Jazz live
Publié le 25 Juil 2023

Jazz à Sète

 FESTIVAL JAZZ A SETE par Lionel Eskenazi

15 AU 21 JUILLET 2023

Samedi 15 juillet

Pour cette 28 ème édition, le directeur du Festival Louis Martinez a eu l’excellente initiative de proposer au duo français Madeleine & Salomon d’ouvrir le festival, face à un Théâtre de la Mer plein à craquer de 2000 personnes, venues voir Pat Metheny (qui assurait la deuxième partie).

Madeleine & Salomon (photo : Lionel Eskenazi)

La chanteuse Clotilde Rullaud (Madeleine) et le pianiste Alexandre Saada (Salomon) ont assuré un show parfait et bien rôdé depuis la sortie de leur album « Eastern Spring » en septembre dernier, après de nombreuses prestations scéniques. L’association de la voix ample et grave de Clotilde Rullaud avec le jeu de piano d’Alexandre Saada, teinté d’impressionnisme poétique français et de minimaliste répétitif américain, produit une remarquable alchimie porteuse d’une grande émotion. Le public était ravi et le pari fou de Louis Martinez a été gagné haut la main.

Pat Metheny (photo : Lionel Eskenazi)

Puis vint le guitariste Pat Metheny en trio avec le claviériste Chris Fishman et le batteur Joe Dyson et ce fût l’élégance, la précision, le groove et la grande classe. L’art de la mélodie, des solos de guitare fulgurants, un groupe inouï et une interaction de haute volée. Le sourire permanent de Pat Metheny, le plaisir de jouer et une très belle façon de mettre en scène près de 50 ans de carrière. Une superbe rétrospective en 1h40 de concert, une musique riche et dense qui s’aventure dans tous les styles et qui est toujours parfaitement maîtrisée. Bref, du très grand art !

Lundi 17 juillet

Attention grosse soirée Groove et dansante – où il ne sera pas question pour le public de rester assis sur les gradins du Théâtre de la Mer – avec la présence du Trio de Sly Johnson suivi du volcanique collectif  américain Arrested Development.

Sly Johnson (photo : Lionel Eskenazi)

Pour ceux qui ne le savent pas encore (et qui n’ont pas regardé le « Late Show » d’Alain Chabat sur TF1 pendant la dernière coupe du monde de foot), Sly Johnson est un chanteur exceptionnel, il vient du rap et il s’est mis à la soul et au funk en ayant fort bien appris à l’écoute des plus grands (Sly Stone, Prince, Marvin Gaye, Al Green et j’en passe…). Sa force, c’est son feeling, son sens de l’improvisation et la qualité de son timbre, combinés avec sa grande maîtrise du beatboxing. Il est à la fois le chanteur et le batteur de ce groupe en alliant avec bonheur les mélodies chantées et les rythmes les plus fous qu’il performe en utilisant la beatbox. Autour de lui, deux remarquables musiciens qui abattent un boulot incroyable : Anthony Jambon à la guitare et Laurent Salzard à la basse A eux trois, ils réussissent à créer un son de groupe cohérent, puissant et d’une grande efficacité. Inutile de vous préciser que dès son entrée sur scène avec une remarquable reprise du Thank You de Sly Stone, le public était debout et chauffé à bloc pendant tout son set et fin prêt pour recevoir la débordante énergie d’Arrested Development .

Arrested Development (photo : Lionel Eskenazi)

Voici un groupe étonnant où près de 30 ans après leur premier (et remarquable album), ils sont toujours prêt à en découdre, et musicalement ils me semblent bien meilleurs qu’à leurs début (une mise en place ébouriffante, une variété de tous les styles musicaux possibles et une maîtrise éclatante du show). Le leader Speech est toujours aux commandes, secondé par l’excellent DJ et slammeur Spencer Love. Si la musique est festive et dansante, elle n’est pas que divertissante car les textes d’Arrested Development sont incisifs, percutants et fortement politisés. Ils n’hésitent pas à lever le poing à la manière des Black Panthers et assument avec une parfaite maîtrise leurs propos engagés.

Mardi 18 juillet

Plutôt que de programmer Sixun (qui effectue une grande tournée d’été), Louis Martinez  a eu la très bonne idée de proposer à Jean-Pierre Como (claviériste de Sixun) de venir jouer au Théâtre de la Mer avec son nouveau Trio composé de deux excellents musiciens danois : Thomas Fonnesbaek à la contrebasse et Niclas Campagnol à la batterie.

Jean-Pierre Como Trio (photo : Lionel Eskenazi)

Un répertoire de standards et de compositions personnelles, où priment la mélodie et le chant instrumental, autour d’une forte réjouissante interaction. De la très belle musique, émouvante et sensible, qui a fait vibrer un public attentif et touché droit au cœur. Une émotion et une sensibilité à fleur de peau qui va se prolonger avec l’arrivée de la chanteuse coréenne Youn Sun Nah, fort bien entourée par trois musiciens de grand talent : Tony Paeleman aux claviers, Thomas Naïm à la guitare et Brad Christopher Jones à la contrebasse (et à la basse électrique).

Youn Sun Nah (photo : Lionel Eskenazi)

Le répertoire de son dernier album « Waking World » (avec le très beau Don’t Get Me Wrong) côtoie des morceaux plus anciens (Asturias d’Albeniz, Jockey Full of Bourbon de Tom Waits, Please Don’t Be Sad ou Pancake). La magie opère à chaque chanson et le groupe qui accompagne Youn Sun Nah est incontestablement l’un des meilleurs qu’elle n’ait jamais eu, avec une superbe alchimie musicale et un plaisir évident de jouer. En fin de concert, Youn Sun Nah n’oublie pas de célébrer les 30 ans de la disparition de Léo Ferré avec une frémissante version d’Avec Le Temps.

Jeudi 20 juillet

Ludovic Louis (photo : Lionel Eskenazi)

Une très belle énergie autour du sextette du trompettiste d’origine martiniquaise Ludovic Louis avec la présence de l’excellent  guitariste Anthony Jambon (qui décidément enchaîne les concerts à Jazz à Sète dans des styles très différents !). Ludovic Louis nous a montré qu’il maitrisait très bien la trompette, qu’il arrivait à bien chanter également et qu’il était un formidable leader doublé d’un grand showman.

Stanley Clarke (photo : Lionel Eskenazi)

Puis ce fût au tour de Stanley Clarke d’investir la scène du Théâtre de la Mer pour un show tout à fait réjouissant, qui à l’image de celui Pat Metheny, revisitait toute sa carrière autour d’un groupe de jeune loups tout à fait impressionnants (avec une mention spéciale au batteur Jeremiah Collier). Très heureux d’être là et en pleine forme, Stanley Clarke a déroulé un show impeccable en dédiant d’entrée son concert à la mémoire de son ami Chick Corea. Parmi tous les morceaux de son répertoire, on a particulièrement apprécié ses versions de Vulcain Princess et School Days.

Lionel Eskenazi.