Jazz live
Publié le 6 Juil 2019

Getxo: un jazz léger comme du Lage

Getxo Jazz, sur la côte cantabrique au bout Ouest d’Euskadi, jouxtant Bilbao. 43 e édition de ce festival mais une première question lieu: un centre culturel ultra moderne inauguré lors de la première journée. Cinq jours de concerts, un concours de jeunes orchestres européens. Et cette année en bonus une exposition exclusive autour du Jazz de Matisse.

Getxo le jazz en images. Une exposition originale sur le livre Jazz d’Henri Matisse, ouvrage d’images, gouaches, collages, dessins, commentaires dans une écriture en calligraphie inédite de la main du peintre. Version publiée dans une édition spéciale pour le MOMA de New York à partir de l’ouvrage priginal sortie par l’éditeur Tériade aux éditions Verve en septembre 1947. Éclatant.

Claudio Jr De Rosa (ts), Xavi Torres Vicente (p), Mauro Cottone (b), Agustas Barinas (dm)

Andrea Motis (voc, tp), Juan Chamorro (b), Ignasi Terrasa (p), Josep Traver (g), Esteve Pi (dm)

3 juillet

Getxo Jazz, Musikaberrî, Getxo (Euskadi/España), 

Chaque soirée du festival présente deux orchestres. La première partie concerne le concours d’orchestre jaugé par un jury de quatre membres « Je tiens à cette formule car dans le jazz européen les jeunes musiciens doivent avoir leur chance de présenter leur travail, de tester leur degré de créativité justifie Iñaki Isaitua directeur du festival biscayen qui en est  à sa 43 e édition. Nous veillons dans la sélection initiale à valoriser la qualité du travail musical présenté » Premier candidat, le quartet Claudio Jr de Rosa,  un groupe très européen basé à Rotterdam composé de deux espagnols, un italien, un lituanien. Sax de sonorité coltraniennne marqué d’une expression en  jets de notes percussives. Piano très brillant, inspiré. Les compositions originales et bien construites livrent un discours riche de souffles et sonorités travaillées comme autant d’ expressions fortes question couleurs. Au total ce quartet made in Europe, fort d’une vraie sonorité de groupe produit un jazz aux contours très actuels, risquant même une dédicace inattendue à Olivier Messiaen.

 

Andrea Motis, côté trompette

Originalité, recherche d’une voie personnelle: au sein de chacun de ces chapitres la comparaison ne porte pas forcément en faveur d’Andréa Motis.  Déjà au départ, un étrange son de sirène hurlante type signal sonore d’alerte intrusion vient perturber quelques minutes durant le début du concert. Le mauvais gag passé, le contenu déroule un jazz,  comment dire ? Allez, de substance…molle. La jeune catalane passée tout de même par le moule Blue Note égrène des chansons en mode soft. Elle alterne trompette et vocal. Voix de tête, haut perchée. Elle se montre certes  plus efficiente sur son instrument en terme de dynamique. Mais les deux regsitres manquent de gnac comme on dit dans le rugby du sud ouest. Ou de piment d’espelette en gorge…Un moment de grâce : duo, voix en appui sur  de jolis accords de guitare. Un pôle d’intérêt: le savoir faire du pianiste Ignasi Terraza. Au final on notera tonalité musicale en mode pains de sucre Brésil un peu marketing dans la sonorité, accents de son dernier opus exige. Ça plaît globalement, oui, mais…Fruit d’un ennui surgi rapidement, on songe avec une mélancolie gourmande aux saveurs épicées des pintxos trônant sur les comptoirs environnant. Terrible concurence en matière de plaisirs…

Szymon Klekowicki (tb, tub), Jakublęnpa (as), Marcin Dambrowski (ts), Adam Jarzmik (p), Tymon Trabczynski (b), Piotr Budniak (dm)

Julian Lage (elg), Jorge Roeder ((b), Kenny Wollesen (dm)

4 juillet

 

