Jazz live
Publié le 20 Juil 2017

Jazz à Juan. L'éclat des voix

Depuis le début de cette cinquante-septième édition, les voix sont à l’honneur. Voix de toutes natures, remarquables pour diverses raisons, timbre, tessiture, expressivité. Une caractéristique commune : elles appartiennent, pour la plupart, à des chanteurs dont le domaine pourrait être défini comme celui de la grande variété internationale. A savoir que leur inspiration se nourrit à des sources multiples : pop, soul, funk, rock, blues, jazz. Autant d’ingrédients colorant, en proportions variables, un répertoire familier à un large public.  Tels sont les sortilèges d’Internet et des réseaux sociaux qui ont sonné le glas d’une diffusion qui fût demeurée, naguère encore, bien plus restreinte.

17 juillet

Luke Elliot (lead, voc, claviers, g), Hans P. Kjorstad (vln), Alf Hulbaekmo (p , elp), Njaal Uhre Kiese (b), Axel Skalstad (dm).

Ainsi de Luke Elliot. L’assistance, fournie, compte nombre de fans de ce chanteur-compositeur né en 1984 dans le New Jersey et qui a connu la popularité dès son premier album, « Death Of A Widow », en 2010. Un crooner dont la manière reste difficile à définir sinon par approximations : une mélancolie qui peut faire penser à Leonard Cohen, ou encore à Alain Bashung. Certains évoquent à son propos Dylan ou Tom Waits, d’autres Sinatra ou Springsteen. Ce qui est certain, c’est que, chez lui, tout est noir. Le regard, la chevelure. La tenue vestimentaire. Et, souvent, l’inspiration.

Le fait est qu’il navigue entre plusieurs pôles, la chanson de charme et le rock pur et dur, soutenu par un groupe particulièrement à l’aise dans le climat torride, à l’image du batteur Axel Skalstad. Sa prestation, plus que du jazz auquel elle emprunte fugitivement quelques accents, relève plutôt de ce qu’il est convenu d’appeler la world music. Sans doute faut-il éviter, sauf à être voué aux gémonies, les étiquettes réductrices : elles ont mauvaise presse. Mais en l’occurrence, l’expression reste assez vague pour obtenir un large consensus. C’est du moins mon opinion Et je la partage, comme ajouterait Joseph Prudhomme.

TajMo. Taj Mahal & Keb Mo Band

Taj Mahal (voc, g, hca), Keb Mo (voc, g).

Seconde partie entièrement dédiée au blues dans sa quintessence et sans le moindre compromis. Un bluesband de bonne tenue où officient deux choristes évoquant (de loin) les fameuses Raelets, parfait dans son rôle de pourvoyeur de riffs (Senor Blues). Deux solistes portant haut le flambeau d’un genre dont ils sont, avec Buddy Guy applaudi ici la veille, parmi les tout meilleurs représentants. Taj Mahal, dont c’est la troisième venue à Juan, excelle à la guitare aussi bien qu’à l’harmonica. Sa voix, ample et généreuse, lui permet d’assumer un rôle de leader et d’imprimer au concert un rythme où pas un seul temps mort ne trouve place.

Pour sa part, Keb Mo ne lui cède en rien pour ce qui est de la virtuosité. Chacune de ses interventions à la guitare témoigne qu’il est l’un des représentants les plus doués du blues que l’on pourrait dire « moderne », encore que profondément enraciné dans une tradition quasiment immémoriale. Quant à sa voix, elle véhicule la même puissance d’émotion que celle de son aîné. Point culminant, celui où, après avoir congédié leurs accompagnateurs, les deux se retrouvent pour un duo entièrement acoustique. Toute la magie du blues se manifeste alors dans sa pureté originelle. La copieuse assistance ne s’y trompe pas, qui leur réserve une ovation méritée.

