Jazz live
Publié le 3 Fév 2014

Geri Allen piano solo "Motown & Motor City inspirations", Théâtre Paul Eluard, Choisy-le-Roy

Geri Allen piano solo « Motown & Motor City inspirations », Théâtre Paul Eluard, Choisy-le-Roy (dans le cadre du festival Sons d’Hiver), 02/02.

A quelle heure faut il quitter son humble demeure pour arriver à temps à un concert de Sons d’Hiver ? C’est la question que je me poserai de façon plus cruciale la prochaine fois que je m’aventurerai en Val-de-Marne. Car — quelle que soit ma part de responsabilité dans mon arrivée tardive — il n’est pas innocent que j’aie croisé, en entrant dans le hall du théâtre Paul Eluard de Choisy-le-Roy, un spectateur aussi perdu, agacé et en retard que moi (lui automobiliste venu de Charenton, moi scooteriste de Saint-Ouen) qui maugréait à propos des indications routières du programme de Sons d’Hiver et de l’absence de parking près du théâtre.

Indications que j’avais moi-même vouées aux gémonies quelques années plus tôt alors que, sortant du RER, je cherchais à pied le chemin du même théâtre. Supposons donc un partenariat entre Sons d’Hiver et la DDE (dont les panneaux routiers à l’incohérence intermittente et légendaire font râler les Français et pleurer les touristes étrangers), prenons un calmant, et laissons là l’affaire. Après tout c’est la musique (ou ce qu’il en reste) qui prime… si on nous laisse entrer en cours de concert. Oui ? Non ? Finalement oui ! (vive le Roy et ceux qui l’ont Choisy !) 

Et là, toutes les vibrations négatives et autres angoisses existentielles se dissipent, car Geri Allen trône devant un piano. Un peu comme à Londres voici quelques années (mais pour un programme différent), il semble qu’elle joue en partie sur partitions. Impression vite dissipée : elle les regarde à peine, tourne rarement les pages et la spontanéité de la création spontanée (qu’on appelle aussi improvisation) sourd de toutes les touches d’ivoire et d’ébène, de toutes les cordes de la table d’harmonie. La musique, intense, mélodique, imprégnée de blues et profondément rythmique coule, à la fois tellurique et aérienne, tel le flot inexorable d’un large fleuve dont la surface laisse deviner une profondeur plus accueillante qu’inquiétante. Car — n’ayez pas peur ! — cette main gauche qui plaque avec une tendre vigueur des accords touffus aux harmonies solidement charpentées, elle n’est là que pour soutenir votre écoute… et bien-sûr pour épauler la dextre qui virevolte en arpèges qu’on qualifierait de cristallins si le toucher n’était volontairement abrupt. La beauté peut aussi être rugueuse, semble nous dire Miss Allen, qu’on ne peut soupçonner d’avoir été dentellière dans un passé lointain ou récent. Et c’est tant mieux ! Les airs que ses mains entonnent (d’elle, de Michael Jackson, de Paul McCartney, de Marvin Gaye… : c’est le programme de son hommage à Detroit et à la Motown) se réfèrent plus souvent aux field hollers ou au gospel qu’aux thés dansants et à leur madeleines qu’on déguste un petit doigt en l’air en citant Marcel Proust. Ressassement de racines jazz/pop/soul/funk ? Vous n’y êtes pas : exploration d’un matériau collectif intemporel et sans cesse réactualisable, au prisme d’une sensibilité individuelle en totale empathie avec le vécu d’une communauté qui, sans cesser de poser problème dans le contexte étatsunien, déborde continuellement du champ ethno/socio/politico-machin truc pour s’inscrire dans celui de l’art, de la beauté, du corps créatif et dansant. Geri Allen, à cet égard, ne déçoit jamais, qu’elle soit seule ou accompagnée. Thierry Quénum

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Geri Allen piano solo « Motown & Motor City inspirations », Théâtre Paul Eluard, Choisy-le-Roy (dans le cadre du festival Sons d’Hiver), 02/02.

A quelle heure faut il quitter son humble demeure pour arriver à temps à un concert de Sons d’Hiver ? C’est la question que je me poserai de façon plus cruciale la prochaine fois que je m’aventurerai en Val-de-Marne. Car — quelle que soit ma part de responsabilité dans mon arrivée tardive — il n’est pas innocent que j’aie croisé, en entrant dans le hall du théâtre Paul Eluard de Choisy-le-Roy, un spectateur aussi perdu, agacé et en retard que moi (lui automobiliste venu de Charenton, moi scooteriste de Saint-Ouen) qui maugréait à propos des indications routières du programme de Sons d’Hiver et de l’absence de parking près du théâtre.

