Jazz live
Publié le 10 Mai 2013

James Morrison Quartet & Jacky Terrasson à Jazz en Comminges – Saint Gaudens

De passage dans la région toulousaine, …l’occasion de découvrir le Festival Jazz en Comminges de Saint-Gaudens pour la soirée d’ouverture de sa onzième édition. Quatre heures de musique, deux phénomènes au programme, deux traditions difficiles à confondre aussi – quoique le premier ait rejoint le deuxième au pied levé, suite à la défection de Stéphane Belmondo.

 


James Morrison Quartet : James Morrison (tp, tp, btp, sop, p), Brian Kellock (p), Kenny Ellis (b), Stuart Richie (d).

Jacky Terrasson « Gouache » : Jacky Terrasson (p, fender rhodes), Cecile McLorin (voc), Michel Portal (bcl, ss), James Morrison (tp), Burnis Travis (b), Justin Faulkner (d), Minino Garay (perc).

 

Moanin’ (celui de Bobby Timmons) pour démarrer : dès les premières secondes, on comprend qu’on a pris place dans un véhicule de luxe. Reste à écouter:  c’est net et précis, alternativement brillant et moelleux, toujours subtilement harmonisé. Derrière, ça ronfle impeccablement, ça écoute et ça réagit en fonction des directions prises ou des dénivelés rythmiques. Ceux-là savent de quoi il retourne, communiquent avec humour et complicité, et enchaînent une série de standards qui éclaire la tradition sur quelques décennies (d’Armstrong/Hines à Hubbard/Hancock, pour faire court). Il faut quand même dire un mot de cet incroyable poly-instrumentiste australien qui s’empare, l’un après l’autre, de tous les outils disposés sur une grande table. Instruments non seulement différents mais souvent rares, alternant d’un morceau à l’autre avec une stupéfiante capacité d’adaptation : trompette, trombone à coulisse et pistons, trompette basse, sax sopranino courbé. Une véritable sonorité sur chacun d’eux, et pas seulement une pure capacité d’émission et d’articulation. Un rien narcissique, le jeu s’étend jusqu’au dialogue avec lui-même (des 4/4 trompette-trombone), voire à l’auto-duo : il faut attendre Basin Street Blues en bis pour voir Morrison s’asseoir au piano, étourdir un peu l’auditoire d’une rhapsodie introductive puis accompagner d’une belle et sobre main gauche la trompette tenue de l’autre main. Je ne l’ai pas entendu hier, mais il joue aussi de la contrebasse, des clarinettes, et j’en oublie sans doute. James Morrison, peu connu sous nos latitudes, est couvert de références et de titres de gloire en Australie, il s’est aussi largement illustré en big band ou avec Gillespie, B.B. King, Ray Charles et Wynton Marsalis. L’écossais Brian Kellock, au piano à ses côtés et depuis de longues années, n’est pas précisément le premier venu non plus. Remarquable accompagnateur et technicien redoutable dans le style d’Oscar Peterson (en block chords), il était hier avec Kenny Ellis, bassiste efficace et discret de son propre trio. Alors oui, il faut bien dire que malgré tout le respect qu’on doit à des pointures de ce niveau, malgré même le plaisir mêlé de fascination (dans un Seven Steps to Heaven remarquable d’intensité, par exemple) devant cette performance en même temps conviviale et riche de vertus pédagogiques, difficile cacher la lassitude qui pointe, presque malgré moi, quand s’installe un climat par trop démonstratif, mais presque inéluctable en pareil contexte. Avant l’introduction d’un blues au trombone, James Morrison l’a même confié au public : « Avant de venir, on m’a demandé de vous jouer des sons multiphoniques…  Vous savez ce que c’est ? »

