Jazz live
Publié le 14 Avr 2014

Hal et Steve un dimanche

Un dimanche après-midi à Ménilmontant, moment et lieu de rencontres programmées et/ou inespérées, d’histoires, de manières et de tons. Ou quand deux saxophonistes américains aujourd’hui parisiens, nés respectivement en 1919 et 1945, confrontent leurs amours musicales.

Les Ateliers du Chaudron, Paris, 31 passage de Ménilmontant (11ème), le 6 avril 2014.

Steve Potts (saxophones alto et soprano), Harold “Hal” Singer (saxophone ténor), Alain Jean-Marie (piano), Darryl Hall (contrebasse), John Betsch (batterie).

Comme en exergue du chapitre de l’histoire du jazz qui doit s’ouvrir dans quelques minutes, devant une cinquantaine de spectateurs (contenance maximale, d’où ce rite dominical de deux concerts, à 16 ou 17 h puis 20 h) réunis sur les bancs d’une sorte de salle de classe, une des images accrochées entre deux fenêtres (permettant de voir la cour de récréation) est légendée “Grenoble 1973”, soit quelque quarante ans avant les concerts de cet après-midi. Trace photographique (signée Big Max Leo) d’un moment fort du festival “4 jours de jazz à Grenoble” (alors animé-inventé par Nicolle Raulin), elle montre, sur scène, un quintette de saxophonistes remarquable(s) : Ben Webster, Johnny Griffin, Hal Singer, Robin Kenyatta et Steve Potts. D’emblée, mémoire et émotion s’entrelacent, d’autant que sont attendus aujourd’hui les deux survivants de cette “photo de famille”. Si le visage d’“Uncle Ben” Webster me rappelle certain terrible entracte où, au bar de Pleyel lors d’un concert d’Ellington (late sixties), il nous racontait, éméché larmoyant, la fin de Jimmy Blanton dans ses bras, celui de Griffin évoque un blindfold test chez notre rédacteur en chef Jean-Louis Ginibre où, entre deux “pièges”, le “Little Giant” nous invitait à partager avec lui ses souvenirs et quelques bouffées, tandis que Kenyatta nous renvoie, entre autres souvenirs chaleureux, au club new-yorkais où il nous présenta son copain Eddie Harris, ravi de recevoir en guise d’offrande un briquet “Jazz Magazine”… Petits bonheurs de l’anamnèse qu’attise la photo inévitablement historique et qui préludent à notre émoi vespéral. La salle est vite pleine : habitués ? amis ? connaisseurs plus ou moins jazzophiles ? Quelques visages familiers, dont le pianiste Bobby Few. Pourtant ma voisine, qui n’est plus une ado, semble être là parce qu’elle n’habite pas loin et qu’il faisait « beau », mais elle ne connaît aucun des musiciens. Son apparent enthousiasme la fera-t-il revenir un autre dimanche ? Joués en quartette (Potts, Jean-Marie, Hall, Betsch), les premiers morceaux ont tout pour plaire à l’auditoire le plus hétérogène par la grâce conjuguée d’orfèvres du groove transfreebop et du swing cantabile, autant dire que le chant virevoltant du sax, les pirouettes, surprises et clins d’oreille harmoniques du pianiste (avec, quel que soient le tempo ou les intervalles quasi acrobatiques, cet air fascinant de ne-pas-y-toucher), la souriante, précise et polychrome polyrythmie du percussionniste et, last but not least, la chantante et complexe élégance de la contrebasse qui entretisse le son d’ensemble assurent à la fois une sorte de préalable chauffage de salle avant l’apparition, à petits pas fragiles et précautionneux (consolidés-guidés par une canne blanche et un entourage amical), du héros de cette vesprée, lui-même au soir de sa vie : Harold “Hal” Singer, tenor sax. Refusant les sièges proposés, il soufflera debout jusqu’à la dernière note d’un premier concert commencé in a sentimental mood (cf son album “Senior Blues” en duo avec the late Bernard Maury et, aussi, oblique rappel de son passage dans les rangs ellingtoniens il y a plus de six décennies), puis, comme si certain naturel ne résistait pas à l’appel du galop, il conviera son juvénile et respectueux entourage à un sursaut de “freedom”. Après que la ballade, comme distendue par un mixte d’émotion et presque d’inquiétude, ait permis de conforter les fondations, agit une sorte de magie rassérénante tandis que le tempo s’accélère. A croire que la mémoire de ses heures les plus vives remonte à la surface, comme pour nous rappeler que ce souffleur-là avait enregistré en 1955 un Rock’n’Roll avec une débordante et convaincante énergie. Après un So What ténor-alto avec Potts et un conclusif Caravan décidément irrésistible et persillé d’humour, je choisis de partir sur ce flot d’incandescence aussi inouïe qu’ambiguë et de retourner à la station Ménilmontant. Demain je réécouterai Cornbread, en attendant un prochain concert de Hal Singer. 