Tom Jones

Tom Jones (voc) + tentette

Si l’expression « légende vivante » n’était aussi galvaudée, elle conviendrait à merveille pour qualifier Tom Jones. Il n’est que de constater la réaction du public dès son apparition sur scène. Un public où se côtoient jeunes et moins jeunes, réunis dans une commune ferveur. Il faut dire que ce héros de la pop dont les premiers succès remontent aux années 60-70 possède dans sa panoplie tous les atouts susceptibles de toucher toutes les sensibilités. Une discographie impressionnante, de nombreuses apparitions dans des séries télévisées. Un spectacle minutieusement réglé où les lumières, les couleurs et les sons se répondent dans une synesthésie digne de ce touche-à-tout aux indéniables qualités de showman. Capable de varier les climats, du blues et du gospel (Did’nt It Rain) à la valse quasiment musette, comme son tube What’s New, Pussycat accompagné à l’accordéon en passant par les rythmes binaires.

Avec cela, professionnel jusqu’au bout des ongles. Enchaînant avec une affabilité constante et sans le moindre répit ses grands succès. Assez artiste pour user de qualités vocales que nul ne saurait contester, assez habile pour maintenir d’un bout à l’autre l’intérêt. La parfaite synthèse, en somme, répondant aux vœux des organisateurs : offrir une musique (appelons-la « jazz », pour se référer à la « raison sociale » du festival) susceptible de maintes extensions. Quitte à privilégier sciemment celles-ci pour toucher le public le plus large possible.

18 juillet

Wayne Shorter Quartet

Wayne Shorter (ts, ss), Danilo Perez (p), John Patitucci (b), Brian Blade (dm).

Retour à un style plus exigeant avec un quartette qui a fait ses preuves, celui de Wayne Shorter. Le saxophoniste en est à sa dixième venue à Juan. C’est dire que les amateurs savent à quoi s’attendre et que l’assemblée, moins compacte, il est vrai, que lors des soirées précédentes, lui est tout acquise.

Que dire de son art, sinon qu’il est celui de l’éphémère, de la rupture. Alternant ténor et soprano, le leader, qui joue ce soir davantage qu’il ne nous a accoutumés à le faire lors de précédentes prestations, lance des bribes de phrases, voire de courtes séquences aussitôt reprises, développées ou commentées par des partenaires attentifs. Lesquels, rompus à cet exercice, se chargent de reconstituer l’ensemble du discours pour lui conférer sa cohérence. Ce en quoi excellent non seulement Danilo Perez et John Patitucci, mais aussi Brian Blade qui, loin d’être cantonné à un rôle purement rythmique, ouvre des pistes et prend une part active à la construction de l’édifice. Fragments d’un discours amoureux : le titre, s’il n’était déjà pris, conviendrait assez bien à cette démarche, subtile dans son essence, parfois ardue à suivre dans son cheminement, mais génératrice de fulgurances aussi somptueuses que celles des feux d’artifice qui illuminent çà et là les rivages voisins.

Branford Marsalis Quartet with special guest Kurt Elling

Branford Marsalis (ts, ss), Joey Calderazzo (p), Eric Revis (b), Justin Faulkner (dm), Kurt Elling (voc).

Le quartet de Branford Marsalis compte en Joey Calderazzo un pianiste complet, aussi virtuose qu’inventif, tant sur le plan mélodique qu’harmonique. Les autres, à commencer par le leader, se meuvent avec aisance dans un univers cohérent, celui du post-bop, mais qui aurait poussé des pseudopodes dans diverses directions.

Un écrin idéal pour Kurt Elling dont la connivence avec le saxophoniste se révèle fructueuse dans les ballades, où leurs dialogues réservent d’agréables moments, aussi bien que dans une bossa nova chantée en portugais. Par ailleurs, ce crooner de la lignée des Frank Sinatra et des Mel Tormé, doté d’une large tessiture, use volontiers du scat. En quoi il se situe dans la pure tradition des chanteurs de jazz, ajoutant ainsi une nuance à la vaste palette des voix offertes à Juan lors de la présente édition : outre  ceux que se sont déjà produits, il faut en effet ajouter, entre autres, Macy Gray et Gregory Porter, Sting, Jamie Cullum et les Blind Boys of Alabama. Vaste programme !

