Jazz live
Publié le 7 Mai 2025

Emmanuel Bex : ce qu’Eddy lui a dit

Hier, grande affluence au New Morning autour d’Emmanuel Bex pour la sortie de son disque “Eddy m’a dit” en hommage à Eddy Louis. Effectif à géométrie variable, du solo à la méga-fanfare. Frisssssons garantis… Et une question aux érudits en fin de compte rendu.

Je ne vais pas détailler cette soirée, au risque de répéter mon compte rendu de la création de ce programme au Sunset en mars 2024, un début il est vrai alors encore balbutiant, compte rendu auquel j’ai probablement emprunté quelques éléments dans le livret de l’album qui m’a été commandé par Emmanuel Bex et son producteur, Vincent Mahey pour Pee Wee Records. « Combien de signes ? – T’occupes ! Lâche toi ! » Avec moi, ça peut être un peu dangereux, ayant tendance à tirer à la ligne sans parvenir à entrer dans le vif du sujet. J’ai envoyé un premier jet, dans l’idée de demander : « Qu’est-ce qu’on garde ? » La réponse a été « On prend tout ! » Bon ! Bex et Mahey, sont des amis tellement anciens qu’entre nous la confiance règne. L’un de mes premiers textes de pochette avait été pour le premier disque de Bex “Triple Idiome”, produite par Alain Guerrin en 1988.

Effectivement, dans le livret d’“Eddy m’a dit”, l’entièreté (je n’ai pas contrôlé) de mon texte figure, mais avec une inversion tout à fait judicieuse, la longue première partie ayant été rejetée en fin de livret (non traduite contrairement à l’autre). Décision judicieuse, parce que mon original commençait pas une espèce de non-lieu. J’y posais, certes, une question d’une relative gravité. La composition d’Eddy qui ouvre le disque et ouvrit les deux concerts de ce programme s’intitule-t-elle Dum ! Dum ! répété deux fois ou Dum ! Dum ! Dum ! répété trois fois. Sur les pochettes des différentes éditions de “Dynasty” de Stan Getz avec Eddy, René Thomas et Bernard Lubat, on trouve les deux formulations. Et ce que j’ai en mémoire, c’est l’introdution d’Eddy sur ce disque, intro qui fait à mon oreille Dooou dout-doooouum suivi de beaucoup d’autres de ces dou et de ces doum avant que Getz ne fasse entrer le thème. Or – figuraient-ils sur la maquette qui m’avait été transmise pour que j’écrive mes notes de pochettes, ou les ai-je rêvés ? –, Bex ne le joue ni sur le disque ni en concert, attaquant directement sur le thème. Et hier, ça me semblait manquer à ce merveilleux début de concert de Bex rejoint progressivement sur scène par le guitariste Antonin Fresson puis par le fiston Tristan à la batterie. La mémoire et la nostalgie vous jouent de ces tours !

Et la nostalgie, il y en avait ! Est-ce à elle ou à un manque d’information que je n’ai aperçu dans l’assistance aucun de la centaine de musiciens amateurs qui défilèrent dans la fanfare d’Eddy à l’époque. Pas même de ce noyau dur réuni l’été 1987 autour d’Eddy chez Patrick Tandin dans le hameau La Lichère d’où naquit cette idée de fanfare ! Sont-ils devenus méconnaissables? Sont-ils tous morts ? Craignaient-ils de se voir confrontés à leur passé ? De se découvrir remplaçables ? De succomber à une thrombose de nostalgie ? N’ayant jamais été un très brillant saxophoniste, pas même à l’aune du fanfaron, j’ai quant à moi jubilé de réentendre ces volumes sonores et ces polyphonies où je m’étais trouvé mêlé autrefois, désormais assumés par la Fanfare la Grand Soufflerie d’Emmanuel Bex épaulée par la Fanfare du Carreau de Fidel Fourneyron (acteur de premier plan de la soirée d’hier), soit une bonne soixantaine de soufflants, trop nombreux pour entrer dans le cadre de la photo prise avec mon téléphone aux fonctions “instamatiques”, le tout propulsé par l’orgue, la basse de Michel Alibo et la batterie où se succédèrent Simon Goubert et Arnaud Dolmen.

Quelques traits des partitions originales d’Eddy m’ont manqué ici et là, comme une marche faisant soudain défaut dans un escalier emprunté des centaines de fois, mais ils se trouvaient comblés par d’autres parties qu’à la deuxième ou troisième reprise j’ai su apprécier.

Et – j’avais déjà entendu ça sur les épreuves qui m’avaient été envoyées pour rédaction des liner notes – soudain au détour de Come On DH (à 3’40 sur le disque), concluant une variation qui n’existait pas du temps de la première fanfare d’Eddy, une citation de Frank Zappa, brève mais en un tel tutti et tellement jubilatoire ! D’où peut-elle bien venir ? Un pur hasard ? Nul n’a su me dire et personne ne semblait en avoir conscience. J’ai balayé tous mes disques de Zappa en vain, à commencer par “Hot Rats” qu’elle m’évoquait. Quelqu’un saura-t-il la découvrir ? Franck Bergerot