Philippe Carles 

PS qui n’a rien à voir (encore que) – Vient de paraître en Allemagne (ed. Wolke Verlag Hofheim) mais en anglais un superbe ouvrage (texte, photos et images) : “Brötzmann : Conversations with Gérard Rouy We Thought We Could Change The World” (www.bugrim.de, www.wolke-verlag.de).

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Un dimanche après-midi à Ménilmontant, moment et lieu de rencontres programmées et/ou inespérées, d’histoires, de manières et de tons. Ou quand deux saxophonistes américains aujourd’hui parisiens, nés respectivement en 1919 et 1945, confrontent leurs amours musicales.

Les Ateliers du Chaudron, Paris, 31 passage de Ménilmontant (11ème), le 6 avril 2014.

Steve Potts (saxophones alto et soprano), Harold “Hal” Singer (saxophone ténor), Alain Jean-Marie (piano), Darryl Hall (contrebasse), John Betsch (batterie).

Comme en exergue du chapitre de l’histoire du jazz qui doit s’ouvrir dans quelques minutes, devant une cinquantaine de spectateurs (contenance maximale, d’où ce rite dominical de deux concerts, à 16 ou 17 h puis 20 h) réunis sur les bancs d’une sorte de salle de classe, une des images accrochées entre deux fenêtres (permettant de voir la cour de récréation) est légendée “Grenoble 1973”, soit quelque quarante ans avant les concerts de cet après-midi. Trace photographique (signée Big Max Leo) d’un moment fort du festival “4 jours de jazz à Grenoble” (alors animé-inventé par Nicolle Raulin), elle montre, sur scène, un quintette de saxophonistes remarquable(s) : Ben Webster, Johnny Griffin, Hal Singer, Robin Kenyatta et Steve Potts. D’emblée, mémoire et émotion s’entrelacent, d’autant que sont attendus aujourd’hui les deux survivants de cette “photo de famille”. Si le visage d’“Uncle Ben” Webster me rappelle certain terrible entracte où, au bar de Pleyel lors d’un concert d’Ellington (late sixties), il nous racontait, éméché larmoyant, la fin de Jimmy Blanton dans ses bras, celui de Griffin évoque un blindfold test chez notre rédacteur en chef Jean-Louis Ginibre où, entre deux “pièges”, le “Little Giant” nous invitait à partager avec lui ses souvenirs et quelques bouffées, tandis que Kenyatta nous renvoie, entre autres souvenirs chaleureux, au club new-yorkais où il nous présenta son copain Eddie Harris, ravi de recevoir en guise d’offrande un briquet “Jazz Magazine”… Petits bonheurs de l’anamnèse qu’attise la photo inévitablement historique et qui préludent à notre émoi vespéral. La salle est vite pleine : habitués ? amis ? connaisseurs plus ou moins jazzophiles ? Quelques visages familiers, dont le pianiste Bobby Few. Pourtant ma voisine, qui n’est plus une ado, semble être là parce qu’elle n’habite pas loin et qu’il faisait « beau », mais elle ne connaît aucun des musiciens. Son apparent enthousiasme la fera-t-il revenir un autre dimanche ? Joués en quartette (Potts, Jean-Marie, Hall, Betsch), les premiers morceaux ont tout pour plaire à l’auditoire le plus hétérogène par la grâce conjuguée d’orfèvres du groove transfreebop et du swing cantabile, autant dire que le chant virevoltant du sax, les pirouettes, surprises et clins d’oreille harmoniques du pianiste (avec, quel que soient le tempo ou les intervalles quasi acrobatiques, cet air fascinant de ne-pas-y-toucher), la souriante, précise et polychrome polyrythmie du percussionniste et, last but not least, la chantante et complexe élégance de la contrebasse qui entretisse le son d’ensemble assurent à la fois une sorte de préalable chauffage de salle avant l’apparition, à petits pas fragiles et précautionneux (consolidés-guidés par une canne blanche et un entourage amical), du héros de cette vesprée, lui-même au soir de sa vie : Harold “Hal” Singer, tenor sax. Refusant les sièges proposés, il soufflera debout jusqu’à la dernière note d’un premier concert commencé in a sentimental mood (cf son album “Senior Blues” en duo avec the late Bernard Maury et, aussi, oblique rappel de son passage dans les rangs ellingtoniens il y a plus de six décennies), puis, comme si certain naturel ne résistait pas à l’appel du galop, il conviera son juvénile et respectueux entourage à un sursaut de “freedom”. Après que la ballade, comme distendue par un mixte d’émotion et presque d’inquiétude, ait permis de conforter les fondations, agit une sorte de magie rassérénante tandis que le tempo s’accélère. A croire que la mémoire de ses heures les plus vives remonte à la surface, comme pour nous rappeler que ce souffleur-là avait enregistré en 1955 un Rock’n’Roll avec une débordante et convaincante énergie. Après un So What ténor-alto avec Potts et un conclusif Caravan décidément irrésistible et persillé d’humour, je choisis de partir sur ce flot d’incandescence aussi inouïe qu’ambiguë et de retourner à la station Ménilmontant. Demain je réécouterai Cornbread, en attendant un prochain concert de Hal Singer. 