Jacques Aboucaya|Depuis le début de cette cinquante-septième édition, les voix sont à l’honneur. Voix de toutes natures, remarquables pour diverses raisons, timbre, tessiture, expressivité. Une caractéristique commune : elles appartiennent, pour la plupart, à des chanteurs dont le domaine pourrait être défini comme celui de la grande variété internationale. A savoir que leur inspiration se nourrit à des sources multiples : pop, soul, funk, rock, blues, jazz. Autant d’ingrédients colorant, en proportions variables, un répertoire familier à un large public.  Tels sont les sortilèges d’Internet et des réseaux sociaux qui ont sonné le glas d’une diffusion qui fût demeurée, naguère encore, bien plus restreinte.

17 juillet

Luke Elliot (lead, voc, claviers, g), Hans P. Kjorstad (vln), Alf Hulbaekmo (p , elp), Njaal Uhre Kiese (b), Axel Skalstad (dm).

Ainsi de Luke Elliot. L’assistance, fournie, compte nombre de fans de ce chanteur-compositeur né en 1984 dans le New Jersey et qui a connu la popularité dès son premier album, « Death Of A Widow », en 2010. Un crooner dont la manière reste difficile à définir sinon par approximations : une mélancolie qui peut faire penser à Leonard Cohen, ou encore à Alain Bashung. Certains évoquent à son propos Dylan ou Tom Waits, d’autres Sinatra ou Springsteen. Ce qui est certain, c’est que, chez lui, tout est noir. Le regard, la chevelure. La tenue vestimentaire. Et, souvent, l’inspiration.

Le fait est qu’il navigue entre plusieurs pôles, la chanson de charme et le rock pur et dur, soutenu par un groupe particulièrement à l’aise dans le climat torride, à l’image du batteur Axel Skalstad. Sa prestation, plus que du jazz auquel elle emprunte fugitivement quelques accents, relève plutôt de ce qu’il est convenu d’appeler la world music. Sans doute faut-il éviter, sauf à être voué aux gémonies, les étiquettes réductrices : elles ont mauvaise presse. Mais en l’occurrence, l’expression reste assez vague pour obtenir un large consensus. C’est du moins mon opinion Et je la partage, comme ajouterait Joseph Prudhomme.

TajMo. Taj Mahal & Keb Mo Band

Taj Mahal (voc, g, hca), Keb Mo (voc, g).

Seconde partie entièrement dédiée au blues dans sa quintessence et sans le moindre compromis. Un bluesband de bonne tenue où officient deux choristes évoquant (de loin) les fameuses Raelets, parfait dans son rôle de pourvoyeur de riffs (Senor Blues). Deux solistes portant haut le flambeau d’un genre dont ils sont, avec Buddy Guy applaudi ici la veille, parmi les tout meilleurs représentants. Taj Mahal, dont c’est la troisième venue à Juan, excelle à la guitare aussi bien qu’à l’harmonica. Sa voix, ample et généreuse, lui permet d’assumer un rôle de leader et d’imprimer au concert un rythme où pas un seul temps mort ne trouve place.

Pour sa part, Keb Mo ne lui cède en rien pour ce qui est de la virtuosité. Chacune de ses interventions à la guitare témoigne qu’il est l’un des représentants les plus doués du blues que l’on pourrait dire « moderne », encore que profondément enraciné dans une tradition quasiment immémoriale. Quant à sa voix, elle véhicule la même puissance d’émotion que celle de son aîné. Point culminant, celui où, après avoir congédié leurs accompagnateurs, les deux se retrouvent pour un duo entièrement acoustique. Toute la magie du blues se manifeste alors dans sa pureté originelle. La copieuse assistance ne s’y trompe pas, qui leur réserve une ovation méritée.

