Jazz live
Publié le 15 Juin 2025

Festival des Abbayes: jazz sans sermon

Franck Tortiller (vibra) Misja Fitzgerald Michel (g)

Festival des Abbayes, Église du Bourg , St Paul les Dax (40990)

Ce festival qui depuis cinquante cinq ans parcourt les édifices religieux de la Chalosse, partie sud des Landes avec l’objectif avoué d’associer musique et patrimoine, tient à ne pas oublier le jazz pour autant dans une programmation majoritaire de musique classique. Du jazz donc dans la nef en cette soirée dacquoise. Sans doute parce que c’est inhabituel dans un décor de concert jazz avec un tel instrument, les lames de métal du vibraphone résonnent dures contre la pierre sous la voûte plein cintre de l’église au dessus de l’autel. La guitare acoustique pourvue de cordes métal, elle aussi assure une rythmique soutenue en mode « pompe jazz manouche » sur ses cordes graves. Par une incursion dans le domaine historique du be bop la visite surprise du « Bemsha swing » de Monk donne à ce duo singulier l’occasion d’accélérer la cadence. De quoi légitimer un autre thème baptisé celui là « Air love et vitamine » occasion pour  Franck Tortiller, espiègle dans ses présentations de louer « votre terre landaise plutôt généreuse en produits de bouche et qui ne manque pas d’en offrir à foison…des vitamines » De quoi fournir, mailloches ou médiator en mains une mélodie qui chante. Le vibraphone la fait ici vivre en accords ou à l’unisson. La sonorité de la guitare acoustique se fait un peu rugueuse mais bien vivante d’autant de vibrations. Plus loin histoire d’illustrer « Les heures propices » de Lamartine,  Misja Fitzgerald Michel lance des accords en rafales furieuses sous des allers et retours frénétiques de sa main droite. Le guitariste est également un « fan de musique folk «  s’il faut en croire le vibraphoniste. Raison d’un court voyage sur les harmonies cools d’une chanson signée David Crosby ( Guineverre )

Franck Tortiller

Le programme construit ad hoc pour séduire un public majoritairement en découverte dans le genre prend ses sources dans un horizon musical plutôt ouvert. À cet effet le vibra reprend les premiers rôles à propos d’un thème de  Nick Drake.  Sur les riffs,  les motifs rythmiques intenses impulsés via la guitare, Frank Tortiller très centré sur sa tâche n’a de cesse que d’harmoniser, phrases, modules et autres suite d’accords. Le duo se rejoint, concentré à parts égales sur la partition dès lors qu’il s’agit de célébrer le savoir faire savant de Maurice Ravel (Trois beaux oiseaux de paradis ) En matière musicale aussi, on ne prête qu’aux riches…écritures. Eclectisme toujours question contenu. Une composition maintenant d’un musicien américain mal connu, Jim Pepper saxophoniste « un native indien de la tribu des Pawnies vivant au nord ouest de la Californie. Il a toujours revendiqué la spécificité, la force  de son origine. ce qui n ‘était pas forcément bien vu aux Etats Unis » explique Franck Tortiller pour justifier son choix. « Wichitaito «  joué en forme d’hymne avec le poids de la conviction, avec beaucoup d’intensité. Pour ce faire, en un ballet des deux mains, Tortiller utilise ses quatre mailloches en simultané.  Ode au vin « le bon, la qualité, l’excellence » dans « Le clos de la cuvée » qui cherche à exhumer des saveurs « Je suis bourguignon, le savez-vous ? » glisse le vibraphoniste pince sans rire. 

Misja Fitzgzelald Michel

Pour conclure, dans l’élan, la maîtrise du propos et de l’expression instrumentale chacun dans son rôle mais les deux dans une écoute mutuelle, voilà venu le moment d’une manière d’hommage à des géants « Little Wing » de JimyHendrix suivi du « Rédemption » de Bob Marley. Esprit de blues, feeling de reggae, lyrisme assumé: fin de la cérémonie célébrée à l’Eglise du bourg.

Robert Latxague