Jacky Terrasson a bien aussi quelque chose de démonstratif, difficile d’écrire le contraire, et difficile de s’en plaindre tout à fait. Bonheur d’être là, intense engagement de chaque instant, une danse de tout le corps expressive jusqu’au bout des bras, une concentration dans l’effort qui n’efface jamais le sourire – même quand la main gauche doit tenir une boucle infernale sur une métrique impossible – , le pianiste n’a mis que quelques secondes à inonder de sueur son clavier. Il a donné l’essentiel de la matière de son 14e album, « Gouache », dont on a déjà beaucoup parlé et entendu parler depuis l’an passé. Les morceaux s’enchaînent sans véritable coupure, c’est la couleur et le rythme qui nous permettent de passer du thème d’Harry Potter à Beat It ou Caravan, en passant par Smoke Gets in Your Eyes, tandis que la circulation des énergies individuelles et collectives répond à celle des mélodies, entrecoupée par quelques belles ballades. Cecil Mc Lorin est d’une incroyable présence, aussi bien dans le ciselage de la diction que dans la souplesse et le moelleux des graves. Michel Portal est là, très tendu au début puis tout sourire.  Il a offert une belle ballade au soprano, introduite en duo avec le pianiste. Un plaisir de le voir et d’entendre en cette compagnie, jusque dans l’improbable rencontre (mais qui, tout de même, a donné quelques échanges savoureux) avec James Morrison, remplaçant de dernière minute de Stéphane Belmondo… Tout cela est conduit dans l’esprit d’un gigantesque bœuf qui serait emmené par une rythmique de grand luxe (le tandem Justin Faulkner – Minino Garay est parfaitement complémentaire), dans lequel l’idée de solo individuel serait remplacée par un concept plus collaboratif, plus polyphonique. On n’est pas si loin de l’esthétique et de la conduite scénique d’un Ahmad Jamal, l’idée même de « morceau » se diluant dans une architecture plus vaste. Je pense tout de même qu’une meilleure gestion du temps aurait sans doute conduit à resserrer le timing, par égard pour la capacité de résistance moyenne de l’auditeur, dans le contexte maintenant généralisé des double-concerts des festivals… Celui-ci, au passage, est organisé dans une ambiance conviviale et presque familiale : on se réjouit pour l’équipe de Pierre Jammes de constater que le concert d’ouverture a rempli le parc des expositions, ce qui n’est pas rien pour un programme de « jazz » instrumental. Vincent Cotro



FESTIVAL JAZZ EN COMMINGES – SAINT GAUDENS

www.jazzencomminges.com

05 61 94 77 61


 

Vendredi 10 mai, 21 h, Parc des Expositions de Saint-Gaudens

Dena DeRose & The Great Danes

Dena DeRose (p, voc), Benjamin Koppel (sax), Jesper Lundgaard (b), Alex Riel (d)

Hiromi : The Trio Project

Hiromi Uehara (p), Anthony Jackson (b), Steve Smith (d)

 

Samedi 11 mai, 21, Parc des Expositions de Saint-Gaudens

The Guitar Conference Band

Ulf Wakenius, Philip Catherine, Mark Whitfield, Larry Coryell (g), Phil Wilkinson (org), Alvin Queen (d)

Avishaï Cohen with Strings

Avishaï Cohen (b, voc), Nitaï Hershkovits (p), Ofri Nehemya (d), Yoram Iaschisch (ob) + quatuor à cordes


A noter également une programmation OFF détaillée sur le site, en particulier le trio de pianiste luxembourgeois Michel Reis, à découvrir, le samedi 11 mai à 17h30 au Théâtre Jean-Marmignon.

 

 

|

De passage dans la région toulousaine, …l’occasion de découvrir le Festival Jazz en Comminges de Saint-Gaudens pour la soirée d’ouverture de sa onzième édition. Quatre heures de musique, deux phénomènes au programme, deux traditions difficiles à confondre aussi – quoique le premier ait rejoint le deuxième au pied levé, suite à la défection de Stéphane Belmondo.

 


James Morrison Quartet : James Morrison (tp, tp, btp, sop, p), Brian Kellock (p), Kenny Ellis (b), Stuart Richie (d).

Jacky Terrasson « Gouache » : Jacky Terrasson (p, fender rhodes), Cecile McLorin (voc), Michel Portal (bcl, ss), James Morrison (tp), Burnis Travis (b), Justin Faulkner (d), Minino Garay (perc).

