Jazz live
Publié le 20 Août 2018

Guéthary: Paul Lay à un train d’enfer

Un festival de musique classique le week end de l'Assomption sur la Côte Basque organisé par un pianiste et sa famille installée à demeure. Des concerts sur une place de mairie ou carrément dans l' église.du village. Au milieu du programme vient se greffer un trio de jazz un peu singulier drivé par un autre pianiste issu du même département, mais dans sa partie béarnaise: Paul Lay.

Paul Lay, de profil, bien élégant dans sa veste cintrée, annonce très sérieux le morceau qui vient « Nous allons vous jouer une chanson de Nina Simone intitulée Go to hell «  Derrière lui se tient l’autel de l’église basque. Là bas tout au fond, se dessine l’ombre d’une grande croix… En cette nuit de lendemain d’Assomption le jazz se trouve inscrit à la croisée des chemins. Entre paradis et enfer.

Paul Lay (p), Simon Taileu (b), Isabelle Sörling (voc, elec)

Eglise de Guéthary (64210), 17 aout

 

Paul Lay, l’élégance au clavier

Le répertoire du concert plonge dans les chansons “folkloriques” américaines fin XIX e début XXe. Simple effet du moment ou résonance particulière des pierres de l’église du village basque étagée de galeries traditionnelles en bois verni abritant aux étages les hommes, les femmes occupant elles le parterre durant l’office ? En ce début de concert (Southern soldier boy) la voix d’Isabelle Sörling, vissée dans les aigües domine l’espace sonore sur l’ensemble du transept. Puis elle se fait plus discrète en decrescendo suite à un duo d’échange piano/basse. Le jeu du pianiste orthézien -qui joue ce soir en présence de ses parents et de sa grand mère à qui il dédiera un thème- se resserre alors au centre du clavier, très dense autour de chromatismes, d’accords frappés. Marque vivante d’un piano d’expression très physique. Musique en diffusion d’énergie ainsi libérée forte de  l’appui de la basse traitée façon «  bois brut » par le savoir faire de Simon Tailleu (Maple leaf rag)

 

Simopn Tailleu, Isabelle Sörling

Montent alors dans la nef une sorte de complainte, les volutes d’un hymne pet-être, composé à partir d’un poème d’un officier anglais tué au front à Verdun à l’âge de dix sept ans. Sur des accords de piano ancrés dans les graves, la voix revient, légère cette fois, fluide , haute toujours, aérienne comme apte à trancher par les vibrations émises le silence habituel du lieu.

 

Isabelle Sörling, voix ascendante

 

Quelle que soit la tonalité, décidément en ce décor la voix d’Isabelle Sõrling cadre avec le lieu répercutée en une sorte d’écho naturel. Le public un peu réservé, un peu froid de prime abord pour recevoir cet épisode de musique habitée par l’improvisation plus qu’un mode jazz stricto sensu -est-ce le fait brut de l’intitulé Festival Classique à Guéthary ?- l’audience donc, embarquée dans l’élan, le climat intense créé via voix et instruments conjugués, se laisse prendre au jeu. Y participe directement même, battements de mains, applaudissements fournis et cris d’enthousiasme à l’appui. La chanson de Nina Simone, le rythme binaire de Deep River interprété façon gospel pur jus au final déclenche  l’enthousiasme. Paul Lay, son brio communicatif sur l’instrument,  puis le trio tout entier enfin, viennent de  faire à l’instant de l’impro jazz une parole d’Evangile.

 

Paul Lay « Go to Hell »

 

 

Robert Latxague