’Emily Allison (2ème prix du concours de jazz vocal du festival de Crest) est la plus éprouvée par l’incident et je n’en dirai rien. Je me souviens par trop ce qui m’est arrivé avec Jeanne Added, que j’ai prise en grippe – par bonheur sans en rien dire – pour l’avoir entendue du temps de ses années de CSNM et que j’encensais quelques mois plus tard. Je ne dirai rien non plus du Medley Disco Funk d’Olivier Miconi dont je n’ai pas bien compris s’il s’agissait d’une parodie ou d’un hommage à l’univers du funk, mais qui avait des allures très “balloche“.
Les deux autres formations inscrites à ce programme présentait des pièces créées pour les épreuves de fin d’année en juin dernier et j’avais en tête les écrits impitoyables de Colette visitant le même conservatoire voici plus d’un siècle (et en d’autres lieux que la Cité de la musique) à l’occasion des mêmes épreuves. Après avoir entendu les six jeunes « gobettes » du concours de harpe le 21 juillet 1903, elle écrit « Quant ces demoiselles ont fini de peigner la giraffe, on nous concède cinq minutes d’entracte, le temps de dire bonjour à Fauré (qui se rase !) » Pour ma part, les prestations de Yannick Lestra et Aloïs Benoît ne m’ont nullement rasé. Yannick Lestra vient de Montpellier, est passé par le CNR de Lyon où il a étudié dans la classe de jazz et les classes d’électro-acoustique, de composition et de culture du XXe siècle, avant de rejoindre le CNSM de Paris. Un parcours que l’on peut suivre à l’écoute de la sélection de morceaux consultables sur son myspace. Le 2 mars dernier à la Cité de la musique, lors d’un remarquable concert consacré à Thelonious Monk et donné par le big band du département jazz en première partie du Wagon Band de Jason Moran, j’avais déjà noté son nom pour un arrangement de Criss Cross. Sa pièce Super Heroes fait entendre une écriture harmonique pour les vents tout à la fois dense et fluide qu’il nous tarde d’entendre s’épanouir sur la durée d’un concert entier. La seconde pièce proposée est celle qu’il joua en juin dernier lors de l’épreuve sur un thème imposé, Whispering, et qu’il aborde par une évocation d’une loufoquerie bien assumée de la version française de Boris Vian (Ah, si j’avais un franc cinquante !). Hoquet, glissement de tempos, dérapages… Les problèmes de sono sont bien loin.
On retrouvera une citation de Whispering dans les dernières mesures de la suite pAn-G qu’Aloïs Benoît présenta également lors des dernières épreuves de fin d’année, une citation qui contraste avec une musique volontiers vociférante, notamment à travers le saxophonisteThomas Letellier qui a des accents à la Ellery Eskelin et Gabriel Levasseur qui n’entretient pas avec Herb Robertson qu’une ressemblance physique. Par contraste, Esteban Pinto Gondim joue d’un alto réfléchi, en grands intervales. Quant à Ariel Tessier, voilà un batteur dont il faudra reparler. L’écriture d’Aloïs Benoît me rappellera d’abord la façon dont Barry Guy structure les masses sonores en des figures abstraites qui ne craignent pas l’unisson (il est vrai traité de façon hirsute), mais la suite laisse entendre d’autres figures mélodiques plus “figuratives”. Rien de ce que nous avons entendu sur le net ce musicien (dont on a déjà aperçu le trombone et l’euphonium au sein de Docteur Lester et Bigre ! ou sous la direction de l’orchestre des jeunes jazzmen de Bourgogne) ne rend compte de la maturité de cette écriture et il n’y a plus qu’à attendre une véritable opportunité scénique pour en savoir plus.