Tom Jones

Tom Jones (voc) + tentette

Si l’expression « légende vivante » n’était aussi galvaudée, elle conviendrait à merveille pour qualifier Tom Jones. Il n’est que de constater la réaction du public dès son apparition sur scène. Un public où se côtoient jeunes et moins jeunes, réunis dans une commune ferveur. Il faut dire que ce héros de la pop dont les premiers succès remontent aux années 60-70 possède dans sa panoplie tous les atouts susceptibles de toucher toutes les sensibilités. Une discographie impressionnante, de nombreuses apparitions dans des séries télévisées. Un spectacle minutieusement réglé où les lumières, les couleurs et les sons se répondent dans une synesthésie digne de ce touche-à-tout aux indéniables qualités de showman. Capable de varier les climats, du blues et du gospel (Did’nt It Rain) à la valse quasiment musette, comme son tube What’s New, Pussycat accompagné à l’accordéon en passant par les rythmes binaires.

Avec cela, professionnel jusqu’au bout des ongles. Enchaînant avec une affabilité constante et sans le moindre répit ses grands succès. Assez artiste pour user de qualités vocales que nul ne saurait contester, assez habile pour maintenir d’un bout à l’autre l’intérêt. La parfaite synthèse, en somme, répondant aux vœux des organisateurs : offrir une musique (appelons-la « jazz », pour se référer à la « raison sociale » du festival) susceptible de maintes extensions. Quitte à privilégier sciemment celles-ci pour toucher le public le plus large possible.

18 juillet

Wayne Shorter Quartet

Wayne Shorter (ts, ss), Danilo Perez (p), John Patitucci (b), Brian Blade (dm).

Retour à un style plus exigeant avec un quartette qui a fait ses preuves, celui de Wayne Shorter. Le saxophoniste en est à sa dixième venue à Juan. C’est dire que les amateurs savent à quoi s’attendre et que l’assemblée, moins compacte, il est vrai, que lors des soirées précédentes, lui est tout acquise.

Que dire de son art, sinon qu’il est celui de l’éphémère, de la rupture. Alternant ténor et soprano, le leader, qui joue ce soir davantage qu’il ne nous a accoutumés à le faire lors de précédentes prestations, lance des bribes de phrases, voire de courtes séquences aussitôt reprises, développées ou commentées par des partenaires attentifs. Lesquels, rompus à cet exercice, se chargent de reconstituer l’ensemble du discours pour lui conférer sa cohérence. Ce en quoi excellent non seulement Danilo Perez et John Patitucci, mais aussi Brian Blade qui, loin d’être cantonné à un rôle purement rythmique, ouvre des pistes et prend une part active à la construction de l’édifice. Fragments d’un discours amoureux : le titre, s’il n’était déjà pris, conviendrait assez bien à cette démarche, subtile dans son essence, parfois ardue à suivre dans son cheminement, mais génératrice de fulgurances aussi somptueuses que celles des feux d’artifice qui illuminent çà et là les rivages voisins.

Branford Marsalis Quartet with special guest Kurt Elling

Branford Marsalis (ts, ss), Joey Calderazzo (p), Eric Revis (b), Justin Faulkner (dm), Kurt Elling (voc).

Le quartet de Branford Marsalis compte en Joey Calderazzo un pianiste complet, aussi virtuose qu’inventif, tant sur le plan mélodique qu’harmonique. Les autres, à commencer par le leader, se meuvent avec aisance dans un univers cohérent, celui du post-bop, mais qui aurait poussé des pseudopodes dans diverses directions.

Un écrin idéal pour Kurt Elling dont la connivence avec le saxophoniste se révèle fructueuse dans les ballades, où leurs dialogues réservent d’agréables moments, aussi bien que dans une bossa nova chantée en portugais. Par ailleurs, ce crooner de la lignée des Frank Sinatra et des Mel Tormé, doté d’une large tessiture, use volontiers du scat. En quoi il se situe dans la pure tradition des chanteurs de jazz, ajoutant ainsi une nuance à la vaste palette des voix offertes à Juan lors de la présente édition : outre  ceux que se sont déjà produits, il faut en effet ajouter, entre autres, Macy Gray et Gregory Porter, Sting, Jamie Cullum et les Blind Boys of Alabama. Vaste programme !

