ETERNAL TRIANGLE à la Galerie Paul Fort
Le chroniqueur est très impatient de découvrir ce trio, et de retrouver un saxophoniste qu’il n’a écouté qu’une fois en concert. C’était (si ma mémoire est bonne, mais souvent elle défaille….) voici plus de 25 ans, au festival Banlieues Bleues, où il œuvrait au sein du London Jazz Composers Orchestra. Écouté sur disque aussi, notamment en duo avec le pianiste d’Eternal triangle. Excitation à l’orée d’une soirée qui tiendra ses promesses. Le retour en banlieue sera épique, plus que de coutume encore, aggravé par les suppressions de transports en commun décrétées par un pouvoir un peu aux abois…. Comme toujours, le lamento du chroniqueur sur les affres des transports publics se trouve en fin de chronique.
ETERNAL TRIANGLE
Trevor Watts (saxophones alto & soprano), Veryan Weston (clavier numérique), Jamie Harris (percussions)
Paris, Galerie 19 Paul Fort, 29 juin 2023, vers 20h45
Le trio est en tournée. Il était déjà venu dans notre pays l’an dernier, pour une brève tournée de 3 dates dans le Sud-Ouest, à l’initiative de Philippe Levreaud. Le voici de retour. La veille il était en Seine-et-Marne au Moulin de Benne, et les jours d’après ce seront Angoulême, Bordeaux et Puy-du-Lac. Mais pour l’instant ils sont là, pour nous, dans cette Galerie qui accueille régulièrement les musiques les plus rares.
Un bruissement de cymbales, les stridences du sax soprano, et un motif du clavier qui installe une pulsation : un incipit qui fleure bon la magie de la musique improvisée. Puis l’improvisation s’organise autour d’une pulsation véhémente : le percussionniste est au centre du jeu. Pas comme une ‘machine à groove’ qui véhiculerait du préconçu : plutôt comme le cœur vivant d’un organisme en mutation permanente. Le pianiste est en double dialogue : rythmique avec les percussions, mélodico-harmonique avec le saxophoniste. C’est lyrique, tendu, et il se passe une foule de micro-événements qui portent le discours à l’incandescence. Fin de la première séquence. Après de brèves paroles d’accueil et de présentation (Jamie Harris met son français à contribution) on part bille en tête, versant sax alto, dans une folle tournerie presque caribéenne. Retour ensuite au soprano, pour une sorte de ballade qui va monter en intensité, sur des motifs qui portent en eux un peu d’Afrique. Et ce continent est encore présent dans le thème suivant, qui est un hommage aux musiciens du Ghana avec qui Trevor Watts a collaboré à la fin du siècle précédent.
Au fil du concert, la musique respire sous d’autres horizons : hispaniques, latino-américains, moyen orientaux. Avec parfois des accents de mélancolies qui souvent se résolvent dans d’intenses pulsations, vers un lyrisme déchiré autant que déchirant. Bref un bouquet d’émotions fortes et de sensations subtiles : la musique, en somme.
Public conquis, chroniqueur aux anges, prêt à affronter la galère de l’année pour rentrer de la Porte d’Orléans jusqu’à Bondy : pour cause de ‘mesures de sécurité’, pas de métro ni de bus ; pas de RER ‘E’ mais marche à pied jusqu’à Denfert Rochereau pour le RER B vers Gare du Nord, puis ligne 5 vers Bobigny, et 4 km de marche à pied pour atteindre mes pénates. 2H45 pour parcourir 18 petits kilomètres (là où il faut habituellement par les transports en commun, de porte à porte, une cinquantaine de minutes). Mais le concert valait vraiment la peine !
Xavier Prévost
Eternal Triangle en concert : le 30 juin à Angoulême (Le Bêta), le 1er juillet à Bordeaux (Château Pallettes) et le 2 à Serres Puy-du-Lac