La Dynamo, Pantin (93), 21h30, le 26 octobre 2012
Fanny Lasfargues (contrebasse)
Guillaume Magne (guitare, guitare électrique, chant) + Sébastien Brun (batterie)
Irène : Yoann Durant (saxes soprano et alto), Clément Édouard (sax alto, synthé, traitements), Julien Desprez (guitare électrique), Sébastien Brun (batterie)
Du CNSM à la Dynamo où Carton Records et le collectif Coax avait carte blanche, il y a neuf stations de métro et un changement, juste ce qu’il fallait pour entendre les dernières notes du récital solo de Fanny Lasfargues, ancienne élève du Département Jazz du CNSM, il y a semble-t-il quelques siècles. Ses anciens professeurs doivent être fier d’une aussi belle ingratitude, comme tout maître doit savoir l’être d’un disciple qui a su larguer les amarres. Les dernières notes donc. Des notes ? Des évènements sonores minimaux qui suffirent à me faire regretter mes neuf stations de métro. Mais je vous renvoie au disque “Solo” qui sort sur le label Coax Records et dont on trouvera une chronique dans notre numéro de décembre.
Lui succéda le songwriter Guillaume Magne : voix pincée, fêlée, renvoyant à de vieux souvenirs de folk singers comme Mick Softley ou au Stevie Wonder de John Barleycorn, guitare acoustique, picking à la Bert Jansch, accord ouvert, se réaccordant diffémment entre chaque morceau avec l’élégance d’en faire chaque fois comme une interlude. Guillaume Magne, qui s’empare d’une guitare électrique, fait partie du catalogue Carton Records au sein du trio rock OK dont le batteur Sébastien Brun (également le batteur d’Irène) le rejoint sur le plateau. Autant dire que pour ces musiciens, le jazz n’est plus qu’une musique parmi d’autres dans leur réservoir d’influences.
Irène enfin après un entracte. Là encore, deux anciens élèves du CNSM (Yoann Durant et Julien Desprez) qui ont tout oublié de leurs années d’études, tout comme Miles désapprit les leçons de Dizzy, Hawkins et Parker au tournant des années 50. Dans le numéro de Jazz Magazine de novembre, je raconte la visite que je rendis au groupe pendant l’enregistrement de leur disque “Nek” publié sur Carton Records et je vous y renvoie non sans signaler que le concert reprend le répertoire de “Nek” tout en le rendant méconnaissable par la fluidité et le naturel que nos quatre complices ont acquis sur scène. Les images, les étiquettes et les références, dont je tente au cours de ma rencontre avec eux pour Jazz Magazine de les affubler pour entrer dans leur univers, n’ont plus lieu d’être. « Laissons aux sons ce qu’ils sont » protestait alors Yoann Durant. Et « laissons l’auditeur faire le reste. » précisait Julien Desprez. C’est ce qui s’est produit vendredi devant un public happé, conquis comme je pouvais l’être. Une consécration encore confidentielle mais devant un public de choix. Consécration toute parisienne pour un groupe qui n’a pas attendu de se faire reconnaître par la capitale pour aller se faire connaître à Londres ou en Allemagne.
Franck Bergerot
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Une soirée qui commence aux Portes de Paris, au CNSMDP (Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris) où les élèves du département jazz présentaient leurs ateliers et qui se termine au-delà du “périph”, à la Dynamo de Pantin, avec Irène où l’expérience du Département jazz de deux de ses membres est désormais bien loin et qui connaissait avec ce concert une sorte de consécration.
Salle d’art lyrique du CNSM, Paris (75), 19h, le 26 octobre.
Emily Allison (chant), Noé Macary (Fender Rhodes), Alexandre Perrot (contrebasse), Philippe Maniez (batterie).
Yannick Lestra (piano, compositions), Gabriel Levasseur (trompette), Aloïs Benoît (trombone), Esteban Pinto Gondim (sax alto), Axel Rigaud (sax ténor), Jérémy François (guitare), Alexandre Perrot (contrebasse), Ariel Tessier (batterie).
Aloïs Benoît (euphonium, composition), Gabriel Levasseur (trompette), Esteban Pinto Godim (sax alto), Thomas Letellier (sax ténor), Jean Dousteyssier (clarinette basse), Alexandre Perrot (contrebasse), Ariel Tessier (batterie).