 

Moanin’ (celui de Bobby Timmons) pour démarrer : dès les premières secondes, on comprend qu’on a pris place dans un véhicule de luxe. Reste à écouter:  c’est net et précis, alternativement brillant et moelleux, toujours subtilement harmonisé. Derrière, ça ronfle impeccablement, ça écoute et ça réagit en fonction des directions prises ou des dénivelés rythmiques. Ceux-là savent de quoi il retourne, communiquent avec humour et complicité, et enchaînent une série de standards qui éclaire la tradition sur quelques décennies (d’Armstrong/Hines à Hubbard/Hancock, pour faire court). Il faut quand même dire un mot de cet incroyable poly-instrumentiste australien qui s’empare, l’un après l’autre, de tous les outils disposés sur une grande table. Instruments non seulement différents mais souvent rares, alternant d’un morceau à l’autre avec une stupéfiante capacité d’adaptation : trompette, trombone à coulisse et pistons, trompette basse, sax sopranino courbé. Une véritable sonorité sur chacun d’eux, et pas seulement une pure capacité d’émission et d’articulation. Un rien narcissique, le jeu s’étend jusqu’au dialogue avec lui-même (des 4/4 trompette-trombone), voire à l’auto-duo : il faut attendre Basin Street Blues en bis pour voir Morrison s’asseoir au piano, étourdir un peu l’auditoire d’une rhapsodie introductive puis accompagner d’une belle et sobre main gauche la trompette tenue de l’autre main. Je ne l’ai pas entendu hier, mais il joue aussi de la contrebasse, des clarinettes, et j’en oublie sans doute. James Morrison, peu connu sous nos latitudes, est couvert de références et de titres de gloire en Australie, il s’est aussi largement illustré en big band ou avec Gillespie, B.B. King, Ray Charles et Wynton Marsalis. L’écossais Brian Kellock, au piano à ses côtés et depuis de longues années, n’est pas précisément le premier venu non plus. Remarquable accompagnateur et technicien redoutable dans le style d’Oscar Peterson (en block chords), il était hier avec Kenny Ellis, bassiste efficace et discret de son propre trio. Alors oui, il faut bien dire que malgré tout le respect qu’on doit à des pointures de ce niveau, malgré même le plaisir mêlé de fascination (dans un Seven Steps to Heaven remarquable d’intensité, par exemple) devant cette performance en même temps conviviale et riche de vertus pédagogiques, difficile cacher la lassitude qui pointe, presque malgré moi, quand s’installe un climat par trop démonstratif, mais presque inéluctable en pareil contexte. Avant l’introduction d’un blues au trombone, James Morrison l’a même confié au public : « Avant de venir, on m’a demandé de vous jouer des sons multiphoniques…  Vous savez ce que c’est ? »

Jacky Terrasson a bien aussi quelque chose de démonstratif, difficile d’écrire le contraire, et difficile de s’en plaindre tout à fait. Bonheur d’être là, intense engagement de chaque instant, une danse de tout le corps expressive jusqu’au bout des bras, une concentration dans l’effort qui n’efface jamais le sourire – même quand la main gauche doit tenir une boucle infernale sur une métrique impossible – , le pianiste n’a mis que quelques secondes à inonder de sueur son clavier. Il a donné l’essentiel de la matière de son 14e album, « Gouache », dont on a déjà beaucoup parlé et entendu parler depuis l’an passé. Les morceaux s’enchaînent sans véritable coupure, c’est la couleur et le rythme qui nous permettent de passer du thème d’Harry Potter à Beat It ou Caravan, en passant par Smoke Gets in Your Eyes, tandis que la circulation des énergies individuelles et collectives répond à celle des mélodies, entrecoupée par quelques belles ballades. Cecil Mc Lorin est d’une incroyable présence, aussi bien dans le ciselage de la diction que dans la souplesse et le moelleux des graves. Michel Portal est là, très tendu au début puis tout sourire.  Il a offert une belle ballade au soprano, introduite en duo avec le pianiste. Un plaisir de le voir et d’entendre en cette compagnie, jusque dans l’improbable rencontre (mais qui, tout de même, a donné quelques échanges savoureux) avec James Morrison, remplaçant de dernière minute de Stéphane Belmondo… Tout cela est conduit dans l’esprit d’un gigantesque bœuf qui serait emmené par une rythmique de grand luxe (le tandem Justin Faulkner – Minino Garay est parfaitement complémentaire), dans lequel l’idée de solo individuel serait remplacée par un concept plus collaboratif, plus polyphonique. On n’est pas si loin de l’esthétique et de la conduite scénique d’un Ahmad Jamal, l’idée même de « morceau » se diluant dans une architecture plus vaste. Je pense tout de même qu’une meilleure gestion du temps aurait sans doute conduit à resserrer le timing, par égard pour la capacité de résistance moyenne de l’auditeur, dans le contexte maintenant généralisé des double-concerts des festivals… Celui-ci, au passage, est organisé dans une ambiance conviviale et presque familiale : on se réjouit pour l’équipe de Pierre Jammes de constater que le concert d’ouverture a rempli le parc des expositions, ce qui n’est pas rien pour un programme de « jazz » instrumental. Vincent Cotro