Philippe Carles 

PS qui n’a rien à voir (encore que) – Vient de paraître en Allemagne (ed. Wolke Verlag Hofheim) mais en anglais un superbe ouvrage (texte, photos et images) : “Brötzmann : Conversations with Gérard Rouy We Thought We Could Change The World” (www.bugrim.de, www.wolke-verlag.de).

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Un dimanche après-midi à Ménilmontant, moment et lieu de rencontres programmées et/ou inespérées, d’histoires, de manières et de tons. Ou quand deux saxophonistes américains aujourd’hui parisiens, nés respectivement en 1919 et 1945, confrontent leurs amours musicales.

Les Ateliers du Chaudron, Paris, 31 passage de Ménilmontant (11ème), le 6 avril 2014.

Steve Potts (saxophones alto et soprano), Harold “Hal” Singer (saxophone ténor), Alain Jean-Marie (piano), Darryl Hall (contrebasse), John Betsch (batterie).

Comme en exergue du chapitre de l’histoire du jazz qui doit s’ouvrir dans quelques minutes, devant une cinquantaine de spectateurs (contenance maximale, d’où ce rite dominical de deux concerts, à 16 ou 17 h puis 20 h) réunis sur les bancs d’une sorte de salle de classe, une des images accrochées entre deux fenêtres (permettant de voir la cour de récréation) est légendée “Grenoble 1973”, soit quelque quarante ans avant les concerts de cet après-midi. Trace photographique (signée Big Max Leo) d’un moment fort du festival “4 jours de jazz à Grenoble” (alors animé-inventé par Nicolle Raulin), elle montre, sur scène, un quintette de saxophonistes remarquable(s) : Ben Webster, Johnny Griffin, Hal Singer, Robin Kenyatta et Steve Potts. D’emblée, mémoire et émotion s’entrelacent, d’autant que sont attendus aujourd’hui les deux survivants de cette “photo de famille”. Si le visage d’“Uncle Ben” Webster me rappelle certain terrible entracte où, au bar de Pleyel lors d’un concert d’Ellington (late sixties), il nous racontait, éméché larmoyant, la fin de Jimmy Blanton dans ses bras, celui de Griffin évoque un blindfold test chez notre rédacteur en chef Jean-Louis Ginibre où, entre deux “pièges”, le “Little Giant” nous invitait à partager avec lui ses souvenirs et quelques bouffées, tandis que Kenyatta nous renvoie, entre autres souvenirs chaleureux, au club new-yorkais où il nous présenta son copain Eddie Harris, ravi de recevoir en guise d’offrande un briquet “Jazz Magazine”… Petits bonheurs de l’anamnèse qu’attise la photo inévitablement historique et qui préludent à notre émoi vespéral. La salle est vite pleine : habitués ? amis ? connaisseurs plus ou moins jazzophiles ? Quelques visages familiers, dont le pianiste Bobby Few. Pourtant ma voisine, qui n’est plus une ado, semble être là parce qu’elle n’habite pas loin et qu’il faisait « beau », mais elle ne connaît aucun des musiciens. Son apparent enthousiasme la fera-t-il revenir un autre dimanche ? Joués en quartette (Potts, Jean-Marie, Hall, Betsch), les premiers morceaux ont tout pour plaire à l’auditoire le plus hétérogène par la grâce conjuguée d’orfèvres du groove transfreebop et du swing cantabile, autant dire que le chant virevoltant du sax, les pirouettes, surprises et clins d’oreille harmoniques du pianiste (avec, quel que soient le tempo ou les intervalles quasi acrobatiques, cet air fascinant de ne-pas-y-toucher), la souriante, précise et polychrome polyrythmie du percussionniste et, last but not least, la chantante et complexe élégance de la contrebasse qui entretisse le son d’ensemble assurent à la fois une sorte de préalable chauffage de salle avant l’apparition, à petits pas fragiles et précautionneux (consolidés-guidés par une canne blanche et un entourage amical), du héros de cette vesprée, lui-même au soir de sa vie : Harold “Hal” Singer, tenor sax. Refusant les sièges proposés, il soufflera debout jusqu’à la dernière note d’un premier concert commencé in a sentimental mood (cf son album “Senior Blues” en duo avec the late Bernard Maury et, aussi, oblique rappel de son passage dans les rangs ellingtoniens il y a plus de six décennies), puis, comme si certain naturel ne résistait pas à l’appel du galop, il conviera son juvénile et respectueux entourage à un sursaut de “freedom”. Après que la ballade, comme distendue par un mixte d’émotion et presque d’inquiétude, ait permis de conforter les fondations, agit une sorte de magie rassérénante tandis que le tempo s’accélère. A croire que la mémoire de ses heures les plus vives remonte à la surface, comme pour nous rappeler que ce souffleur-là avait enregistré en 1955 un Rock’n’Roll avec une débordante et convaincante énergie. Après un So What ténor-alto avec Potts et un conclusif Caravan décidément irrésistible et persillé d’humour, je choisis de partir sur ce flot d’incandescence aussi inouïe qu’ambiguë et de retourner à la station Ménilmontant. Demain je réécouterai Cornbread, en attendant un prochain concert de Hal Singer. 

Philippe Carles 

PS qui n’a rien à voir (encore que) – Vient de paraître en Allemagne (ed. Wolke Verlag Hofheim) mais en anglais un superbe ouvrage (texte, photos et images) : “Brötzmann : Conversations with Gérard Rouy We Thought We Could Change The World” (www.bugrim.de, www.wolke-verlag.de).

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Un dimanche après-midi à Ménilmontant, moment et lieu de rencontres programmées et/ou inespérées, d’histoires, de manières et de tons. Ou quand deux saxophonistes américains aujourd’hui parisiens, nés respectivement en 1919 et 1945, confrontent leurs amours musicales.

Les Ateliers du Chaudron, Paris, 31 passage de Ménilmontant (11ème), le 6 avril 2014.

Steve Potts (saxophones alto et soprano), Harold “Hal” Singer (saxophone ténor), Alain Jean-Marie (piano), Darryl Hall (contrebasse), John Betsch (batterie).