Olivier Miconi (Trompette, synthétiseurs, compositions), Emily Allison (chant), Axel Rigaud (machines, sax ténor), Noé Macary (Fender Rhodes), Yannick Lestra (synthé basse), Kevin Lucchetti (batterie).
Dès les premières notes d’Emily Allison, un évident problème de sono. La sono du lieu n’étant pas disponible, une solution alternative de dernière minute est trouvée mais qui ne répond pas aux besoins de la soirée. La prestation d’Emily Allison (2ème prix du concours de jazz vocal du festival de Crest) est la plus éprouvée par l’incident et je n’en dirai rien. Je me souviens par trop ce qui m’est arrivé avec Jeanne Added, que j’ai prise en grippe – par bonheur sans en rien dire – pour l’avoir entendue du temps de ses années de CSNM et que j’encensais quelques mois plus tard. Je ne dirai rien non plus du Medley Disco Funk d’Olivier Miconi dont je n’ai pas bien compris s’il s’agissait d’une parodie ou d’un hommage à l’univers du funk, mais qui avait des allures très “balloche“.
Les deux autres formations inscrites à ce programme présentait des pièces créées pour les épreuves de fin d’année en juin dernier et j’avais en tête les écrits impitoyables de Colette visitant le même conservatoire voici plus d’un siècle (et en d’autres lieux que la Cité de la musique) à l’occasion des mêmes épreuves. Après avoir entendu les six jeunes « gobettes » du concours de harpe le 21 juillet 1903, elle écrit « Quant ces demoiselles ont fini de peigner la giraffe, on nous concède cinq minutes d’entracte, le temps de dire bonjour à Fauré (qui se rase !) » Pour ma part, les prestations de Yannick Lestra et Aloïs Benoît ne m’ont nullement rasé. Yannick Lestra vient de Montpellier, est passé par le CNR de Lyon où il a étudié dans la classe de jazz et les classes d’électro-acoustique, de composition et de culture du XXe siècle, avant de rejoindre le CNSM de Paris. Un parcours que l’on peut suivre à l’écoute de la sélection de morceaux consultables sur son myspace. Le 2 mars dernier à la Cité de la musique, lors d’un remarquable concert consacré à Thelonious Monk et donné par le big band du département jazz en première partie du Wagon Band de Jason Moran, j’avais déjà noté son nom pour un arrangement de Criss Cross. Sa pièce Super Heroes fait entendre une écriture harmonique pour les vents tout à la fois dense et fluide qu’il nous tarde d’entendre s’épanouir sur la durée d’un concert entier. La seconde pièce proposée est celle qu’il joua en juin dernier lors de l’épreuve sur un thème imposé, Whispering, et qu’il aborde par une évocation d’une loufoquerie bien assumée de la version française de Boris Vian (Ah, si j’avais un franc cinquante !). Hoquet, glissement de tempos, dérapages… Les problèmes de sono sont bien loin.
On retrouvera une citation de Whispering dans les dernières mesures de la suite pAn-G qu’Aloïs Benoît présenta également lors des dernières épreuves de fin d’année, une citation qui contraste avec une musique volontiers vociférante, notamment à travers le saxophonisteThomas Letellier qui a des accents à la Ellery Eskelin et Gabriel Levasseur qui n’entretient pas avec Herb Robertson qu’une ressemblance physique. Par contraste, Esteban Pinto Gondim joue d’un alto réfléchi, en grands intervales. Quant à Ariel Tessier, voilà un batteur dont il faudra reparler. L’écriture d’Aloïs Benoît me rappellera d’abord la façon dont Barry Guy structure les masses sonores en des figures abstraites qui ne craignent pas l’unisson (il est vrai traité de façon hirsute), mais la suite laisse entendre d’autres figures mélodiques plus “figuratives”. Rien de ce que nous avons entendu sur le net ce musicien (dont on a déjà aperçu le trombone et l’euphonium au sein de Docteur Lester et Bigre ! ou sous la direction de l’orchestre des jeunes jazzmen de Bourgogne) ne rend compte de la maturité de cette écriture et il n’y a plus qu’à attendre une véritable opportunité scénique pour en savoir plus.