Jacques Aboucaya|Depuis le début de cette cinquante-septième édition, les voix sont à l’honneur. Voix de toutes natures, remarquables pour diverses raisons, timbre, tessiture, expressivité. Une caractéristique commune : elles appartiennent, pour la plupart, à des chanteurs dont le domaine pourrait être défini comme celui de la grande variété internationale. A savoir que leur inspiration se nourrit à des sources multiples : pop, soul, funk, rock, blues, jazz. Autant d’ingrédients colorant, en proportions variables, un répertoire familier à un large public.  Tels sont les sortilèges d’Internet et des réseaux sociaux qui ont sonné le glas d’une diffusion qui fût demeurée, naguère encore, bien plus restreinte.

17 juillet

Luke Elliot (lead, voc, claviers, g), Hans P. Kjorstad (vln), Alf Hulbaekmo (p , elp), Njaal Uhre Kiese (b), Axel Skalstad (dm).

Ainsi de Luke Elliot. L’assistance, fournie, compte nombre de fans de ce chanteur-compositeur né en 1984 dans le New Jersey et qui a connu la popularité dès son premier album, « Death Of A Widow », en 2010. Un crooner dont la manière reste difficile à définir sinon par approximations : une mélancolie qui peut faire penser à Leonard Cohen, ou encore à Alain Bashung. Certains évoquent à son propos Dylan ou Tom Waits, d’autres Sinatra ou Springsteen. Ce qui est certain, c’est que, chez lui, tout est noir. Le regard, la chevelure. La tenue vestimentaire. Et, souvent, l’inspiration.

Le fait est qu’il navigue entre plusieurs pôles, la chanson de charme et le rock pur et dur, soutenu par un groupe particulièrement à l’aise dans le climat torride, à l’image du batteur Axel Skalstad. Sa prestation, plus que du jazz auquel elle emprunte fugitivement quelques accents, relève plutôt de ce qu’il est convenu d’appeler la world music. Sans doute faut-il éviter, sauf à être voué aux gémonies, les étiquettes réductrices : elles ont mauvaise presse. Mais en l’occurrence, l’expression reste assez vague pour obtenir un large consensus. C’est du moins mon opinion Et je la partage, comme ajouterait Joseph Prudhomme.

TajMo. Taj Mahal & Keb Mo Band

Taj Mahal (voc, g, hca), Keb Mo (voc, g).

Seconde partie entièrement dédiée au blues dans sa quintessence et sans le moindre compromis. Un bluesband de bonne tenue où officient deux choristes évoquant (de loin) les fameuses Raelets, parfait dans son rôle de pourvoyeur de riffs (Senor Blues). Deux solistes portant haut le flambeau d’un genre dont ils sont, avec Buddy Guy applaudi ici la veille, parmi les tout meilleurs représentants. Taj Mahal, dont c’est la troisième venue à Juan, excelle à la guitare aussi bien qu’à l’harmonica. Sa voix, ample et généreuse, lui permet d’assumer un rôle de leader et d’imprimer au concert un rythme où pas un seul temps mort ne trouve place.

Pour sa part, Keb Mo ne lui cède en rien pour ce qui est de la virtuosité. Chacune de ses interventions à la guitare témoigne qu’il est l’un des représentants les plus doués du blues que l’on pourrait dire « moderne », encore que profondément enraciné dans une tradition quasiment immémoriale. Quant à sa voix, elle véhicule la même puissance d’émotion que celle de son aîné. Point culminant, celui où, après avoir congédié leurs accompagnateurs, les deux se retrouvent pour un duo entièrement acoustique. Toute la magie du blues se manifeste alors dans sa pureté originelle. La copieuse assistance ne s’y trompe pas, qui leur réserve une ovation méritée.

