Jazz live
Publié le 14 Fév 2023

Huit compositeurs au travail sous le parrainage de l’ONJ

Hier 13 février, nous avons assisté à la masterclass d’Alban Darche dans le cadre de la deuxième Académie de composition jazz. Trois autres masterclass annoncées, et huit compositrices et compositeurs au travail toute la semaine pour un concert de restitution de l’Orchestre des jeunes à Pantin, à la Dynamo, ce 18 février.

Seul sur la scène de la Dynamo de Banlieues bleues, face à un public de musiciens, le saxophoniste et chef d’orchestre nantais Alban Darche raconte son parcours musical, en mettant l’accent sur son activité de compositeur. Il a prévu une intervention de trois heures en trois parties qu’il ne respectera pas, trahi par le temps, la chronologie de son parcours étant rapidement bouleversée par les chapitres thématiques qui se superposent naturellement. Des exemples sonores tirés de sa discographie, avec affichage de partitions à l’écran, illustreront quelques problématiques, à commencer par celle du “à la manière de” avec Naftule agent secret, une pièce d’inspiration klezmer enregistrée en 2007 par le Gros Cube, avec Sylvain Rifflet en clarinettiste soliste. Comment éviter le simple pastiche et faire sienne des couleurs “typiques”. Comment détourner des codes d’un genre identifiable pour faire œuvre originale. Comment arranger, en la respectant, l’œuvre de quelqu’un d’autre tout en restant en cohérence avec soi-même. Comment placer un soliste “dans” ou “hors” l’orchestre, etc.

Claves et cultures

Il évoque son intérêt pour d’autres cultures, la musique arabe notamment qui, du temps de son QuartEthno a été pour lui une façon d’appréhender le vocabulaire des claves qui l’avait interpelé chez Steve Coleman, et d’apprendre comment éclairer de différentes façons une mélodie en déplaçant ses accents. Retour au Gros Cube avec Polar Mood et ses claves cachée au second plan, occasion de parler de la nécessité d’intérioriser, si l’on y recourt, le langage des claves, tant mentalement que physiquement, jusqu’à savoir battre les claves tout en faisant autre chose ou en soutenant une conversation.

Méthode et orchestration

L’orchestre l’amène à évoquer la maîtrise de l’organologie, tessitures et dynamiques des instruments, l’intérêt de la gymnastique mentale consistant à écrire les différentes parties de la partition d’orchestre directement transposées pour chaque instrument, garantie d’une meilleurs maîtrise des possibilités et limites de chacun et d’un meilleur dialogue avec les différentes pupitres.

Gammes d’écriture

Le propos (dont nous ne restituons que quelques bribes parmi celles des notes à peu près lisibles de mon calepin qui n’ont pas échappé à mon entendement de néophyte) est mené tambour battant, invitant le public à questionner et à intervenir, Frédéric Maurin et Séphane Payen présents sur les gradins apportant leur propre point de vue. Tous deux rejoignent Darche notamment sur la nécessité d’écrire constamment, sans attendre la commande, sans même en attendre  un résultat précis, comme on pratique l’instrument. Faire ses gammes de compositeur sur le papier, des pages qui peut-être un jour ressortiront… ou pas. Il raconte ses carnets remplis quotidiennement, le retour régulier à l’exercice du choral, du contrepoint et de la fugue.

Au tableau

Pour finir, il se propose de composer au tableau, de tête, sans piano. Quelques portées sur lesquelles il jette de manière un peu erratique les notes d’une mélodie qu’il propose de mesurer de différentes manières, puis qu’il harmonise. Posant la problématique des enharmonies, il évoque son épouse, Nathalie Darche, pianiste classique, pour laquelle l’usage du double dièse ne pose pas de problème alors que lui aurait tendance à jouer sur l’enharmonie pour se simplifier la vie et donc à tricher sur le chiffrage harmonique pour fluidifier son écriture. Au piano, il en résulte – en toute logique lorsque l’on connaît son parcours – quelques mesures évoquant Kenny Wheeler. Puis il esquisse une autre harmonisation carrément plus “pop”.

Ateliers d’écriture, masterclass et concerts

C’était hier à La Dynamo de Banlieues bleues à Pantin, dans le cadre de la deuxième Académie de composition jazz organisée du 13 au 18 février par Real Time Music et l’Orchestre national de jazz. Toute la semaine, huit artistes sélectionnés sur dossier* sont invités à composer une pièce originale, les uns pour petit orchestre, les autres pour grand orchestre, sous la direction de Frédéric Maurin et Stéphane Payen. Outre celle d’Alban Darche, trois masterclass leur sont proposées de 10h à 13h à la Dynamo** : ce matin même par Sarah Murcia, demain 15 février par Laurent Cugny, vendredi 17 par Nicole Mitchell. Samedi 18, répétition par l’Orchestre des jeunes imaginé par Maurin dans le cadre de son mandat à la tête de l’ONJ et placé pour sa quatrième saison sous la direction de Laurent Cugny. Concert de restitution le soir même ***. La veille, 17 février, on aura pu entendre cet orchestre dans son programme régulier au Centre international de conférence de Sorbonne Université / Campus Pierre et Marie Curie (Jussieu)****. Franck Bergerot

* Jorik Bergman, Baptiste Boiron, Florian Chaigne, Hélène Duret, Quentin Lourties, Maxime Mantovani, Hugo Van Rechem et Karen Van Schaik

**Accès en auditeur libre sur inscription: academiecompojazz@gmail.com.

*** Accès gratuit sur réservation: academiecompojazz@gmail.com.

**** Accès gratuit sur réservation.