La Dynamo, Pantin (93), 21h30, le 26 octobre 2012
Fanny Lasfargues (contrebasse)
Guillaume Magne (guitare, guitare électrique, chant) + Sébastien Brun (batterie)
Irène : Yoann Durant (saxes soprano et alto), Clément Édouard (sax alto, synthé, traitements), Julien Desprez (guitare électrique), Sébastien Brun (batterie)
Du CNSM à la Dynamo où Carton Records et le collectif Coax avait carte blanche, il y a neuf stations de métro et un changement, juste ce qu’il fallait pour entendre les dernières notes du récital solo de Fanny Lasfargues, ancienne élève du Département Jazz du CNSM, il y a semble-t-il quelques siècles. Ses anciens professeurs doivent être fier d’une aussi belle ingratitude, comme tout maître doit savoir l’être d’un disciple qui a su larguer les amarres. Les dernières notes donc. Des notes ? Des évènements sonores minimaux qui suffirent à me faire regretter mes neuf stations de métro. Mais je vous renvoie au disque “Solo” qui sort sur le label Coax Records et dont on trouvera une chronique dans notre numéro de décembre.
Lui succéda le songwriter Guillaume Magne : voix pincée, fêlée, renvoyant à de vieux souvenirs de folk singers comme Mick Softley ou au Stevie Wonder de John Barleycorn, guitare acoustique, picking à la Bert Jansch, accord ouvert, se réaccordant diffémment entre chaque morceau avec l’élégance d’en faire chaque fois comme une interlude. Guillaume Magne, qui s’empare d’une guitare électrique, fait partie du catalogue Carton Records au sein du trio rock OK dont le batteur Sébastien Brun (également le batteur d’Irène) le rejoint sur le plateau. Autant dire que pour ces musiciens, le jazz n’est plus qu’une musique parmi d’autres dans leur réservoir d’influences.
Irène enfin après un entracte. Là encore, deux anciens élèves du CNSM (Yoann Durant et Julien Desprez) qui ont tout oublié de leurs années d’études, tout comme Miles désapprit les leçons de Dizzy, Hawkins et Parker au tournant des années 50. Dans le numéro de Jazz Magazine de novembre, je raconte la visite que je rendis au groupe pendant l’enregistrement de leur disque “Nek” publié sur Carton Records et je vous y renvoie non sans signaler que le concert reprend le répertoire de “Nek” tout en le rendant méconnaissable par la fluidité et le naturel que nos quatre complices ont acquis sur scène. Les images, les étiquettes et les références, dont je tente au cours de ma rencontre avec eux pour Jazz Magazine de les affubler pour entrer dans leur univers, n’ont plus lieu d’être. « Laissons aux sons ce qu’ils sont » protestait alors Yoann Durant. Et « laissons l’auditeur faire le reste. » précisait Julien Desprez. C’est ce qui s’est produit vendredi devant un public happé, conquis comme je pouvais l’être. Une consécration encore confidentielle mais devant un public de choix. Consécration toute parisienne pour un groupe qui n’a pas attendu de se faire reconnaître par la capitale pour aller se faire connaître à Londres ou en Allemagne.
Franck Bergerot
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Une soirée qui commence aux Portes de Paris, au CNSMDP (Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris) où les élèves du département jazz présentaient leurs ateliers et qui se termine au-delà du “périph”, à la Dynamo de Pantin, avec Irène où l’expérience du Département jazz de deux de ses membres est désormais bien loin et qui connaissait avec ce concert une sorte de consécration.
Salle d’art lyrique du CNSM, Paris (75), 19h, le 26 octobre.
Emily Allison (chant), Noé Macary (Fender Rhodes), Alexandre Perrot (contrebasse), Philippe Maniez (batterie).
Yannick Lestra (piano, compositions), Gabriel Levasseur (trompette), Aloïs Benoît (trombone), Esteban Pinto Gondim (sax alto), Axel Rigaud (sax ténor), Jérémy François (guitare), Alexandre Perrot (contrebasse), Ariel Tessier (batterie).