FESTIVAL JAZZ EN COMMINGES – SAINT GAUDENS

www.jazzencomminges.com

05 61 94 77 61


 

Vendredi 10 mai, 21 h, Parc des Expositions de Saint-Gaudens

Dena DeRose & The Great Danes

Dena DeRose (p, voc), Benjamin Koppel (sax), Jesper Lundgaard (b), Alex Riel (d)

Hiromi : The Trio Project

Hiromi Uehara (p), Anthony Jackson (b), Steve Smith (d)

 

Samedi 11 mai, 21, Parc des Expositions de Saint-Gaudens

The Guitar Conference Band

Ulf Wakenius, Philip Catherine, Mark Whitfield, Larry Coryell (g), Phil Wilkinson (org), Alvin Queen (d)

Avishaï Cohen with Strings

Avishaï Cohen (b, voc), Nitaï Hershkovits (p), Ofri Nehemya (d), Yoram Iaschisch (ob) + quatuor à cordes


A noter également une programmation OFF détaillée sur le site, en particulier le trio de pianiste luxembourgeois Michel Reis, à découvrir, le samedi 11 mai à 17h30 au Théâtre Jean-Marmignon.

 

 

|

De passage dans la région toulousaine, …l’occasion de découvrir le Festival Jazz en Comminges de Saint-Gaudens pour la soirée d’ouverture de sa onzième édition. Quatre heures de musique, deux phénomènes au programme, deux traditions difficiles à confondre aussi – quoique le premier ait rejoint le deuxième au pied levé, suite à la défection de Stéphane Belmondo.

 


James Morrison Quartet : James Morrison (tp, tp, btp, sop, p), Brian Kellock (p), Kenny Ellis (b), Stuart Richie (d).

Jacky Terrasson « Gouache » : Jacky Terrasson (p, fender rhodes), Cecile McLorin (voc), Michel Portal (bcl, ss), James Morrison (tp), Burnis Travis (b), Justin Faulkner (d), Minino Garay (perc).

 