Tom Jones

Tom Jones (voc) + tentette

Si l’expression « légende vivante » n’était aussi galvaudée, elle conviendrait à merveille pour qualifier Tom Jones. Il n’est que de constater la réaction du public dès son apparition sur scène. Un public où se côtoient jeunes et moins jeunes, réunis dans une commune ferveur. Il faut dire que ce héros de la pop dont les premiers succès remontent aux années 60-70 possède dans sa panoplie tous les atouts susceptibles de toucher toutes les sensibilités. Une discographie impressionnante, de nombreuses apparitions dans des séries télévisées. Un spectacle minutieusement réglé où les lumières, les couleurs et les sons se répondent dans une synesthésie digne de ce touche-à-tout aux indéniables qualités de showman. Capable de varier les climats, du blues et du gospel (Did’nt It Rain) à la valse quasiment musette, comme son tube What’s New, Pussycat accompagné à l’accordéon en passant par les rythmes binaires.

Avec cela, professionnel jusqu’au bout des ongles. Enchaînant avec une affabilité constante et sans le moindre répit ses grands succès. Assez artiste pour user de qualités vocales que nul ne saurait contester, assez habile pour maintenir d’un bout à l’autre l’intérêt. La parfaite synthèse, en somme, répondant aux vœux des organisateurs : offrir une musique (appelons-la « jazz », pour se référer à la « raison sociale » du festival) susceptible de maintes extensions. Quitte à privilégier sciemment celles-ci pour toucher le public le plus large possible.

18 juillet

Wayne Shorter Quartet

Wayne Shorter (ts, ss), Danilo Perez (p), John Patitucci (b), Brian Blade (dm).

Retour à un style plus exigeant avec un quartette qui a fait ses preuves, celui de Wayne Shorter. Le saxophoniste en est à sa dixième venue à Juan. C’est dire que les amateurs savent à quoi s’attendre et que l’assemblée, moins compacte, il est vrai, que lors des soirées précédentes, lui est tout acquise.

Que dire de son art, sinon qu’il est celui de l’éphémère, de la rupture. Alternant ténor et soprano, le leader, qui joue ce soir davantage qu’il ne nous a accoutumés à le faire lors de précédentes prestations, lance des bribes de phrases, voire de courtes séquences aussitôt reprises, développées ou commentées par des partenaires attentifs. Lesquels, rompus à cet exercice, se chargent de reconstituer l’ensemble du discours pour lui conférer sa cohérence. Ce en quoi excellent non seulement Danilo Perez et John Patitucci, mais aussi Brian Blade qui, loin d’être cantonné à un rôle purement rythmique, ouvre des pistes et prend une part active à la construction de l’édifice. Fragments d’un discours amoureux : le titre, s’il n’était déjà pris, conviendrait assez bien à cette démarche, subtile dans son essence, parfois ardue à suivre dans son cheminement, mais génératrice de fulgurances aussi somptueuses que celles des feux d’artifice qui illuminent çà et là les rivages voisins.

Branford Marsalis Quartet with special guest Kurt Elling

Branford Marsalis (ts, ss), Joey Calderazzo (p), Eric Revis (b), Justin Faulkner (dm), Kurt Elling (voc).

Le quartet de Branford Marsalis compte en Joey Calderazzo un pianiste complet, aussi virtuose qu’inventif, tant sur le plan mélodique qu’harmonique. Les autres, à commencer par le leader, se meuvent avec aisance dans un univers cohérent, celui du post-bop, mais qui aurait poussé des pseudopodes dans diverses directions.

Un écrin idéal pour Kurt Elling dont la connivence avec le saxophoniste se révèle fructueuse dans les ballades, où leurs dialogues réservent d’agréables moments, aussi bien que dans une bossa nova chantée en portugais. Par ailleurs, ce crooner de la lignée des Frank Sinatra et des Mel Tormé, doté d’une large tessiture, use volontiers du scat. En quoi il se situe dans la pure tradition des chanteurs de jazz, ajoutant ainsi une nuance à la vaste palette des voix offertes à Juan lors de la présente édition : outre  ceux que se sont déjà produits, il faut en effet ajouter, entre autres, Macy Gray et Gregory Porter, Sting, Jamie Cullum et les Blind Boys of Alabama. Vaste programme !