Aloïs Benoît (euphonium, composition), Gabriel Levasseur (trompette), Esteban Pinto Godim (sax alto), Thomas Letellier (sax ténor), Jean Dousteyssier (clarinette basse), Alexandre Perrot (contrebasse), Ariel Tessier (batterie).
Olivier Miconi (Trompette, synthétiseurs, compositions), Emily Allison (chant), Axel Rigaud (machines, sax ténor), Noé Macary (Fender Rhodes), Yannick Lestra (synthé basse), Kevin Lucchetti (batterie).
Dès les premières notes d’Emily Allison, un évident problème de sono. La sono du lieu n’étant pas disponible, une solution alternative de dernière minute est trouvée mais qui ne répond pas aux besoins de la soirée. La prestation d’Emily Allison (2ème prix du concours de jazz vocal du festival de Crest) est la plus éprouvée par l’incident et je n’en dirai rien. Je me souviens par trop ce qui m’est arrivé avec Jeanne Added, que j’ai prise en grippe – par bonheur sans en rien dire – pour l’avoir entendue du temps de ses années de CSNM et que j’encensais quelques mois plus tard. Je ne dirai rien non plus du Medley Disco Funk d’Olivier Miconi dont je n’ai pas bien compris s’il s’agissait d’une parodie ou d’un hommage à l’univers du funk, mais qui avait des allures très “balloche“.
Les deux autres formations inscrites à ce programme présentait des pièces créées pour les épreuves de fin d’année en juin dernier et j’avais en tête les écrits impitoyables de Colette visitant le même conservatoire voici plus d’un siècle (et en d’autres lieux que la Cité de la musique) à l’occasion des mêmes épreuves. Après avoir entendu les six jeunes « gobettes » du concours de harpe le 21 juillet 1903, elle écrit « Quant ces demoiselles ont fini de peigner la giraffe, on nous concède cinq minutes d’entracte, le temps de dire bonjour à Fauré (qui se rase !) » Pour ma part, les prestations de Yannick Lestra et Aloïs Benoît ne m’ont nullement rasé. Yannick Lestra vient de Montpellier, est passé par le CNR de Lyon où il a étudié dans la classe de jazz et les classes d’électro-acoustique, de composition et de culture du XXe siècle, avant de rejoindre le CNSM de Paris. Un parcours que l’on peut suivre à l’écoute de la sélection de morceaux consultables sur son myspace. Le 2 mars dernier à la Cité de la musique, lors d’un remarquable concert consacré à Thelonious Monk et donné par le big band du département jazz en première partie du Wagon Band de Jason Moran, j’avais déjà noté son nom pour un arrangement de Criss Cross. Sa pièce Super Heroes fait entendre une écriture harmonique pour les vents tout à la fois dense et fluide qu’il nous tarde d’entendre s’épanouir sur la durée d’un concert entier. La seconde pièce proposée est celle qu’il joua en juin dernier lors de l’épreuve sur un thème imposé, Whispering, et qu’il aborde par une évocation d’une loufoquerie bien assumée de la version française de Boris Vian (Ah, si j’avais un franc cinquante !). Hoquet, glissement de tempos, dérapages… Les problèmes de sono sont bien loin.
On retrouvera une citation de Whispering dans les dernières mesures de la suite pAn-G qu’Aloïs Benoît présenta également lors des dernières épreuves de fin d’année, une citation qui contraste avec une musique volontiers vociférante, notamment à travers le saxophonisteThomas Letellier qui a des accents à la Ellery Eskelin et Gabriel Levasseur qui n’entretient pas avec Herb Robertson qu’une ressemblance physique. Par contraste, Esteban Pinto Gondim joue d’un alto réfléchi, en grands intervales. Quant à Ariel Tessier, voilà un batteur dont il faudra reparler. L’écriture d’Aloïs Benoît me rappellera d’abord la façon dont Barry Guy structure les masses sonores en des figures abstraites qui ne craignent pas l’unisson (il est vrai traité de façon hirsute), mais la suite laisse entendre d’autres figures mélodiques plus “figuratives”. Rien de ce que nous avons entendu sur le net ce musicien (dont on a déjà aperçu le trombone et l’euphonium au sein de Docteur Lester et Bigre ! ou sous la direction de l’orchestre des jeunes jazzmen de Bourgogne) ne rend compte de la maturité de cette écriture et il n’y a plus qu’à attendre une véritable opportunité scénique pour en savoir plus.