Moanin’ (celui de Bobby Timmons) pour démarrer : dès les premières secondes, on comprend qu’on a pris place dans un véhicule de luxe. Reste à écouter:  c’est net et précis, alternativement brillant et moelleux, toujours subtilement harmonisé. Derrière, ça ronfle impeccablement, ça écoute et ça réagit en fonction des directions prises ou des dénivelés rythmiques. Ceux-là savent de quoi il retourne, communiquent avec humour et complicité, et enchaînent une série de standards qui éclaire la tradition sur quelques décennies (d’Armstrong/Hines à Hubbard/Hancock, pour faire court). Il faut quand même dire un mot de cet incroyable poly-instrumentiste australien qui s’empare, l’un après l’autre, de tous les outils disposés sur une grande table. Instruments non seulement différents mais souvent rares, alternant d’un morceau à l’autre avec une stupéfiante capacité d’adaptation : trompette, trombone à coulisse et pistons, trompette basse, sax sopranino courbé. Une véritable sonorité sur chacun d’eux, et pas seulement une pure capacité d’émission et d’articulation. Un rien narcissique, le jeu s’étend jusqu’au dialogue avec lui-même (des 4/4 trompette-trombone), voire à l’auto-duo : il faut attendre Basin Street Blues en bis pour voir Morrison s’asseoir au piano, étourdir un peu l’auditoire d’une rhapsodie introductive puis accompagner d’une belle et sobre main gauche la trompette tenue de l’autre main. Je ne l’ai pas entendu hier, mais il joue aussi de la contrebasse, des clarinettes, et j’en oublie sans doute. James Morrison, peu connu sous nos latitudes, est couvert de références et de titres de gloire en Australie, il s’est aussi largement illustré en big band ou avec Gillespie, B.B. King, Ray Charles et Wynton Marsalis. L’écossais Brian Kellock, au piano à ses côtés et depuis de longues années, n’est pas précisément le premier venu non plus. Remarquable accompagnateur et technicien redoutable dans le style d’Oscar Peterson (en block chords), il était hier avec Kenny Ellis, bassiste efficace et discret de son propre trio. Alors oui, il faut bien dire que malgré tout le respect qu’on doit à des pointures de ce niveau, malgré même le plaisir mêlé de fascination (dans un Seven Steps to Heaven remarquable d’intensité, par exemple) devant cette performance en même temps conviviale et riche de vertus pédagogiques, difficile cacher la lassitude qui pointe, presque malgré moi, quand s’installe un climat par trop démonstratif, mais presque inéluctable en pareil contexte. Avant l’introduction d’un blues au trombone, James Morrison l’a même confié au public : « Avant de venir, on m’a demandé de vous jouer des sons multiphoniques…  Vous savez ce que c’est ? »

Jacky Terrasson a bien aussi quelque chose de démonstratif, difficile d’écrire le contraire, et difficile de s’en plaindre tout à fait. Bonheur d’être là, intense engagement de chaque instant, une danse de tout le corps expressive jusqu’au bout des bras, une concentration dans l’effort qui n’efface jamais le sourire – même quand la main gauche doit tenir une boucle infernale sur une métrique impossible – , le pianiste n’a mis que quelques secondes à inonder de sueur son clavier. Il a donné l’essentiel de la matière de son 14e album, « Gouache », dont on a déjà beaucoup parlé et entendu parler depuis l’an passé. Les morceaux s’enchaînent sans véritable coupure, c’est la couleur et le rythme qui nous permettent de passer du thème d’Harry Potter à Beat It ou Caravan, en passant par Smoke Gets in Your Eyes, tandis que la circulation des énergies individuelles et collectives répond à celle des mélodies, entrecoupée par quelques belles ballades. Cecil Mc Lorin est d’une incroyable présence, aussi bien dans le ciselage de la diction que dans la souplesse et le moelleux des graves. Michel Portal est là, très tendu au début puis tout sourire.  Il a offert une belle ballade au soprano, introduite en duo avec le pianiste. Un plaisir de le voir et d’entendre en cette compagnie, jusque dans l’improbable rencontre (mais qui, tout de même, a donné quelques échanges savoureux) avec James Morrison, remplaçant de dernière minute de Stéphane Belmondo… Tout cela est conduit dans l’esprit d’un gigantesque bœuf qui serait emmené par une rythmique de grand luxe (le tandem Justin Faulkner – Minino Garay est parfaitement complémentaire), dans lequel l’idée de solo individuel serait remplacée par un concept plus collaboratif, plus polyphonique. On n’est pas si loin de l’esthétique et de la conduite scénique d’un Ahmad Jamal, l’idée même de « morceau » se diluant dans une architecture plus vaste. Je pense tout de même qu’une meilleure gestion du temps aurait sans doute conduit à resserrer le timing, par égard pour la capacité de résistance moyenne de l’auditeur, dans le contexte maintenant généralisé des double-concerts des festivals… Celui-ci, au passage, est organisé dans une ambiance conviviale et presque familiale : on se réjouit pour l’équipe de Pierre Jammes de constater que le concert d’ouverture a rempli le parc des expositions, ce qui n’est pas rien pour un programme de « jazz » instrumental. Vincent Cotro



FESTIVAL JAZZ EN COMMINGES – SAINT GAUDENS

www.jazzencomminges.com

05 61 94 77 61


 