Comme en exergue du chapitre de l’histoire du jazz qui doit s’ouvrir dans quelques minutes, devant une cinquantaine de spectateurs (contenance maximale, d’où ce rite dominical de deux concerts, à 16 ou 17 h puis 20 h) réunis sur les bancs d’une sorte de salle de classe, une des images accrochées entre deux fenêtres (permettant de voir la cour de récréation) est légendée “Grenoble 1973”, soit quelque quarante ans avant les concerts de cet après-midi. Trace photographique (signée Big Max Leo) d’un moment fort du festival “4 jours de jazz à Grenoble” (alors animé-inventé par Nicolle Raulin), elle montre, sur scène, un quintette de saxophonistes remarquable(s) : Ben Webster, Johnny Griffin, Hal Singer, Robin Kenyatta et Steve Potts. D’emblée, mémoire et émotion s’entrelacent, d’autant que sont attendus aujourd’hui les deux survivants de cette “photo de famille”. Si le visage d’“Uncle Ben” Webster me rappelle certain terrible entracte où, au bar de Pleyel lors d’un concert d’Ellington (late sixties), il nous racontait, éméché larmoyant, la fin de Jimmy Blanton dans ses bras, celui de Griffin évoque un blindfold test chez notre rédacteur en chef Jean-Louis Ginibre où, entre deux “pièges”, le “Little Giant” nous invitait à partager avec lui ses souvenirs et quelques bouffées, tandis que Kenyatta nous renvoie, entre autres souvenirs chaleureux, au club new-yorkais où il nous présenta son copain Eddie Harris, ravi de recevoir en guise d’offrande un briquet “Jazz Magazine”… Petits bonheurs de l’anamnèse qu’attise la photo inévitablement historique et qui préludent à notre émoi vespéral. La salle est vite pleine : habitués ? amis ? connaisseurs plus ou moins jazzophiles ? Quelques visages familiers, dont le pianiste Bobby Few. Pourtant ma voisine, qui n’est plus une ado, semble être là parce qu’elle n’habite pas loin et qu’il faisait « beau », mais elle ne connaît aucun des musiciens. Son apparent enthousiasme la fera-t-il revenir un autre dimanche ? Joués en quartette (Potts, Jean-Marie, Hall, Betsch), les premiers morceaux ont tout pour plaire à l’auditoire le plus hétérogène par la grâce conjuguée d’orfèvres du groove transfreebop et du swing cantabile, autant dire que le chant virevoltant du sax, les pirouettes, surprises et clins d’oreille harmoniques du pianiste (avec, quel que soient le tempo ou les intervalles quasi acrobatiques, cet air fascinant de ne-pas-y-toucher), la souriante, précise et polychrome polyrythmie du percussionniste et, last but not least, la chantante et complexe élégance de la contrebasse qui entretisse le son d’ensemble assurent à la fois une sorte de préalable chauffage de salle avant l’apparition, à petits pas fragiles et précautionneux (consolidés-guidés par une canne blanche et un entourage amical), du héros de cette vesprée, lui-même au soir de sa vie : Harold “Hal” Singer, tenor sax. Refusant les sièges proposés, il soufflera debout jusqu’à la dernière note d’un premier concert commencé in a sentimental mood (cf son album “Senior Blues” en duo avec the late Bernard Maury et, aussi, oblique rappel de son passage dans les rangs ellingtoniens il y a plus de six décennies), puis, comme si certain naturel ne résistait pas à l’appel du galop, il conviera son juvénile et respectueux entourage à un sursaut de “freedom”. Après que la ballade, comme distendue par un mixte d’émotion et presque d’inquiétude, ait permis de conforter les fondations, agit une sorte de magie rassérénante tandis que le tempo s’accélère. A croire que la mémoire de ses heures les plus vives remonte à la surface, comme pour nous rappeler que ce souffleur-là avait enregistré en 1955 un Rock’n’Roll avec une débordante et convaincante énergie. Après un So What ténor-alto avec Potts et un conclusif Caravan décidément irrésistible et persillé d’humour, je choisis de partir sur ce flot d’incandescence aussi inouïe qu’ambiguë et de retourner à la station Ménilmontant. Demain je réécouterai Cornbread, en attendant un prochain concert de Hal Singer. 

Philippe Carles 

PS qui n’a rien à voir (encore que) – Vient de paraître en Allemagne (ed. Wolke Verlag Hofheim) mais en anglais un superbe ouvrage (texte, photos et images) : “Brötzmann : Conversations with Gérard Rouy We Thought We Could Change The World” (www.bugrim.de, www.wolke-verlag.de).