La Dynamo, Pantin (93), 21h30, le 26 octobre 2012
Fanny Lasfargues (contrebasse)
Guillaume Magne (guitare, guitare électrique, chant) + Sébastien Brun (batterie)
Irène : Yoann Durant (saxes soprano et alto), Clément Édouard (sax alto, synthé, traitements), Julien Desprez (guitare électrique), Sébastien Brun (batterie)
Du CNSM à la Dynamo où Carton Records et le collectif Coax avait carte blanche, il y a neuf stations de métro et un changement, juste ce qu’il fallait pour entendre les dernières notes du récital solo de Fanny Lasfargues, ancienne élève du Département Jazz du CNSM, il y a semble-t-il quelques siècles. Ses anciens professeurs doivent être fier d’une aussi belle ingratitude, comme tout maître doit savoir l’être d’un disciple qui a su larguer les amarres. Les dernières notes donc. Des notes ? Des évènements sonores minimaux qui suffirent à me faire regretter mes neuf stations de métro. Mais je vous renvoie au disque “Solo” qui sort sur le label Coax Records et dont on trouvera une chronique dans notre numéro de décembre.
Lui succéda le songwriter Guillaume Magne : voix pincée, fêlée, renvoyant à de vieux souvenirs de folk singers comme Mick Softley ou au Stevie Wonder de John Barleycorn, guitare acoustique, picking à la Bert Jansch, accord ouvert, se réaccordant diffémment entre chaque morceau avec l’élégance d’en faire chaque fois comme une interlude. Guillaume Magne, qui s’empare d’une guitare électrique, fait partie du catalogue Carton Records au sein du trio rock OK dont le batteur Sébastien Brun (également le batteur d’Irène) le rejoint sur le plateau. Autant dire que pour ces musiciens, le jazz n’est plus qu’une musique parmi d’autres dans leur réservoir d’influences.
Irène enfin après un entracte. Là encore, deux anciens élèves du CNSM (Yoann Durant et Julien Desprez) qui ont tout oublié de leurs années d’études, tout comme Miles désapprit les leçons de Dizzy, Hawkins et Parker au tournant des années 50. Dans le numéro de Jazz Magazine de novembre, je raconte la visite que je rendis au groupe pendant l’enregistrement de leur disque “Nek” publié sur Carton Records et je vous y renvoie non sans signaler que le concert reprend le répertoire de “Nek” tout en le rendant méconnaissable par la fluidité et le naturel que nos quatre complices ont acquis sur scène. Les images, les étiquettes et les références, dont je tente au cours de ma rencontre avec eux pour Jazz Magazine de les affubler pour entrer dans leur univers, n’ont plus lieu d’être. « Laissons aux sons ce qu’ils sont » protestait alors Yoann Durant. Et « laissons l’auditeur faire le reste. » précisait Julien Desprez. C’est ce qui s’est produit vendredi devant un public happé, conquis comme je pouvais l’être. Une consécration encore confidentielle mais devant un public de choix. Consécration toute parisienne pour un groupe qui n’a pas attendu de se faire reconnaître par la capitale pour aller se faire connaître à Londres ou en Allemagne.
Franck Bergerot
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Une soirée qui commence aux Portes de Paris, au CNSMDP (Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris) où les élèves du département jazz présentaient leurs ateliers et qui se termine au-delà du “périph”, à la Dynamo de Pantin, avec Irène où l’expérience du Département jazz de deux de ses membres est désormais bien loin et qui connaissait avec ce concert une sorte de consécration.
Salle d’art lyrique du CNSM, Paris (75), 19h, le 26 octobre.