Vendredi 10 mai, 21 h, Parc des Expositions de Saint-Gaudens

Dena DeRose & The Great Danes

Dena DeRose (p, voc), Benjamin Koppel (sax), Jesper Lundgaard (b), Alex Riel (d)

Hiromi : The Trio Project

Hiromi Uehara (p), Anthony Jackson (b), Steve Smith (d)

 

Samedi 11 mai, 21, Parc des Expositions de Saint-Gaudens

The Guitar Conference Band

Ulf Wakenius, Philip Catherine, Mark Whitfield, Larry Coryell (g), Phil Wilkinson (org), Alvin Queen (d)

Avishaï Cohen with Strings

Avishaï Cohen (b, voc), Nitaï Hershkovits (p), Ofri Nehemya (d), Yoram Iaschisch (ob) + quatuor à cordes


A noter également une programmation OFF détaillée sur le site, en particulier le trio de pianiste luxembourgeois Michel Reis, à découvrir, le samedi 11 mai à 17h30 au Théâtre Jean-Marmignon.

 

 

|

De passage dans la région toulousaine, …l’occasion de découvrir le Festival Jazz en Comminges de Saint-Gaudens pour la soirée d’ouverture de sa onzième édition. Quatre heures de musique, deux phénomènes au programme, deux traditions difficiles à confondre aussi – quoique le premier ait rejoint le deuxième au pied levé, suite à la défection de Stéphane Belmondo.

 


James Morrison Quartet : James Morrison (tp, tp, btp, sop, p), Brian Kellock (p), Kenny Ellis (b), Stuart Richie (d).

Jacky Terrasson « Gouache » : Jacky Terrasson (p, fender rhodes), Cecile McLorin (voc), Michel Portal (bcl, ss), James Morrison (tp), Burnis Travis (b), Justin Faulkner (d), Minino Garay (perc).

 

Moanin’ (celui de Bobby Timmons) pour démarrer : dès les premières secondes, on comprend qu’on a pris place dans un véhicule de luxe. Reste à écouter:  c’est net et précis, alternativement brillant et moelleux, toujours subtilement harmonisé. Derrière, ça ronfle impeccablement, ça écoute et ça réagit en fonction des directions prises ou des dénivelés rythmiques. Ceux-là savent de quoi il retourne, communiquent avec humour et complicité, et enchaînent une série de standards qui éclaire la tradition sur quelques décennies (d’Armstrong/Hines à Hubbard/Hancock, pour faire court). Il faut quand même dire un mot de cet incroyable poly-instrumentiste australien qui s’empare, l’un après l’autre, de tous les outils disposés sur une grande table. Instruments non seulement différents mais souvent rares, alternant d’un morceau à l’autre avec une stupéfiante capacité d’adaptation : trompette, trombone à coulisse et pistons, trompette basse, sax sopranino courbé. Une véritable sonorité sur chacun d’eux, et pas seulement une pure capacité d’émission et d’articulation. Un rien narcissique, le jeu s’étend jusqu’au dialogue avec lui-même (des 4/4 trompette-trombone), voire à l’auto-duo : il faut attendre Basin Street Blues en bis pour voir Morrison s’asseoir au piano, étourdir un peu l’auditoire d’une rhapsodie introductive puis accompagner d’une belle et sobre main gauche la trompette tenue de l’autre main. Je ne l’ai pas entendu hier, mais il joue aussi de la contrebasse, des clarinettes, et j’en oublie sans doute. James Morrison, peu connu sous nos latitudes, est couvert de références et de titres de gloire en Australie, il s’est aussi largement illustré en big band ou avec Gillespie, B.B. King, Ray Charles et Wynton Marsalis. L’écossais Brian Kellock, au piano à ses côtés et depuis de longues années, n’est pas précisément le premier venu non plus. Remarquable accompagnateur et technicien redoutable dans le style d’Oscar Peterson (en block chords), il était hier avec Kenny Ellis, bassiste efficace et discret de son propre trio. Alors oui, il faut bien dire que malgré tout le respect qu’on doit à des pointures de ce niveau, malgré même le plaisir mêlé de fascination (dans un Seven Steps to Heaven remarquable d’intensité, par exemple) devant cette performance en même temps conviviale et riche de vertus pédagogiques, difficile cacher la lassitude qui pointe, presque malgré moi, quand s’installe un climat par trop démonstratif, mais presque inéluctable en pareil contexte. Avant l’introduction d’un blues au trombone, James Morrison l’a même confié au public : « Avant de venir, on m’a demandé de vous jouer des sons multiphoniques…  Vous savez ce que c’est ? »