Jacques Aboucaya|Depuis le début de cette cinquante-septième édition, les voix sont à l’honneur. Voix de toutes natures, remarquables pour diverses raisons, timbre, tessiture, expressivité. Une caractéristique commune : elles appartiennent, pour la plupart, à des chanteurs dont le domaine pourrait être défini comme celui de la grande variété internationale. A savoir que leur inspiration se nourrit à des sources multiples : pop, soul, funk, rock, blues, jazz. Autant d’ingrédients colorant, en proportions variables, un répertoire familier à un large public.  Tels sont les sortilèges d’Internet et des réseaux sociaux qui ont sonné le glas d’une diffusion qui fût demeurée, naguère encore, bien plus restreinte.

17 juillet

Luke Elliot (lead, voc, claviers, g), Hans P. Kjorstad (vln), Alf Hulbaekmo (p , elp), Njaal Uhre Kiese (b), Axel Skalstad (dm).

Ainsi de Luke Elliot. L’assistance, fournie, compte nombre de fans de ce chanteur-compositeur né en 1984 dans le New Jersey et qui a connu la popularité dès son premier album, « Death Of A Widow », en 2010. Un crooner dont la manière reste difficile à définir sinon par approximations : une mélancolie qui peut faire penser à Leonard Cohen, ou encore à Alain Bashung. Certains évoquent à son propos Dylan ou Tom Waits, d’autres Sinatra ou Springsteen. Ce qui est certain, c’est que, chez lui, tout est noir. Le regard, la chevelure. La tenue vestimentaire. Et, souvent, l’inspiration.

Le fait est qu’il navigue entre plusieurs pôles, la chanson de charme et le rock pur et dur, soutenu par un groupe particulièrement à l’aise dans le climat torride, à l’image du batteur Axel Skalstad. Sa prestation, plus que du jazz auquel elle emprunte fugitivement quelques accents, relève plutôt de ce qu’il est convenu d’appeler la world music. Sans doute faut-il éviter, sauf à être voué aux gémonies, les étiquettes réductrices : elles ont mauvaise presse. Mais en l’occurrence, l’expression reste assez vague pour obtenir un large consensus. C’est du moins mon opinion Et je la partage, comme ajouterait Joseph Prudhomme.

TajMo. Taj Mahal & Keb Mo Band

Taj Mahal (voc, g, hca), Keb Mo (voc, g).

Seconde partie entièrement dédiée au blues dans sa quintessence et sans le moindre compromis. Un bluesband de bonne tenue où officient deux choristes évoquant (de loin) les fameuses Raelets, parfait dans son rôle de pourvoyeur de riffs (Senor Blues). Deux solistes portant haut le flambeau d’un genre dont ils sont, avec Buddy Guy applaudi ici la veille, parmi les tout meilleurs représentants. Taj Mahal, dont c’est la troisième venue à Juan, excelle à la guitare aussi bien qu’à l’harmonica. Sa voix, ample et généreuse, lui permet d’assumer un rôle de leader et d’imprimer au concert un rythme où pas un seul temps mort ne trouve place.

Pour sa part, Keb Mo ne lui cède en rien pour ce qui est de la virtuosité. Chacune de ses interventions à la guitare témoigne qu’il est l’un des représentants les plus doués du blues que l’on pourrait dire « moderne », encore que profondément enraciné dans une tradition quasiment immémoriale. Quant à sa voix, elle véhicule la même puissance d’émotion que celle de son aîné. Point culminant, celui où, après avoir congédié leurs accompagnateurs, les deux se retrouvent pour un duo entièrement acoustique. Toute la magie du blues se manifeste alors dans sa pureté originelle. La copieuse assistance ne s’y trompe pas, qui leur réserve une ovation méritée.