Szymon Klekowicki Quartet

 

Le pays de Chopin, Penderewski ou Thomas Sztanko est, on le sait, une terre de musiques. Et de musiciens de jazz jusque dans l’actuelle génération sortante. La preuve avec ce sextet venu de Katowice, seconde formation du concours d’orchestres. Trois cuivres en lice. Les arrangements bien entendu, visent à mettre en valeur ce pupitre placé en ligne de front. Les lignes musicales ainsi  tracées se croisent, se déplacent, creusent dans le dur, cherchant toujours des effets de relief. L’écriture de Szymon Klekowski, le leader, riche, complexe parfois, vise à des contrastes dans la recherche d’équilibres et de ruptures successives, Pareilles opposition, douceurs et pointes servent la qualité des solistes. Ça sonne contemporain avec des leçons très assimilées du jazz fin XXe siècle des deux côtés de l’Atlantique. Parvenu jusqu’aux rives de la Baltique.

 

Julian Lage, jazz Télécaster

Le meilleur pour la fin. C’est drôle de dire cela. Sauf qu’écouter, voir jouer Julian Lage juste en trio avec sa Fender Télécaster tellement  commune comme guitare (enfin pas tant que ça tout de même dans le petit monde du jazz) -on meurt d’envie d’ecrire « dans son plus simple appareil »… – difficile de rendre compte de la réalité d’un moment qui paraît si « normal » Il joue, ils jouent. Il parcourt le manche, les notes coulent, du jazz, du folk, du rock intelligent, quelques pincées de blues en écho. À vrai dire on s’en fout un peu, lui le premier sans doute. D’aileurs il enchaîne les morceaux, le suivant esquissé d’une note, d’un accord à peine le précédent terminé. On ne retient pas son souffle, on respire normalement « Nous vous jouons des thèmes puisés dans mes sept albums enregistrés, jusqu’au dernier, In circle, extrait  lui de Love Hurts paru cette année » explique le guitariste dans ses rares mots exprimés . La musique y suffit, il est vrai. Aucune blessure, au contraire. Cest  beau, c’est chouette, ça coule frais ce coulis de notes en plat principal. C’est servi nature sans pédales d’effets.  Pourtant mine de rien le trio nous a fait entr’autres revisiter cash Keith Jarreth (The windup) puis deux fois des épreuves signées Ornette Coleman (To morrow is the question, Blues connotation) Rien que ça. Avec dans les doigts du guitariste toujours présente la nécessité d’une mélodie sous jacente. « Armé » comme disait Nougaro à propos de sa voix d’une étonnante fluidité dans le phrasé, d’une sonorité portant clair. Kenny Wollesen, le batteur décline sans interruption un gros oeuvre de soutien percussif. Curieusement les trois musiciens évoluent groupés, à peine un mètre l’un de l’autre, ressérrés comme pour mieux bénéficier d’une solidarité de jeu et d’ecoute mutuelle. On assiste à  une conversation à trois, échange vécu par les musiciens quasi les yeux dans les yeux. Une intimité assumée. Avec invitation au partage si l’on est disponible.

 

Jorge Roeder

Au sortir du concert, devant l’auditorium flambant neuf, façade verre-béton-bois-métal, comme il sied désormais à la modernité du Bilbao du Guggenheim, dans le quartier de vieilles pierres chic d’Algorta dominant la grande ville basque, Iñaki Saitua assailli de compliments ravis de spectateurs familiers se rassure « Je fais le choix de musiques différentes pour le programme du festival. Un critère : la qualité du jazz présenté, une donnée renforcée je crois par l’acoustique de cette nouvelle salle de spectacle voulue par la municipalité. Un objectif majeur: rencontrer un public large attiré  par cette volonté de contenu qualitatif. En matière de jazz d’abord, bien sûr. Et même plus, dans le réservoir des musiques créatives actuelles »

Iñaki Isaitua, Tableaux de Matisse Jazz

Robert Latxague