Indications que j’avais moi-même vouées aux gémonies quelques années plus tôt alors que, sortant du RER, je cherchais à pied le chemin du même théâtre. Supposons donc un partenariat entre Sons d’Hiver et la DDE (dont les panneaux routiers à l’incohérence intermittente et légendaire font râler les Français et pleurer les touristes étrangers), prenons un calmant, et laissons là l’affaire. Après tout c’est la musique (ou ce qu’il en reste) qui prime… si on nous laisse entrer en cours de concert. Oui ? Non ? Finalement oui ! (vive le Roy et ceux qui l’ont Choisy !) 

Et là, toutes les vibrations négatives et autres angoisses existentielles se dissipent, car Geri Allen trône devant un piano. Un peu comme à Londres voici quelques années (mais pour un programme différent), il semble qu’elle joue en partie sur partitions. Impression vite dissipée : elle les regarde à peine, tourne rarement les pages et la spontanéité de la création spontanée (qu’on appelle aussi improvisation) sourd de toutes les touches d’ivoire et d’ébène, de toutes les cordes de la table d’harmonie. La musique, intense, mélodique, imprégnée de blues et profondément rythmique coule, à la fois tellurique et aérienne, tel le flot inexorable d’un large fleuve dont la surface laisse deviner une profondeur plus accueillante qu’inquiétante. Car — n’ayez pas peur ! — cette main gauche qui plaque avec une tendre vigueur des accords touffus aux harmonies solidement charpentées, elle n’est là que pour soutenir votre écoute… et bien-sûr pour épauler la dextre qui virevolte en arpèges qu’on qualifierait de cristallins si le toucher n’était volontairement abrupt. La beauté peut aussi être rugueuse, semble nous dire Miss Allen, qu’on ne peut soupçonner d’avoir été dentellière dans un passé lointain ou récent. Et c’est tant mieux ! Les airs que ses mains entonnent (d’elle, de Michael Jackson, de Paul McCartney, de Marvin Gaye… : c’est le programme de son hommage à Detroit et à la Motown) se réfèrent plus souvent aux field hollers ou au gospel qu’aux thés dansants et à leur madeleines qu’on déguste un petit doigt en l’air en citant Marcel Proust. Ressassement de racines jazz/pop/soul/funk ? Vous n’y êtes pas : exploration d’un matériau collectif intemporel et sans cesse réactualisable, au prisme d’une sensibilité individuelle en totale empathie avec le vécu d’une communauté qui, sans cesser de poser problème dans le contexte étatsunien, déborde continuellement du champ ethno/socio/politico-machin truc pour s’inscrire dans celui de l’art, de la beauté, du corps créatif et dansant. Geri Allen, à cet égard, ne déçoit jamais, qu’elle soit seule ou accompagnée. Thierry Quénum

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Geri Allen piano solo « Motown & Motor City inspirations », Théâtre Paul Eluard, Choisy-le-Roy (dans le cadre du festival Sons d’Hiver), 02/02.

A quelle heure faut il quitter son humble demeure pour arriver à temps à un concert de Sons d’Hiver ? C’est la question que je me poserai de façon plus cruciale la prochaine fois que je m’aventurerai en Val-de-Marne. Car — quelle que soit ma part de responsabilité dans mon arrivée tardive — il n’est pas innocent que j’aie croisé, en entrant dans le hall du théâtre Paul Eluard de Choisy-le-Roy, un spectateur aussi perdu, agacé et en retard que moi (lui automobiliste venu de Charenton, moi scooteriste de Saint-Ouen) qui maugréait à propos des indications routières du programme de Sons d’Hiver et de l’absence de parking près du théâtre.

Indications que j’avais moi-même vouées aux gémonies quelques années plus tôt alors que, sortant du RER, je cherchais à pied le chemin du même théâtre. Supposons donc un partenariat entre Sons d’Hiver et la DDE (dont les panneaux routiers à l’incohérence intermittente et légendaire font râler les Français et pleurer les touristes étrangers), prenons un calmant, et laissons là l’affaire. Après tout c’est la musique (ou ce qu’il en reste) qui prime… si on nous laisse entrer en cours de concert. Oui ? Non ? Finalement oui ! (vive le Roy et ceux qui l’ont Choisy !) 