Emily Allison (chant), Noé Macary (Fender Rhodes), Alexandre Perrot (contrebasse), Philippe Maniez (batterie).
Yannick Lestra (piano, compositions), Gabriel Levasseur (trompette), Aloïs Benoît (trombone), Esteban Pinto Gondim (sax alto), Axel Rigaud (sax ténor), Jérémy François (guitare), Alexandre Perrot (contrebasse), Ariel Tessier (batterie).
Aloïs Benoît (euphonium, composition), Gabriel Levasseur (trompette), Esteban Pinto Godim (sax alto), Thomas Letellier (sax ténor), Jean Dousteyssier (clarinette basse), Alexandre Perrot (contrebasse), Ariel Tessier (batterie).
Olivier Miconi (Trompette, synthétiseurs, compositions), Emily Allison (chant), Axel Rigaud (machines, sax ténor), Noé Macary (Fender Rhodes), Yannick Lestra (synthé basse), Kevin Lucchetti (batterie).
Dès les premières notes d’Emily Allison, un évident problème de sono. La sono du lieu n’étant pas disponible, une solution alternative de dernière minute est trouvée mais qui ne répond pas aux besoins de la soirée. La prestation d’Emily Allison (2ème prix du concours de jazz vocal du festival de Crest) est la plus éprouvée par l’incident et je n’en dirai rien. Je me souviens par trop ce qui m’est arrivé avec Jeanne Added, que j’ai prise en grippe – par bonheur sans en rien dire – pour l’avoir entendue du temps de ses années de CSNM et que j’encensais quelques mois plus tard. Je ne dirai rien non plus du Medley Disco Funk d’Olivier Miconi dont je n’ai pas bien compris s’il s’agissait d’une parodie ou d’un hommage à l’univers du funk, mais qui avait des allures très “balloche“.
Les deux autres formations inscrites à ce programme présentait des pièces créées pour les épreuves de fin d’année en juin dernier et j’avais en tête les écrits impitoyables de Colette visitant le même conservatoire voici plus d’un siècle (et en d’autres lieux que la Cité de la musique) à l’occasion des mêmes épreuves. Après avoir entendu les six jeunes « gobettes » du concours de harpe le 21 juillet 1903, elle écrit « Quant ces demoiselles ont fini de peigner la giraffe, on nous concède cinq minutes d’entracte, le temps de dire bonjour à Fauré (qui se rase !) » Pour ma part, les prestations de Yannick Lestra et Aloïs Benoît ne m’ont nullement rasé. Yannick Lestra vient de Montpellier, est passé par le CNR de Lyon où il a étudié dans la classe de jazz et les classes d’électro-acoustique, de composition et de culture du XXe siècle, avant de rejoindre le CNSM de Paris. Un parcours que l’on peut suivre à l’écoute de la sélection de morceaux consultables sur son myspace. Le 2 mars dernier à la Cité de la musique, lors d’un remarquable concert consacré à Thelonious Monk et donné par le big band du département jazz en première partie du Wagon Band de Jason Moran, j’avais déjà noté son nom pour un arrangement de Criss Cross. Sa pièce Super Heroes fait entendre une écriture harmonique pour les vents tout à la fois dense et fluide qu’il nous tarde d’entendre s’épanouir sur la durée d’un concert entier. La seconde pièce proposée est celle qu’il joua en juin dernier lors de l’épreuve sur un thème imposé, Whispering, et qu’il aborde par une évocation d’une loufoquerie bien assumée de la version française de Boris Vian (Ah, si j’avais un franc cinquante !). Hoquet, glissement de tempos, dérapages… Les problèmes de sono sont bien loin.