Tom Jones

Tom Jones (voc) + tentette

Si l’expression « légende vivante » n’était aussi galvaudée, elle conviendrait à merveille pour qualifier Tom Jones. Il n’est que de constater la réaction du public dès son apparition sur scène. Un public où se côtoient jeunes et moins jeunes, réunis dans une commune ferveur. Il faut dire que ce héros de la pop dont les premiers succès remontent aux années 60-70 possède dans sa panoplie tous les atouts susceptibles de toucher toutes les sensibilités. Une discographie impressionnante, de nombreuses apparitions dans des séries télévisées. Un spectacle minutieusement réglé où les lumières, les couleurs et les sons se répondent dans une synesthésie digne de ce touche-à-tout aux indéniables qualités de showman. Capable de varier les climats, du blues et du gospel (Did’nt It Rain) à la valse quasiment musette, comme son tube What’s New, Pussycat accompagné à l’accordéon en passant par les rythmes binaires.

Avec cela, professionnel jusqu’au bout des ongles. Enchaînant avec une affabilité constante et sans le moindre répit ses grands succès. Assez artiste pour user de qualités vocales que nul ne saurait contester, assez habile pour maintenir d’un bout à l’autre l’intérêt. La parfaite synthèse, en somme, répondant aux vœux des organisateurs : offrir une musique (appelons-la « jazz », pour se référer à la « raison sociale » du festival) susceptible de maintes extensions. Quitte à privilégier sciemment celles-ci pour toucher le public le plus large possible.

18 juillet

Wayne Shorter Quartet

Wayne Shorter (ts, ss), Danilo Perez (p), John Patitucci (b), Brian Blade (dm).

Retour à un style plus exigeant avec un quartette qui a fait ses preuves, celui de Wayne Shorter. Le saxophoniste en est à sa dixième venue à Juan. C’est dire que les amateurs savent à quoi s’attendre et que l’assemblée, moins compacte, il est vrai, que lors des soirées précédentes, lui est tout acquise.

Que dire de son art, sinon qu’il est celui de l’éphémère, de la rupture. Alternant ténor et soprano, le leader, qui joue ce soir davantage qu’il ne nous a accoutumés à le faire lors de précédentes prestations, lance des bribes de phrases, voire de courtes séquences aussitôt reprises, développées ou commentées par des partenaires attentifs. Lesquels, rompus à cet exercice, se chargent de reconstituer l’ensemble du discours pour lui conférer sa cohérence. Ce en quoi excellent non seulement Danilo Perez et John Patitucci, mais aussi Brian Blade qui, loin d’être cantonné à un rôle purement rythmique, ouvre des pistes et prend une part active à la construction de l’édifice. Fragments d’un discours amoureux : le titre, s’il n’était déjà pris, conviendrait assez bien à cette démarche, subtile dans son essence, parfois ardue à suivre dans son cheminement, mais génératrice de fulgurances aussi somptueuses que celles des feux d’artifice qui illuminent çà et là les rivages voisins.

Branford Marsalis Quartet with special guest Kurt Elling

Branford Marsalis (ts, ss), Joey Calderazzo (p), Eric Revis (b), Justin Faulkner (dm), Kurt Elling (voc).

Le quartet de Branford Marsalis compte en Joey Calderazzo un pianiste complet, aussi virtuose qu’inventif, tant sur le plan mélodique qu’harmonique. Les autres, à commencer par le leader, se meuvent avec aisance dans un univers cohérent, celui du post-bop, mais qui aurait poussé des pseudopodes dans diverses directions.

Un écrin idéal pour Kurt Elling dont la connivence avec le saxophoniste se révèle fructueuse dans les ballades, où leurs dialogues réservent d’agréables moments, aussi bien que dans une bossa nova chantée en portugais. Par ailleurs, ce crooner de la lignée des Frank Sinatra et des Mel Tormé, doté d’une large tessiture, use volontiers du scat. En quoi il se situe dans la pure tradition des chanteurs de jazz, ajoutant ainsi une nuance à la vaste palette des voix offertes à Juan lors de la présente édition : outre  ceux que se sont déjà produits, il faut en effet ajouter, entre autres, Macy Gray et Gregory Porter, Sting, Jamie Cullum et les Blind Boys of Alabama. Vaste programme !

Jacques Aboucaya