Jacky Terrasson a bien aussi quelque chose de démonstratif, difficile d’écrire le contraire, et difficile de s’en plaindre tout à fait. Bonheur d’être là, intense engagement de chaque instant, une danse de tout le corps expressive jusqu’au bout des bras, une concentration dans l’effort qui n’efface jamais le sourire – même quand la main gauche doit tenir une boucle infernale sur une métrique impossible – , le pianiste n’a mis que quelques secondes à inonder de sueur son clavier. Il a donné l’essentiel de la matière de son 14e album, « Gouache », dont on a déjà beaucoup parlé et entendu parler depuis l’an passé. Les morceaux s’enchaînent sans véritable coupure, c’est la couleur et le rythme qui nous permettent de passer du thème d’Harry Potter à Beat It ou Caravan, en passant par Smoke Gets in Your Eyes, tandis que la circulation des énergies individuelles et collectives répond à celle des mélodies, entrecoupée par quelques belles ballades. Cecil Mc Lorin est d’une incroyable présence, aussi bien dans le ciselage de la diction que dans la souplesse et le moelleux des graves. Michel Portal est là, très tendu au début puis tout sourire.  Il a offert une belle ballade au soprano, introduite en duo avec le pianiste. Un plaisir de le voir et d’entendre en cette compagnie, jusque dans l’improbable rencontre (mais qui, tout de même, a donné quelques échanges savoureux) avec James Morrison, remplaçant de dernière minute de Stéphane Belmondo… Tout cela est conduit dans l’esprit d’un gigantesque bœuf qui serait emmené par une rythmique de grand luxe (le tandem Justin Faulkner – Minino Garay est parfaitement complémentaire), dans lequel l’idée de solo individuel serait remplacée par un concept plus collaboratif, plus polyphonique. On n’est pas si loin de l’esthétique et de la conduite scénique d’un Ahmad Jamal, l’idée même de « morceau » se diluant dans une architecture plus vaste. Je pense tout de même qu’une meilleure gestion du temps aurait sans doute conduit à resserrer le timing, par égard pour la capacité de résistance moyenne de l’auditeur, dans le contexte maintenant généralisé des double-concerts des festivals… Celui-ci, au passage, est organisé dans une ambiance conviviale et presque familiale : on se réjouit pour l’équipe de Pierre Jammes de constater que le concert d’ouverture a rempli le parc des expositions, ce qui n’est pas rien pour un programme de « jazz » instrumental. Vincent Cotro



FESTIVAL JAZZ EN COMMINGES – SAINT GAUDENS

www.jazzencomminges.com

05 61 94 77 61


 

Vendredi 10 mai, 21 h, Parc des Expositions de Saint-Gaudens

Dena DeRose & The Great Danes

Dena DeRose (p, voc), Benjamin Koppel (sax), Jesper Lundgaard (b), Alex Riel (d)

Hiromi : The Trio Project

Hiromi Uehara (p), Anthony Jackson (b), Steve Smith (d)

 

Samedi 11 mai, 21, Parc des Expositions de Saint-Gaudens

The Guitar Conference Band

Ulf Wakenius, Philip Catherine, Mark Whitfield, Larry Coryell (g), Phil Wilkinson (org), Alvin Queen (d)

Avishaï Cohen with Strings

Avishaï Cohen (b, voc), Nitaï Hershkovits (p), Ofri Nehemya (d), Yoram Iaschisch (ob) + quatuor à cordes


A noter également une programmation OFF détaillée sur le site, en particulier le trio de pianiste luxembourgeois Michel Reis, à découvrir, le samedi 11 mai à 17h30 au Théâtre Jean-Marmignon.