On retrouvera une citation de Whispering dans les dernières mesures de la suite pAn-G qu’Aloïs Benoît présenta également lors des dernières épreuves de fin d’année, une citation qui contraste avec une musique volontiers vociférante, notamment à travers le saxophonisteThomas Letellier qui a des accents à la Ellery Eskelin et Gabriel Levasseur qui n’entretient pas avec Herb Robertson qu’une ressemblance physique. Par contraste, Esteban Pinto Gondim joue d’un alto réfléchi, en grands intervales. Quant à Ariel Tessier, voilà un batteur dont il faudra reparler. L’écriture d’Aloïs Benoît me rappellera d’abord la façon dont Barry Guy structure les masses sonores en des figures abstraites qui ne craignent pas l’unisson (il est vrai traité de façon hirsute), mais la suite laisse entendre d’autres figures mélodiques plus “figuratives”. Rien de ce que nous avons entendu sur le net ce musicien (dont on a déjà aperçu le trombone et l’euphonium au sein de Docteur Lester et Bigre ! ou sous la direction de l’orchestre des jeunes jazzmen de Bourgogne) ne rend compte de la maturité de cette écriture et il n’y a plus qu’à attendre une véritable opportunité scénique pour en savoir plus.
La Dynamo, Pantin (93), 21h30, le 26 octobre 2012
Fanny Lasfargues (contrebasse)
Guillaume Magne (guitare, guitare électrique, chant) + Sébastien Brun (batterie)
Irène : Yoann Durant (saxes soprano et alto), Clément Édouard (sax alto, synthé, traitements), Julien Desprez (guitare électrique), Sébastien Brun (batterie)
Du CNSM à la Dynamo où Carton Records et le collectif Coax avait carte blanche, il y a neuf stations de métro et un changement, juste ce qu’il fallait pour entendre les dernières notes du récital solo de Fanny Lasfargues, ancienne élève du Département Jazz du CNSM, il y a semble-t-il quelques siècles. Ses anciens professeurs doivent être fier d’une aussi belle ingratitude, comme tout maître doit savoir l’être d’un disciple qui a su larguer les amarres. Les dernières notes donc. Des notes ? Des évènements sonores minimaux qui suffirent à me faire regretter mes neuf stations de métro. Mais je vous renvoie au disque “Solo” qui sort sur le label Coax Records et dont on trouvera une chronique dans notre numéro de décembre.
Lui succéda le songwriter Guillaume Magne : voix pincée, fêlée, renvoyant à de vieux souvenirs de folk singers comme Mick Softley ou au Stevie Wonder de John Barleycorn, guitare acoustique, picking à la Bert Jansch, accord ouvert, se réaccordant diffémment entre chaque morceau avec l’élégance d’en faire chaque fois comme une interlude. Guillaume Magne, qui s’empare d’une guitare électrique, fait partie du catalogue Carton Records au sein du trio rock OK dont le batteur Sébastien Brun (également le batteur d’Irène) le rejoint sur le plateau. Autant dire que pour ces musiciens, le jazz n’est plus qu’une musique parmi d’autres dans leur réservoir d’influences.
Irène enfin après un entracte. Là encore, deux anciens élèves du CNSM (Yoann Durant et Julien Desprez) qui ont tout oublié de leurs années d’études, tout comme Miles désapprit les leçons de Dizzy, Hawkins et Parker au tournant des années 50. Dans le numéro de Jazz Magazine de novembre, je raconte la visite que je rendis au groupe pendant l’enregistrement de leur disque “Nek” publié sur Carton Records et je vous y renvoie non sans signaler que le concert reprend le répertoire de “Nek” tout en le rendant méconnaissable par la fluidité et le naturel que nos quatre complices ont acquis sur scène. Les images, les étiquettes et les références, dont je tente au cours de ma rencontre avec eux pour Jazz Magazine de les affubler pour entrer dans leur univers, n’ont plus lieu d’être. « Laissons aux sons ce qu’ils sont » protestait alors Yoann Durant. Et « laissons l’auditeur faire le reste. » précisait Julien Desprez. C’est ce qui s’est produit vendredi devant un public happé, conquis comme je pouvais l’être. Une consécration encore confidentielle mais devant un public de choix. Consécration toute parisienne pour un groupe qui n’a pas attendu de se faire reconnaître par la capitale pour aller se faire connaître à Londres ou en Allemagne.
Franck Bergerot