Hiromi ??? Tu sors ! - Jazz Magazine
Jazz live
Publié le 20 Nov 2025

Hiromi ??? Tu sors !

La pianiste Hiromi est passée par Toulouse au cours de son actuelle tournée européenne. Elle a époustouflé le public. Retour sur les raisons d’une telle réaction

Hiromi « SonicWonder »

Adam O’Farrill (tp), Hiromi Uehara (p, kb), Adrien Féraud (elb), Gene Coye (dr)

Mercredi 19 novembre 2025, 40e saison musicale des Grands interprètes, La Halle aux grains, 20h

Il y a deux raisons de se rendre à un concert de l’association toulousaine Les Grands Interprètes : pour être époustouflé et/ou ému (les deux ne sont pas incompatibles, bien sûr). Évidemment, tout dépend l’intention de l’auditeur, mais cela se joue aussi du côté de la proposition artistique. Manifestement, Hiromi fait davantage le pari de la virtuosité festive, propre à estomaquer les spectateurs, plutôt que celui de l’émotion propice à l’introspection. À l’époque de l’information immédiatement accessible, on sait à quoi s’attendre en venant écouter une performance du Sonicwonder, et l’on s’y rend donc avec entrain, sachant qu’un bon moment est à venir. Et il fut bon, effectivement.

Hiromi est une artiste rayonnante, entretenant manifestement une philosophie personnelle où l’optimisme se trouve placée au centre, aspect qu’elle cherche à faire passer via sa musique. Pour cela, elle a choisi de concevoir une musique hyper-vitaminée, portée par une équipe qui l’est tout autant. Les morceaux sont bâtis à partir de styles oscillant entre latin jazz-fusion, techno, rock, rock progressif, et une touche de swing. Parmi les compositions proposées, la suite en quatre parties intitulées Out There (du titre du dernier album en date de cette formation) marqua le plus les esprits. Il y régna en effet une dimension épique entretenue au long court, et dont le souffle fut équilibré par des moments interactifs où le temps sembla tout à coup se suspendre, en particulier grâce à des silences entrecoupés de ponctuations, et à des jeux du chat-et-de-la-souris musicaux.

Sur le plan technique, ces quatre musiciens font plus que posséder leurs instruments respectifs. Virtuoses hors norme, ils savent comment retourner une salle : dynamiques en crescendo jusqu’à des sommets d’intensité invraisemblables, pyrotechnie digitale époustouflante, Hiromi passant d’un piano à l’un de ses deux claviers électroniques ou jouant des deux à la fois, Gene Coye variant de manière infinie les timbres de sa batterie, Adam O’Farrill se jouant des difficultés à passer d’une ou deux octaves à une autre à la trompette, et Andrien Féraud transformant sa basse électrique en véritable pupitres de cordes graves.

Standing ovation en fin de concert ! En premier bis, Hiromi joua seule une valse au piano, démontrant qu’elle est capable avec une semblable maestria de jouer tout en douceur et en subtilité – ce qui confirme bien que l’orientation musicale son Sonicwonder est délibérée. Enfin, en bouquet final, le quartet reprit Yes! Ramen! (tiré aussi de “Out There”), une pièce volontairement teintée de japonismes (pentatonisme, sonorités techno tokyoïtes, etc.) des plus réjouissantes.

Les prochains concerts de jazz programmés par Grands Interprètes : Monty Alexander (1er décembre), Ibrahim Maalouf et le Free Spirit Ensemble (9 mars), Brad Mehldau/Christian McBride (23 mars).

Ludovic Florin