Et là, toutes les vibrations négatives et autres angoisses existentielles se dissipent, car Geri Allen trône devant un piano. Un peu comme à Londres voici quelques années (mais pour un programme différent), il semble qu’elle joue en partie sur partitions. Impression vite dissipée : elle les regarde à peine, tourne rarement les pages et la spontanéité de la création spontanée (qu’on appelle aussi improvisation) sourd de toutes les touches d’ivoire et d’ébène, de toutes les cordes de la table d’harmonie. La musique, intense, mélodique, imprégnée de blues et profondément rythmique coule, à la fois tellurique et aérienne, tel le flot inexorable d’un large fleuve dont la surface laisse deviner une profondeur plus accueillante qu’inquiétante. Car — n’ayez pas peur ! — cette main gauche qui plaque avec une tendre vigueur des accords touffus aux harmonies solidement charpentées, elle n’est là que pour soutenir votre écoute… et bien-sûr pour épauler la dextre qui virevolte en arpèges qu’on qualifierait de cristallins si le toucher n’était volontairement abrupt. La beauté peut aussi être rugueuse, semble nous dire Miss Allen, qu’on ne peut soupçonner d’avoir été dentellière dans un passé lointain ou récent. Et c’est tant mieux ! Les airs que ses mains entonnent (d’elle, de Michael Jackson, de Paul McCartney, de Marvin Gaye… : c’est le programme de son hommage à Detroit et à la Motown) se réfèrent plus souvent aux field hollers ou au gospel qu’aux thés dansants et à leur madeleines qu’on déguste un petit doigt en l’air en citant Marcel Proust. Ressassement de racines jazz/pop/soul/funk ? Vous n’y êtes pas : exploration d’un matériau collectif intemporel et sans cesse réactualisable, au prisme d’une sensibilité individuelle en totale empathie avec le vécu d’une communauté qui, sans cesser de poser problème dans le contexte étatsunien, déborde continuellement du champ ethno/socio/politico-machin truc pour s’inscrire dans celui de l’art, de la beauté, du corps créatif et dansant. Geri Allen, à cet égard, ne déçoit jamais, qu’elle soit seule ou accompagnée. Thierry Quénum

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Geri Allen piano solo « Motown & Motor City inspirations », Théâtre Paul Eluard, Choisy-le-Roy (dans le cadre du festival Sons d’Hiver), 02/02.

A quelle heure faut il quitter son humble demeure pour arriver à temps à un concert de Sons d’Hiver ? C’est la question que je me poserai de façon plus cruciale la prochaine fois que je m’aventurerai en Val-de-Marne. Car — quelle que soit ma part de responsabilité dans mon arrivée tardive — il n’est pas innocent que j’aie croisé, en entrant dans le hall du théâtre Paul Eluard de Choisy-le-Roy, un spectateur aussi perdu, agacé et en retard que moi (lui automobiliste venu de Charenton, moi scooteriste de Saint-Ouen) qui maugréait à propos des indications routières du programme de Sons d’Hiver et de l’absence de parking près du théâtre.

Indications que j’avais moi-même vouées aux gémonies quelques années plus tôt alors que, sortant du RER, je cherchais à pied le chemin du même théâtre. Supposons donc un partenariat entre Sons d’Hiver et la DDE (dont les panneaux routiers à l’incohérence intermittente et légendaire font râler les Français et pleurer les touristes étrangers), prenons un calmant, et laissons là l’affaire. Après tout c’est la musique (ou ce qu’il en reste) qui prime… si on nous laisse entrer en cours de concert. Oui ? Non ? Finalement oui ! (vive le Roy et ceux qui l’ont Choisy !) 

Et là, toutes les vibrations négatives et autres angoisses existentielles se dissipent, car Geri Allen trône devant un piano. Un peu comme à Londres voici quelques années (mais pour un programme différent), il semble qu’elle joue en partie sur partitions. Impression vite dissipée : elle les regarde à peine, tourne rarement les pages et la spontanéité de la création spontanée (qu’on appelle aussi improvisation) sourd de toutes les touches d’ivoire et d’ébène, de toutes les cordes de la table d’harmonie. La musique, intense, mélodique, imprégnée de blues et profondément rythmique coule, à la fois tellurique et aérienne, tel le flot inexorable d’un large fleuve dont la surface laisse deviner une profondeur plus accueillante qu’inquiétante. Car — n’ayez pas peur ! — cette main gauche qui plaque avec une tendre vigueur des accords touffus aux harmonies solidement charpentées, elle n’est là que pour soutenir votre écoute… et bien-sûr pour épauler la dextre qui virevolte en arpèges qu’on qualifierait de cristallins si le toucher n’était volontairement abrupt. La beauté peut aussi être rugueuse, semble nous dire Miss Allen, qu’on ne peut soupçonner d’avoir été dentellière dans un passé lointain ou récent. Et c’est tant mieux ! Les airs que ses mains entonnent (d’elle, de Michael Jackson, de Paul McCartney, de Marvin Gaye… : c’est le programme de son hommage à Detroit et à la Motown) se réfèrent plus souvent aux field hollers ou au gospel qu’aux thés dansants et à leur madeleines qu’on déguste un petit doigt en l’air en citant Marcel Proust. Ressassement de racines jazz/pop/soul/funk ? Vous n’y êtes pas : exploration d’un matériau collectif intemporel et sans cesse réactualisable, au prisme d’une sensibilité individuelle en totale empathie avec le vécu d’une communauté qui, sans cesser de poser problème dans le contexte étatsunien, déborde continuellement du champ ethno/socio/politico-machin truc pour s’inscrire dans celui de l’art, de la beauté, du corps créatif et dansant. Geri Allen, à cet égard, ne déçoit jamais, qu’elle soit seule ou accompagnée. Thierry Quénum