Jazz live
Publié le 24 Mai 2024

Gaël Rakotondrabe au Bal Blomet

Pour son premier grand concert sous son nom, le pianiste a conquis le club de la rue Blomet et s’est montré sous son meilleur jour.

Certains musiciens ont l’art de créer la surprise : quand son premier album sous son nom, « Shadow » (For Musicians Only), est arrivé à la rédaction de Jazzmag’, on ne savait pas à quoi s’attendre de la part de ce pianiste encore assez peu connu qui proposait avec son trio (Laurent Vernerey à la contrebasse et Raphaël Chassin à la batterie) des standards et une composition originale qui auraient pu passer inaperçus s’ils n’avaient pas été interprétés avec quelque chose d’aussi original et personnel.

Hier soir la surprise était presque aussi grande pour lui de se retrouver devant une salle comble pour son premier concert d’ampleur en tant que leader. On a retrouvé tout ce qui faisait la magie de « Shadow », cette capacité à donner de standards comme And I Love Her de Paul McCartney et John Lennon ou In A Sentimental Mood de Duke Ellington des versions passionnées et passionnantes, d’emblée accrocheuses et évocatrices des plus belles versions qu’on en a entendu, mais aussi de les emporter vers un ailleurs qui n’appartient qu’à lui, sans jamais les dénaturer ni les déconstruire jusqu’à les rendre abstraites, mais plutôt en les intensifiant jusqu’à l’extrême. A ses côtés, comme sur le disque (on ne change pas une équipe qui gagne), l’imperturbable Laurent Vernerey, juste à tous les sens du terme, et Raphaël Chassin, baguettes ou balais agiles et bien dosés, avec un superbe son de cymbale dont le scintillement semble annoncer l’enthousiasme non feint d’un public chauffé à blanc. L’inattendu ne s’arrête pas là puisque deux invités rejoignent Gaël Rakotondrabe sur scène : Hugh Coltman et Clara Ysé s’emparent du micro pour une superbe parenthèse chantée (dont un Visions de Stevie Wonder mémorable) avant une fin de concert en apothéose avec une pièce en solo où le pianiste a fait montre d’un sens très sûr des nuances et de sa culture classique et pop.

Une fin digne de ce concert-révélation d’un grand pianiste qui, on en est sûr, ne s’étonnera bientôt plus de jouer devant autant de monde.